Il paraît que les gens ont bien flippé lors de l’arrivée en gare de ce satané train à La Ciotat… C’était en 1896, et depuis, on en a imprimé des millions de kilomètres de pellicule, dans le but de divertir, étonner, choquer, séduire avec des oeuvres aux tonalités variées et s’inscrivant dans des types bien distincts. Le film de genre a très longtemps été le parent pauvre du cinéma, même si les adeptes ne laissaient jamais passer l’occasion d’aller se faire une toile bis ou gore. Dans le film de genre, on peut trouver différentes catégories que sont les films d’horreur, les films fantastiques, la science-fiction ou les films d’action, et dans chacune de ces catégories existent des sous-catégories, comme par exemple le slasher ou le home invasion en ce qui concerne le cinéma horrifique. Je ne peux pas résister et je vous mets ici le lien vers des extraits du Signe de Zorro, où vous apprendrez que le Parkour se pratiquait déjà en 1920 ^^
Ce qui va nous intéresser aujourd’hui, c’est une certaine catégorie de cinéma d’action que je pourrais qualifier de moderne, voire de post-moderne si je bossais pour Les Cahiers du Cinéma^^ Et même si je vais traiter de films récents, il va être nécessaire de les situer par rapport à des oeuvres précédentes et de les inscrire dans une chronologie et dans une sorte d’Histoire avec un grand H du cinéma. C’est en regardant hier soir une vidéo de Regelegorila consacrée à la saga John Wick (que je vous invite à regarder juste ici) que j’ai eu envie de rédiger cet article, car Rege y fait un point du cinéma d’action moderne, et j’ai eu envie d’approfondir le sujet avec un article de fond. Vous pourrez approfondir en cliquant sur certains titres, qui vont renvoyer à chaque fois à une critique complète.
Quand on parle de cinéma d’action, les premiers noms qui nous viennent à l’esprit sont John McTiernan avec les mythiques Predator (1987), Piège de Cristal (1988), Last Action Hero (1993) et Une Journée en Enfer – Die Hard 3 (1995); James Cameron avec Terminator (1984), Terminator 2 : le Jugement Dernier (1991), Renny Harlin avec 58 Minutes pour vivre (1990), Cliffhanger, Traque au Sommet (1993). On a également la saga Rambo avec notamment le premier opus crépusculaire de Ted Kotcheff en 1982, la saga L’Arme Fatale de Richard Donner… Sans évidemment oublier le Commando complètement barge et crypto-gay de Mark L. Lester en 1985! Je pense que j’ai cité les plus mythiques, ceux avec qui les gens de ma génération ont développé toute une culture de pop-corn movies qui nous ont fait rêver durant ces décennies bénies!
Mais aujourd’hui, ce ne sont pas à ces grands classiques que je vais m’intéresser, mais plutôt à des oeuvres annexes qui ont sans aucun doute bénéficié de l’aura de leurs prédécesseurs, pour en sublimer les différentes strates et parvenir à en extraire la substantifique moelle et en faire une sorte de variation 2.0, post-moderne donc ^^ Rege date ce basculement de manière très précise, en évoquant la saga Jason Bourne, avec bien évidemment La Mémoire dans la Peau de Doug Liman en 2004. Le metteur en scène apposait à son film un mélange de brutalité sèche et de chorégraphies très travaillées auxquelles le cinéma américain ne nous avait pas habitué. La suite de la saga ne sera que d’atroces combats en mode shaky cam, tandis que ce film d’ouverture nous offrait une lisibilité unique et inattendue dans ses séquences de combats. On ressentait de manière abrupte les impacts des coups portés, et on baignait dans une sorte de réalisme stressant qui nous faisait réellement craindre pour la santé de ce bon vieux Jason!
Mais si Jason Bourne a révolutionné le cinéma d’action américain, c’est sur le continent asiatique qu’il faut chercher les prémisses de ce changement, qui tient en grande partie à une poignée de metteurs en scène, avec à leur tête certain John Woo. Avec Le Syndicat du Crime (1986), The Killer (1989), Une Balle dans la Tête (1990) et A toute Epreuve (1992), il nous en met plein la vue dans des polars hard-boiled m’ayant durablement marqué par leur mise en scène infernale et leur atmosphère déliquescente. Le souvenir est très lointain, il faudrait que je me les refasse afin de voir s’ils ont bien passé l’épreuve du temps, mais ils ont sans conteste marqué toute une génération de cinéphiles à l’époque des cassettes vidéo HK ^^ On peut également évoquer Tsui Hark : The Blade (1995), Time and Tide (2000), qui m’avaient fait très grande impression à l’époque, et qu’il faudrait peut-être revoir ^^ On ne peut bien évidemment pas oublier l’incroyable Jackie Chan et ses films très souvent plombés par leurs aspect comique bien lourd, mais qui offrent des pépites visuelles au niveau des combats! On retiendra surtout l’excellent Police Story (1985), Mister Dynamite (1986) et Opération Condor (1991) ! La vitalité de Jackie et ses chorégraphies totalement barges font de lui une sorte de Buster Keaton (à découvrir absolument si vous ne connaissez pas!) survitaminé adepte des arts martiaux, et c’est un pur régal d’assister à des séquences aussi incroyables !!! Plus tardivement, on ne peut pas oublier Johnnie To et son sublime The Mission, qui est une référence ultime en terme de film de gunfights, avec une mise en scène parfaite, une gestion de la géographie démente, et un score entêtant de Chi Wing Chun! E un peu plus tard encore, il faut compter sur Wilson Yip et son superbe Ip Man en 2008, mené par un Donnie Yen impérial.
