The Mission (Johnnie To, 1999)

The Mission est sans conteste le film ayant révélé le metteur en scène hong-kongais Johnnie To, qui comme la plupart de ses compatriotes, a pour habitude de livrer plusieurs oeuvres chaque année. 3 films en 1999, 2 en 2000, 4 en 2001, etc… Un rythme endiablé caractéristique des travailleurs de l’ancienne péninsule britannique, ce qui nous vaut parfois quelques pépites, comme ce The Mission de très haute volée!

Le scénariste Nai-Hoi Yau est indissociable de To, puisqu’ils ont travaillé ensemble sur Running out of Time, The Mission, PTU, Judo, Election, Triangle, Drug War… Et The Mission maintient un équilibre parfaitement subtil entre une mise en scène affirmée et un récit captivant, donnant ainsi à ce film un cachet unique. On en a vu des films de gangsters et de flingages à tout va, mais le niveau créé par Johnnie To fait réellement date. Il n’y a qu’à voir cette première séquence de gunfight lors de laquelle Lung, un parrain local, manque de se faire assassiner. On sent une aisance cinématographique sacrément aiguisée, et une très belle gestion de la tension! Le fait de démarrer avec ce plan où les protagonistes sont totalement immobiles, alors qu’on est déjà en fin de fusillade, c’est couillu et sacrément réussi!

Après cette tentative de meurtre, Lung va faire appel à 5 tueurs à gages, qu’il va engager pour sa protection. Cette équipe de gardes du corps bien hétéroclite va s’avérer très soudée malgré les tempéraments différents de chacun, et on va réellement être happé par le quotidien de ces personnages atypiques! On a le leader Curtis (Anthony Chau-Sang Wong, vu dans Infernal Affairs), à la fois très calme et intraitable; Francis Ng (Infernal Affairs 2) qui joue Roy, un homme sanguin et loyal, et son employé Shin, ainsi que l’enthousiaste Mike et le silencieux mais affamé James. Chacun a ses particularités propres, et ces caractérisations apportent beaucoup à l’attrait du film. Voir James manger quasiment tout le long du film crée un effet humoristique intéressant, sans toutefois lui enlever sa stature et son professionnalisme. On va suivre ce club des 5 dans leurs longues journées parfois moroses, durant lesquelles on va assister à des scènes relativement absurdes, comme lorsqu’ils attendent leur employeur qui est en rendez-vous.

Mais on va aussi assister à des fusillades réellement impressionnantes, avec notamment celle du centre commercial. Johnnie To fait preuve d’une acuité magistrale lors de la construction de cette séquence, qui bénéficie d’une spatialisation et d’une temporalité hors norme! Il va jouer sur les effets d’attente et sur l’immobilité des protagonistes, ce qui va paradoxalement faire toute la qualité de leur travail de gardes du corps! La manière dont les 5 vont s’approprier l’espace afin d’avoir des angles de tir impeccables, le travail sur le regard qui est évidemment essentiel (Shin et l’escalator), la façon dont chacun va bouger tour à tour afin de circuler de la manière la plus safe possible, en étant chaque fois protégé par un autre… Il y a une réflexion profonde sur la nature même de leur travail, et sur la façon optimale de protéger leur client, et le résultat est tout simplement impressionnant en terme cinématographique! On a par moments l’impresion que les 5 sont des mannequins inertes dans ce centre commercial, mais la tension est pourtant maximale, cette immobilité garantissant leur survie!

Nai-Hoi Yau va élaborer une intrigue simple en apparence, mais qui réserve son lot de rebondissements savamment orchestrés. On va véritablement ressentir le code d’honneur de ces hommes, dont la loyauté va être mise à rude épreuve, et qu’ils vont tenter de respecter malgré tout. Les interactions entre chacun s’avèrent très intéressantes, et on va naviguer entre des tranches de vie parfois drôles et des gunfights très originaux! Il n’y a qu’à voir la manière dont Johnnie To filme Shin en train de préparer son arme, pour comprendre toute la portée à la fois ludique et radicale qu’il va apporter au reste du métrage!

Et que dire de cette superbe partition signée Chi Wing Chung, qui va scotcher le spectateur dès le début du film pour ne plus le lâcher, même bien longtemps après le générique de fin! The Mission est une petite pépite qui vaut sacrément le coup d’oeil, même si la VOST est bien évidemment à privilégier!

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