Chad Stahelski est resté fidèle à John Wick depuis le début, lui qui a co-réalisé John Wick avec David Leitch en 2014, avant de s’occuper en solo de John Wick 2 en 2017 et de John Wick Parabellum en 2019. Au fil de la saga, on se rendait en salle histoire de retrouver ce bon vieux Keanu sans pour autant parvenir à retrouver les sensations et l’adrénaline du premier opus. On passait un bon moment certes, mais on restait nettement en-deça des attentes avec ces blockbusters calibrés mais sans grosse valeur ajoutée. Je souhaitais bien évidemment aller voir ce John Wick : Chapitre 4 en salle, mais j’ai failli me rétracter lorsque j’ai appris la durée péplumesque de ce (très) long métrage, finalisée à 2h49… Il y avait de quoi s’inquiéter en terme de rythme au vu des 2 films précédents, et je craignais que ce cher John ne tienne pas sur la longueur…
Je n’ai aucune idée de ce qui a bien pu se passer pour Stahelski sur ce 4ème épisode, mais il fait preuve d’un regain de créativité impressionnant, et nous concocte au calme un film d’action qui va venir sublimer toute la mythologie mise en place dans les épisodes 2 et 3, afin de mieux la déconstruire avec une aisance et un second degré sous-jacent ainsi qu’un traitement visuel très poussé. Là où je craignais un enchaînement de séquences décousues et des séquences de dialogues étirées au possible, on a au final un immense roller-coaster naviguant entre dialogues ultra-série B vintage mais rendus clinquants par une mise en scène très efficace et des acteurs capables de flirter avec l’élément parodique inhérent au genre, et des putains de séquences d’action sacrément jouissives et maîtrisées comme rarement par Stahelski !!! Si l’épisode 3 allait trop loin dans la surenchère, ici on atteint un dépassement qui est avant tout graphique et sensitif, avec une attention portée tout autant aux séquences dites calmes mais dans lesquelles la tension est toujours bien ciselée, que dans les confrontations armées qui vont puiser dans des décennies de films de série B pour leur rendre hommage tout en les triturant assez pour les moderniser avec classe. John Wick : Chapitre 4 est un très grand film d’action comme on en voit rarement, qui fait preuve d’une décomplexion qui manquait cruellement à la saga, et qui fait de cet épisode 4 un joyau brut à savourer sans modération!
Pour le coup, les 2h49 de métrage s’enfilent comme du petit lait, et l’ensemble est d’une générosité sans faille de la part de tous les participants à ce carnage ^^ Keanu Reeves donne toujours autant de sa personne dans le rôle-titre bien taiseux et mélancolique, et c’est à chaque fois un plaisir de le retrouver. Quel plaisir également de retrouver ce bon vieux Donnie Yen dans un rôle taillé sur mesure pour lui, avec ce mélange d’action et d’humour qu’il manie avec la classe dont il a le secret. Sa prestation martiale est bien évidemment impressionnante comme à l’accoutumée, et la complexité de son personnage, ainsi que ses liens avec John, permettent d’apporter une couche supplémentaire au récit, qui est de prime abord très épuré pour faire dans l’euphémisme. Mais en même temps, c’est en brodant sur un récit aussi simple que l’on parvient parfois à sublimer les séquences d’action, ce qui est clairement le cas ici. Bill Skarsgård est sans conteste l’un des meilleurs atouts de sa génération, capable de jouer le pote le plus sympa ou le boogeyman le plus pervers, et sa prestation distinguée ici renforce l’aura machiavélique de son personnage.
On retrouve également Laurence Fishburne, Hiroyuki Sanada, le regretté Lance Reddick, disparu à l’âge de 60 ans ce 17 mars… Mais aussi Scott Adkins (!), Ian McShane, et ce bon vieux de la vieille Clancy Brown, éternel second rôle qui aura traversé les décennies avec son charisme, lui qu’on a même vu dans le sublime jeu vidéo Detroit : Become Human! Là où les épisodes 2 et 3 passaient de séquence en séquence en semblant obéir à un cahier des charges, il y a ici une nature décomplexée qui fait que l’on va passer d’une scène à l’autre et découvrir les personnages au fur et à mesure avec un rythme très bien dosé, et une fluidité essentielle pour la bonne tenue de ce très long morceau! Chad Stahelski va se permettre des expérimentations à la fois innovantes et franchement belles, et il le fait une énergie et un rythme rendant hommage à la viscéralité de John Wick 1er du nom! On va assister à des séquences ayant dû demander un travail préparatif assez dingue, et qui donnent vraiment envie d’aller chercher les making-of! C’est emballé avec une très belle maestria en n’omettant aucune donnée, tant tout est au cordeau au niveau visuel, photographique, musical ou chorégraphique. La tenue des combats est exemplaire car ils ne font pas dans l’esbrouffe mais s’avèrent finalement bien plus denses que ce que l’on pensait au départ, et les acteurs, figurants et cascadeurs ont réellement donné de leur personne pour que l’ensemble soit aussi bourré de tension et d’énergie!
Là où John Wick apparaît comme le blockbuster séminal, John Wick : Chapitre 4 va plus loin dans l’exploration des sens en invitant le spectateur à un trip parfois bien barré, comme cette séquence quasi-hypnotique que ne renierait pas Gaspar Noé! La conjonction entre la musique, la photographie de toute beauté signée Dan Laustsen, et les décors immersifs, font que l’on plonge tête la première dans cette scène avec un plaisir décuplé, avec toujours en arrière-plan cet humour subtil distillé avec cette tension palpable. L’intro de cette séquence vaut elle aussi largement le visionnage, avec cette sorte de parodie aux scènes de casino des James Bond ^^
Chad Stahelski va exceller dans la variété des combats, et en dire davantage serait spoiler, mais bordel il y a vraiment du très bon dans ce film, grâce notamment à une caméra qui se faufile vraiment partout et qui semble ultra-légère ^^ Sinon on a aussi droit à une séquence avec véhicules assez démentielle, qui là encore fait pas mal dans l’innovation! C’est juste complètement dingue et c’est un plaisir en terme d’action, tant c’est maîtrisé et coordonné à mort!!! Je reviens rapidement sur le directeur de la photo Dan Laustsen, car le travail du Danois est très élaboré et participe activement à la beauté de l’ensemble. On le retrouvait à l’époque sur Le Veilleur de Nuit d’Ole Bornedal (1994), ainsi que sur Le Veilleur de Nuit… d’Ole Bornedal en 1997 ^^ Mais également sur Mimic, Le Pacte des Loups, Silent Hill, Crimson Peak, Nightmare Alley… Des oeuvres marquées stylistiquement par sa patte, car il accompagnait à chaque fois très bien le metteur en scène.
John Wick : Chapitre 4 est une excellente surprise, remettant la saga sur de superbes rails, et travaillant sa richesse avec ses hommages allant puiser dans les films HK de John Woo, mais aussi dans les westerns spaghetti et bien d’autres spécialités old school. John Wick : Chapitre 4 se place comme un excellent film d’action contemporain tout en n’oubliant pas ses prédécesseurs, et il devrait vous en mettre plein la vue sans que vous voyiez le temps filer!!!