Lorsque les séries urbaines Marvel ont fait leurs débuts en 2015, on a découvert un pan de l’univers bien plus mature et sombre grâce à Daredevil et Jessica Jones. Si le public craignait une adaptation du justicier aveugle dans la lignée du film avec Ben Affleck, le résultat a été d’autant plus surprenant et cette première pièce à l’édifice super-héroïque de la plateforme au N rouge en a laissé plus d’un sur le carreau. Il faut dire que le show initié par Drew Goddard n’hésite pas à afficher sa filiation avec l’oeuvre de Frank Miller, en ne se restreignant pas sur son degré de violence à la fois physique et psychologique. Cette série donne littéralement vie au Daredevil hérité de l’auteur américain, et on plongeait alors avec une réelle passion dans les rues poisseuses et sordides de New York aux côtés d’un héros faillible et tourmenté.
Jessica Jones poursuivait cette approche plus réaliste et urbaine la même année, et on assistait donc à un vrai travail de création qui s’affranchissait des codes plus légers utilisés par Kevin Feige dans la branche cinéma du MCU. Il faut dire qu’à l’époque, les entités cinéma et télévision étaient deux branches bien distinctes, qui coexistaient avec des frictions récurrentes entre elles. Avec la dissolution de Marvel Television, qui a été absorbée dans Marvel Studios, c’est aujourd’hui le grand manitou Feige qui gère l’ensemble des productions sur les deux supports. Avec l’annonce d’une série Moon Knight dans le MCU, on était en droit de s’attendre à un traitement plus urbain et radical, à l’instar d’un Daredevil ou d’une Jessica Jones, ou encore d’un Punisher, même si la coexistence plus étroite entre l’ensemble des productions du MCU pouvait limiter les marges d’innovation. On espérait donc tout de même une adaptation plus proche du modèle Netflix que du MCU classique, surtout que le personnage tourmenté de Marc Spector avait tout le potentiel pour créer une oeuvre résolument adulte.
Alors quand le 1er épisode de Moon Knight a débarqué, on a d’abord été relativement interloqué par cette approche que l’on pourrait qualifier d’hésitante ou poussive, selon le degré de tolérance dont on était capable. Pour ma part, je décidais d’attendre la suite avant de poser un avis trop tranché, sachant qu’avec un total de 6 épisodes, on devrait très rapidement entrer dans le vif du sujet. Mais ce rythme étrange et ces choix narratifs ubuesques n’ont fait au final que s’accentuer, et on se retrouvait avec un show qui laissait très peu de place à Marc Spector, et qui a surtout totalement détruit l’alter-ego de Steven Grant! Le milliardaire branché à la Bruce Wayne laissait place à un benêt limite autiste, interprété par un Oscar Isaac en roue libre totale… L’incompréhension face à la réécriture de ce personnage lors du 1er épisode a laissé place à une amertume tenace par la suite, et au bout de 6 épisodes, on se demande encore quelle était la raison de ce choix totalement débile…
Quand on regarde une série s’appelant Moon Knight, on s’attend décemment à voir Moon Knight dedans… Et si on cumule l’ensemble de ses apparitions, on doit peut-être tenir 10 minutes sur le total des épisodes… C’est quand même sacrément rageant d’avoir laissé autant de place à cet individu sans aucun intérêt qui est une copie sans âme du vrai Steven Grant (celui des comics donc), et on perd très rapidement le soupçon d’intérêt que l’on pouvait avoir pour ce show, qui n’est qu’un produit mensonger de plus… Je ne pensais pas que cette série puisse être aussi mortellement ennuyeuse qu’une WandaVision ou qu’un Falcon et le Soldat de l’Hiver, et pourtant, on atteint ici les tréfonds du MCU… Les affiches présentant le costume de Moon Knight claquaient réellement, avec notamment l’apport des bandelettes égyptiennes, mais voir le costume apparaître progressivement sur le héros en CGI plutôt que d’opter pour un vrai costume, ça dénature encore une fois le concept même du Vengeur de l’Ombre…
Si on continue dans le ridicule, on ne peut pas passer à côté du personnage totalement caricatural incarné par Ethan Hawke, qui est un méchant d’une pauvreté trop souvent croisée… Un individu aux longs cheveux qui se la joue mystérieux à la tête d’une secte d’adorateurs d’une divinité inconnue mais terrible… Alors quand il montre les pouvoirs dont il est capable grâce à un artefact ancien, on redit bonjour aux effets spéciaux très limites, ce qui n’est pas pour crédibiliser davantage ce personnage… Bon, on va passer très rapidement sur la présence du regretté Gaspard Ulliel, qui incarne l’un des ennemis les plus emblématiques de Moon Knight, Anton Mogart. Celui appelé à devenir Midnight Man, passera brièvement torse nu sur un canasson, tel une égérie de Dior, et son rôle s’arrêtera à peu de choses près à ça. Quand on voyait l’entreprise de déconstruction du personnage de Moon Knight dès les premiers épisodes, il ne fallait certainement pas en attendre davantage en ce qui concerne les persos secondaires… Et bien évidemment, son plus grand ennemi n’apparaîtra pas, et ne sera que rapidement mentionné… Un comble alors qu’il est à l’origine de la création du héros même!
On va également pouvoir rager avec le panthéon des dieux égyptiens, qui aurait pu s’avérer faste et impressionnant, mais dont la réunion ne prend forme qu’à travers leurs avatars humains respectifs… On a par exemple Isis qui est présente, mais qui ressemble davantage à votre voisine de palier qu’à une déesse antique. Et on en parle de Khonshu?? Le dieu auquel Marc Spector se soumet pour garder la vie sauve est représenté de manière terriblement moche, avec là encore renforts d’effets spéciaux immondes, et il bénéficie d’une voix caverneuse complètement à côté de la plaque. C’est simple, je pense qu’en terme de crédibilité, Le Roi Scorpion est largement meilleur. Et sinon, on aura aussi une déesse-hippopotame et un dieu-crocodile, et ça donne sacrément envie de regarder Madagascar.
Alors, qu’est-ce qu’on peut tirer de positif dans cette série? Le fait qu’elle se limite à priori à une seule saison est une excellente nouvelle. On espère vraiment la dissolution de toutes les personnalités de Moon Knight dans le néant, ou avec l’aide de Thanos s’il revient un jour. Un seul épisode vaut pourtant le détour, il s’agit du 5ème qui explore la psyché de Marc et Steven, tout en suivant leur périple dans une sorte de purgatoire égyptien. Il y a là d’un coup un réel intérêt pour la tragique histoire des persos, et une certaine aisance dans le traitement narratif. Malgré l’hippopotame me direz-vous… Mais la vision infernale de ce lieu apporte un supplément d’âme qui faisait réellement défaut jusqu’ici, et Oscar Isaac parvient à rendre le personnage touchant.
Sinon, je vous invite à ne pas vous flageller en regardant ça, puisque les visites de tombes à la Lara Croft sentent le studio à plein nez, n’offrent aucune émotion ou suspense, et les combats sont terriblement nazes, mention à celui entre Khonshu et Ammit, digne d’une série Z des années 90. D’ailleurs, l’ensemble aurait pu être produit à cette lointaine période et être déballé maintenant, on n’y aurait même pas fait attention. Bref, Moon Knight est une vraie grosse daube comme Marvel sait les fabriquer à la chaîne, et pour l’instant, seul Loki mérite que l’on s’intéresse à l’univers TV du groupe!