En 2012, Christopher McQuarrie adaptait pour la première fois le personnage dans le film Jack Reacher, avec Tom Cruise dans le rôle principal. Un thriller sympathique qui avait accouché d’une suite 4 ans plus tard, confiée cette fois aux soins d’Edward Zwick, Jack Reacher : Never Go Back, que j’avais trouvé supérieure au premier film. On retrouvait un Tom Cruise un peu plus badass qu’à l’accoutumée, mais qui véhiculait toujours ce même flegme que dans la plupart de ses films. J’avais entendu parler de cette série Reacher sans forcément avoir eu envie de m’y intéresser, car ma première rencontre avec l’acteur Alan Ritchson s’est faite dans l’incroyable, que dis-je le sublime Fast and Furious X, dans lequel il avait un rôle que je trouvais inutile et ridicule avec ses chemises trop serrées et sa super-pièce vide pour jouer avec ses écrans… Je suis resté sur cette vision de l’acteur et ça ne m’avait donc pas motivé à voir quoi que ce soit d’autre avec lui. Mais à force de voir passer des images de cette nouvelle adaptation, j’avais l’impression de potentiellement passer à côté de quelque chose de badass justement, et je me suis dit que ça ne coûtait rien de tenter le premier épisode. Résultat : 3 épisodes le 1er jour, 5 le second, la saison 1 était pliée.
Tout comme les 2 films (dont la série n’est pas la suite mais bien une nouvelle adaptation), Reacher va mettre en images les romans de Lee Child, qui a écrit pas moins de 28 livres consacrés au personnage entre 1997 et 2022 ! Il écrit donc minimum un roman par an, et atteint même le nombre de 2 en 2010 et en 2017 ! On peut décemment le considérer comme un écrivain prolifique ! La saison 1 de Reacher va adapter le tout premier roman Du Fond de l’Abîme de 1997, et va voir le personnage arriver dans la petite communauté fictive de Margrave, ce qui va coïncider avec la découverte d’un cadavre. Jack Reacher est rapidement arrêté, avant d’être relâché et d’aider les policiers chargés de l’enquête. L’aspect monolithique de l’acteur dans Fast and Furious X m’avait vraiment refroidi, et ce même aspect monolithique fonctionne tellement bien dans cette série ! Le côté géant silencieux qu’il adopte lors de son arrestation est un classique du genre, renvoyant aux belles heures du western avec le héros taciturne, et on se dit alors au début de l’épisode que ça fait plaisir de retrouver ce genre de production.
Il faut dire que la mise en scène s’avère rapidement fluide et précise, malgré le changement régulier de réalisateurs au gré des épisodes. Malgré cela, le showrunner Nick Santora est parvenu a maintenir une véritable cohésion tant au niveau de l’écriture que visuelle. Santora est notamment connu pour avoir écrit et produit des épisodes de Prison Break depuis le début de la série. Ce qui frappe d’emblée dans Reacher, c’est cette atmosphère de petite ville tranquille dont le calme va inexorablement voler en éclat, et ce concept ultra-classique est traité avec tellement de soin que c’est un pur régal à suivre ! J’adore ce concept de départ, qui a été totalement sublimé dans Banshee, et qui se retrouve également dans Longmire et de manière séminale dans Twin Peaks. Le fait de plonger dans une ville ancrée possédant sa propre histoire et toute une galerie de personnages, c’est toujours un plaisir quand c’est écrit avec soin, car cela permet de brasser de nombreuses thématiques et de fortifier le récit principal. Il y a pas mal de points de comparaisons entre Reacher et Banshee, même si j’indique tout de suite que Banshee reste résolument supérieure. Mais le côté badass de chacun des personnages, Reacher d’un côté et Hood de l’autre, sont rendus très crédibles par les qualités de leurs interprètes, Alan Ritchson donc d’un côté, et Antony Starr de l’autre.