La même année qu’Ip Man, Pierre Morel nous livre un Taken rappelant les codes instaurés par Liman avec La Mémoire dans la Peau, et cette vision du cinéma d’action plus fluide et plus impactante commence à faire son bonhomme de chemin. On lui préférera toutefois son effort précédent, qui coïncide avec La Mémoire dans la Peau, puisque Leterrier réalisait en 2004 l’excellent Banlieue 13. Souvent décrié, il est pour moi un superbe exemple d’actioner à la française, travaillé avec une très belle fluidité et respectueux du travail de David Belle et Cyril Raffaelli sur les séquences de combats et les cascades.
On commençait à voir les lignes bouger, on sentait une certaine effervescence dans le domaine, qui commençait à sérieusement peser dans le 7ème art et à s’affranchir d’une aura plus confidentielle et référentielle. Et voilà qu’une bombe débarque au festival de Toronto en 2011 en raflant le Prix du Public : The Raid du gallois Gareth Evans vient faire voler en éclat tout ce que l’on croyait savoir sur le cinéma d’action, en nous offrant un huis-clos hyper-sensoriel qui dynamitait tout sur son passage. On peut sans conteste marquer l’année 2011 et ce film comme un tournant radical, le cinéma d’action atteignant ici ses lettres de noblesse en terme de virtuosité et de caractère impactant. En mixant les genres du films d’arts martiaux et du film de gunfights, Gareth Evans propulse Iko Uwais comme la nouvelle icone du genre, personnage pris dans une tourmente démentielle dans cette longue montée aux enfers, partant du pied d’un immeuble et remontant étage par étage afin d’atteindre le boss final! On en profite pour découvrir le pencak-silat, art martial indonésien très marquant et très cinématographique. On assiste à des séquences démentielles avec des cascadeurs qui prennent cher! Le résultat est un joyau brut de toute beauté, dont l’excellent Dredd sorti en 2012 partage pas mal d’étranges similitudes! Même utilisation du huis-clos oppressant, et défouraillages en règle à tous les étages, le film de Pete Travis est lui aussi un must dans son genre! Et sinon, le Merantau de Gareth Evans en 2009 constitue un brouillon intéressant pour The Raid!
Mais si l’Indonésien The Raid a révolutionné le genre, un certain Thaïlandais dénommé Prachya Pinkaew avait commencé à oeuvrer à ce changement, avec son fameux Ong-Bak (2003), qui reste toutefois plombé par un récit bien terne, mais qui se permet des éclats de génie lors de ses chorégraphies, révélant un Tony Jaa impérial dans sa maîtrise des arts martiaux. Le Chocolate en 2008 du même réalisateur vaut lui aussi de passer sous la rétine, avec ses combats bien innovants portés par la thaïlandaise JeeJa Yanin qui assure aussi bien que ses homologues masculins dans la fracturation de mâchoires et autres pétages de type rotulien! Mais The Raid reste LE tournant en 2011, et il sera agrémenté d’une suite en 2014 qui va encore complexifier le propos en s’inscrivant dans le film de mafia, avec l’infiltration du personnage d’iko Uwais dans un gang. Le résultat est époustouflant, et ce diptyque est sans aucun doute la saga d’action la plus marquante de l’histoire du cinéma, tant dans l’impact qu’elle va avoir sur la suite pour le 7ème art, que dans le pur plaisir à suivre ces innovations chorégraphiques et techniques totalement impactantes.