Alan Ritchson offre donc un côté monolithique à son personnage, avec son 1,96 et sa stature de boeuf de compétition, et je ne sais pas si la démarche est intentionnelle ou non, mais il m’a furieusement fait penser au John Matrix de Commando. Sa démarche justement est similaire à celle du personnage incarné par Arnold Schwarzenegger, et je trouve que physiquement il est un mélange de Schwarzy et de John Cena ! La façon dont il traverse la ville démontre toute sa volonté et sa détermination, et le fait qu’il va falloir se lever tôt pour l’arrêter … Alan Ritchson est juste parfait dans le rôle, avec de petites pointes d’humour quand il faut, et quelques saillies émotionnelles jaillissant sans prévenir et qui achèvent d’en faire un personnage vraiment captivant. Nick Santora joue très efficacement sur les flashback revenant à l’enfance de Jack, aux côtés de son frère Joe et de ses parents, ce qui permettra de mettre davantage en lumière l’homme solitaire qu’il est devenu. Dans sa manière de procéder et dans ses interactions avec les gens, on a presque l’impression qu’il est atteint d’une forme d’autisme, tant il ne met aucune forme dans ses propos et qu’il est simplement tout le temps cash. On sent à la fois un côté d’inadaptation sociale, tout en découvrant un individu capable de comprendre les motivations et le fonctionnement des êtres humains. Reacher est doté d’une très grande intelligence, et va se sortir de situations très compliquées avec une détermination et une absence de peur qui font plaisir à voir dans une série d’action. Non pas qu’il va éviter tous les coups, mais le voir promettre à ses adversaires des blessures très précises, c’est toujours bien jouissif juste avant que le combat éclate !
Les séquences de combats sont d’ailleurs elles aussi très fluides et très bien chorégraphiées, pour un résultat résolument brutal et réaliste. C’est un plaisir d’avoir un showrunner qui aime l’action et qui ne surdécoupe pas ses scènes, pour au contraire nous offrir une vraie lisibilité et une réelle maîtrise de l’environnement. Cela est d’autant plus impactant que Reacher n’est pas qu’une grosse série d’action, mais elle se permet également d’être une série policière géniale ! Il faut dire que l’enquête minutieuse à laquelle Reacher participe a été écrite avec beaucoup de soin, le matériau de base de Lee Child semblant vraiment excellent. Je ne vais pas rentrer dans les détails pour ceux qui n’ont pas encore vu cette série, mais l’intrigue est vraiment bien ficelée et fonctionne à merveille, allant impliquer de nombreux protagonistes issus de la communauté de Margrave. Là encore, nous avons des similitudes avec Banshee, puisqu’il y a forcément un Proctor local, les petites frappes du coin, le coiffeur black qui remplace le barman black, le chef de la police irascible … Dans ce genre de production, on a des personnages incontournables, mais sur l’ensemble de la galerie, je dois dire qu’on est loin de la qualité qu’avaient quasiment TOUS les personnages de Banshee. Ici, on va surtout se consacrer aux trois principaux, lesquels bénéficient d’une vraie belle écriture, tandis que les personnages secondaires restent relégués à leurs rôles respectifs sans prendre trop d’emphase. Mais le trio composé de Reacher, Conklin et Finlay est tellement savoureux que cela est déjà suffisant pour que cette série tienne le haut du panier.
Willa Fitzgerald est excellente dans le rôle de la policière Roscoe Conklin, donnant quelques belles nuances à son personnage et allant parfois à contre-courant de ce qu’on pourrait attendre. La séquence où Reacher tente de la protéger dans sa maison démontre bien sa forte personnalité ! Malcolm Goodwin va interpréter un Oscar Finlay coincé dans ses costumes de tweed, et qui va devoir gérer les agissements d’un Reacher nettement plus impulsif que lui ^^ L’acteur parvient à donner à la fois un côté agaçant à son personnage, tout en faisant qu’on commence à le trouver attachant au fil des épisodes. Il y a une vraie alchimie entre les 3 protagonistes, et cette enquête hors norme pour cette petite ville devient d’autant plus palpitante ! On retrouve Bruce McGill, que les plus anciens se rappelleront avoir vu dans McGyver dans le rôle du cousin Jack Dalton ! Bon, son interprétation du maire de Margrove n’est pas des plus captivantes, tout comme Currie Graham dans le rôle de Kliner, qui n’en fait pas franchement un personnage charismatique. On est très loin d’un Ulrich Thomsen en Kai Proctor, qui me marque encore des années après !
Mais l’ambiance générale de cette série, son intrigue superbement écrite, ses dialogues ciselés, les interactions entre les personnages principaux, les séquences de combats, tout cela fait que l’on a juste envie de lancer l’épisode suivant dès qu’on arrive à la fin du précédent ! Il y a une aisance dans la narration et dans la mise en scène qui fait que l’on se retrouve dans un schéma que l’on connaît bien, mais qui est exploré de manière pertinente et en profondeur par les auteurs. Reacher est une petite pépite se permettant quelques allusions discrètes aux vieux actionners d’antan, et se pose comme un excellent divertissement tout en nous proposant des personnages forts !