En 2013, un acteur célèbre va réaliser son premier film, le confidentiel Man of Tai Chi. Il s’agit de Keanu Reeves, qui a un respect profond pour la culture asiatique et qui est sans conteste un adepte des films d’arts martiaux. Cette oeuvre passée sous les radars est juste excellente, et bénéficie de tout l’amour de Reeves pour le genre et de sa propension à laisser libre cours aux combats, sans user de shaky cams et de montage cut. On assiste à des affrontements qui claquent sévèrement, et Man of Tai Chi est un pur plaisir de cinéphile bis ^^ Evidemment, 2014 va également marquer un tournant avec le John Wick de David Leitch et Chad Stahelski. Ce film séminal va nous offrir une approche tellement épurée et subtile de la violence, que l’on ne peut qu’être happé par la maîtrise visuelle des 2 cascadeurs passés derrière la caméra, qui rendent hommage au film de genre en le plaçant très haut dans la hiérarchie du 7ème art. Une fois encore, dans la continuité de The Raid et de The Raid 2, on a un actioner qui n’a pas peur d’assumer ses convictions et qui se place comme une pierre angulaire indétrônable du genre. En même temps, fallait pas s’attaquer à son chien…
Et pourtant, il ne faudrait pas oublier les ouvrages d’un artisan bien moins exposé du genre, et néanmoins tout aussi indispensable. J’ai nommé John Hyams, fils de Peter Hyams, qui en 2009 reprenait une saga chère aux fans de série B, pour en faire une pure pépite du cinéma d’action. Je parle d’Universal Soldier : Régénération, qui constitue avant John Wick une autre pierre angulaire du genre. L’utilisation des plan-séquence, la maîtrise topographique et la gestion des combats et autres gunfights sont juste démentiels, le tout baignant dans une atmosphère très stressante. Jean-Claude Van Damme et Dolph Lundgren ont abandonné leur aspect exagéré des nineties, pour nous offrir des prestations bien plus tragiques, et le tout est emballé avec une maestria qui fait réellement plaisir à voir! Hyams rempilera en 2013 avec Universal Soldier : le Jour du Jugement, qui va aller encore plus loin dans l’atmosphère poisseuse, avec des références assumées à Apocalypse Now et des séquences de combats tout aussi dingues que le premier opus. Ce diptyque, avant celui de The Raid, vaut largement le coup d’oeil, et pour ceux qui rigolent en disant qu’Universal Soldier c’est juste ringard, je leur conseille de simplement regarder l’intro du 2, ça calme toujours 😉
On peut rapidement évoquer le coréen The Villainess de Byeong-gil Jeong (2017), qui dans l’ensemble est assez calme, mais qui se permet 2-3 séquences d’action d’envergure, dont notamment la séquence mythique de combat au sabre à moto dans un tunnel !!! Un scène juste hallucinante qui vaut vraiment d’être vue!!!
Et comme il y avait un certain Scott Adkins au casting du 2ème volet d’US, ça me permet d’effectuer une transition vers l’excellent One Shot (2021) signé James Nunn, qui obéit pas mal aux codes du jeu vidéo style Modern Warfare pour nous offrir un trip hallucinant en mode plan-séquence unique! Les combats sont âpres et bien marquants, et ce film mineur vaut largement bien des oeuvres ayant eu la chance d’atteindre les toiles des salles de cinéma! James Nunn est sacrément inspiré et nous livre un film radical allant droit à l’essentiel! Un an avant, en 2020, Sam Hargrave nous livrait un Tyler Rake sacrément radical pour une prod Netflix emmenée par Chris Hemsworth! Il va très loin en terme de violence, parvenant même à être dérangeant par moments, et il bénéficie d’une approche du genre de très haute maîtrise!
On ne peut évidemment pas omettre le sublime John Wick : Chapitre 4 qui est actuellement à l’affiche, et je vous invite à aller voir ce que j’en dit juste ici, mais le trip est incroyable et l’aisance de Chad Stahelski sur cet opus est dingue!!!
Et avec les qualités des productions télévisuelles, on ne peut pas passer à côté de ce qui se fait sur petit écran et qui n’à certainement pas à rougir de la comparaison avec le cinéma. De 2013 à 2016, une série vraiment peu connue révolutionnait le game à la télévision, j’ai nommé la sublime Banshee. Jonathan Tropper et David Schickler m’ont estomaqué avec les aventures du shérif Lucas Hood, baignant dans cette ambiance redneck juste dingue et proposant des scènes de combats démentielles au gré des 4 saisons de ce show mythique. Banshee contient des séquences parmi les plus impactantes que j’ai pu voir tous écrans confondus, en usant d’une maîtrise inespérée pour nous raconter toutes ces mésaventures explosives!
Et pour boucler la boucle, on revient à Gareth Evans, qui s’est aussi approprié les codes télévisuels avec sa superbe série Gangs of London, qui est à l’image de ses films. La saison 2 s’est terminée il y a peu, et je n’exagère pas en disant qu’on frise le génie, tant en matière d’écriture, avec des personnages d’une densité folle, qu’en terme d’action et d’atmosphère. Gangs of London est sans conteste l’une des plus belles réussites du petit écran!
J’espère que vous aurez apprécié ce tour d’horizon, et que cela vous a donné envie de découvrir des oeuvres que vous ne connaissiez pas! 🙂