L’univers Marvel a une date de début très précise : il s’agit du 8 août 1961, date de sortie du tout premier numéro de Fantastic Four, la première de très nombreuses histoires super-héroïques signées Stan Lee et Jack Kirby. Les histoires contemporaines paraissant chaque mois chez Marvel Comics sont les descendantes directes de ce tout premier récit, l’éditeur nous présentant une continuité principale qui n’a cessé d’exister depuis 1961 ! Mais si cette date est historique, de nombreux éléments dans les comics des années 60 laissent entrapercevoir un univers encore plus ancien : en effet, on a un certain Namor qui apparaît rapidement dans les pages des Quatre Fantastiques, ou un certain Captain America repêché par les Avengers dans le 4ème épisode de la série consacrée aux Plus Grands Héros de la Terre, en novembre 1963. Stan Lee a donc rapidement décidé de remettre au goût du jour des personnages tombés dans l’oubli mais qui existaient durant la Seconde Guerre Mondiale!
Panini Comics a eu la très belle initiative de nous proposer les vrais premiers épisodes de Captain America, parus dans sa revue Captain America Comics dès décembre 1940. L’Amérique ne s’est pas encore engagée contre les Allemands, mais perçoit très clairement la menace représentée par les Nazis. Histoire de frapper fort d’entrée de jeu, l’éditeur Martin Goodman a donné son accord pour cette couverture mythique voyant Captain America frapper Adolf Hitler, dans un geste on ne peut plus symbolique, d’autant plus que Goodman était Juif. La création des super-héros doit pour beaucoup au travail d’auteurs juifs, comme c’est le cas de Superman, créé en mars 1933 par Jerry Siegel et Joe Shuster. Les comics apparaissaient comme un terrain d’expression privilégié pour véhiculer des idées patriotiques, et soutenir moralement les troupes et la population. Elles permettaient de transmettre l’idée que le Mal pouvait être vaincu par les représentants du Bien, et si tout cela apparaît comme bien désuet et naïf à notre époque, cette propagande visant à rassembler le peuple possède un certain côté noble. Il en fallait du courage pour se dresser contre le rouleau compresseur nazi, et les auteurs n’étaient pas encore au courant des pires exactions perpétrées par Hitler et son armée…
Lors de la parution de cette couverture et du premier numéro, l’horreur des camps et des chambres à gaz n’étaient pas encore connus du grand public, et ce qui apparaît comme une scène absurde et comique prend un tout autre aspect lorsqu’on se remémore la tragique histoire de ce conflit. On aurait aimé que Cap frappe bien plus fort et soit bien plus sanglant… La lecture de ces 4 premiers épisodes est très intéressante d’un point de vue historique, car ils possèdent une certaine légèreté que l’on ne peut plus mettre en parallèle de nos jours avec la Seconde Guerre, et ils représentent des instantanés d’une époque pas encore totalement plongée dans la tourmente du côté de l’Amérique. A un moment, on traverse brièvement une France occupée, et cela dégage un sentiment étrange de se dire que ce comics a été écrit lors de ces heures très sombres pour le pays… Mais si la couverture de Captain America Comics 1 représente Cap frapper Hitler, le dictateur n’apparaît pourtant pas dans ce premier numéro! Il s’agissait surtout d’un coup de comm afin que les lecteurs se ruent sur ce premier numéro, et faire ça aujourd’hui serait considéré comme de la publicité mensongère! Mais heureusement, Cap et son acolyte Bucky se rendront en Europe dès le second épisode, et rendront cette fois visite à Hitler et Göring dans leur bunker! Là encore, le traitement est relativement naïf et comique, ce qui n’aurait pas pu être possible si les auteurs avaient été informés de toutes les exactions commises par les Nazis… C’est à partir de 1941 que Rudolf Höss, officier allemand ayant été nommé au commandement du camp d’Auschwitz, a entamé ses essais pour tuer un maximum de personnes le plus rapidement possible… Je vous invite à lire le superbe roman La Mort est mon Métier de Robert Merle pour vous plonger davantage dans l’évocation de cette partie de l’Histoire, c’est tout simplement bouleversant. Tout comme les témoignages incroyables et terriblement poignants réunis dans l’ouvrage Des Voix sous la Cendre…
Pour revenir à davantage de légèreté, on va évoquer le comparse de Captain America, un certain Bucky Barnes. A cette époque, les super-héros avaient tous des acolytes enfantins, comme Batman avait son Robin ou Human Torch avait son Toro. De nos jours, ça pourrait paraître suspicieux, mais cette époque plus naïve ne voyait pas forcément le mal partout ^^ C’était un très bon moyen pour que les lecteurs s’identifient et entrent pleinement dans ces histoires, car Bucky était une sorte d’extension des lecteurs eux-mêmes, tel un point de passage leur permettant d’accéder aux récits de l’intérieur! Le procédé est simple et efficace, et le succès des comics de l’époque tenait en partie à cette méthode. Si on évoque Bucky, c’est pour voir un gamin dans un costume chamarré et toujours souriant, prêt à combattre le Mal où qu’il soit de manière insouciante! On est loin du Soldat de l’Hiver qu’il deviendra après avoir passé des décennies dans les geôles russes! C’est toujours drôle de voir le parcours de ce personnage qui a perdu toute sa naïveté et qui s’est sacrément endurci au fil de ses lavages de cerveau!
Le trait de Kirby est reconnaissable entre tous, lui qui a oeuvré pour nous livrer quantité de personnages Marvel, et la paire qu’il formait avec l’auteur Joe Simon a fait les belles heures de l’entreprises Timely Publication renommée ensuite Timely Comics, dirigée par Martin Goodman, qui deviendra Marvel Comics en 1961. Pour ceux qui ont vu Loki saison 2, vous connaissez donc la raison du nom de Victor Timely 😉 Steve Rogers de son vrai nom n’est pas le seul héros de cette publication, puisque chacun des 4 épisodes présente également une brève aventure de Tuk, l’enfant des cavernes, et d’Ouragan, le fils de Thor! Là encore, on peut sourire à l’évocation du Dieu du Tonnerre qui n’est pas encore un super-héros de la Maison des Idées, alors que son fils est sur le devant de la scène avant lui ^^ Bon, cette création d’Ouragan est assez déconcertante, avec un Dieu qui aime à se balader dans le plus simple appareil pour rendre la justice. Je vais essayer de vous trouver une illustration parlante, vous verrez que là aussi, on est dans une autre époque ^^ Des bottes, un slip et parfois des gants, ça suffisait pour s’habiller!
Nous avons aussi une certaine Betty Ross au casting! Elle est enquêtrice et se retrouve toujours à devoir être sauvée par Cap et Bucky, et n’a rien à voir avec la Betty Ross de Bruce Banner alias Hulk! Mais l’utilisation du même nom est plutôt drôle. Et nous avons un certain Crâne Rouge qui fait son apparition dès le 1er numéro! Mais il ne s’agit pas du Crâne Rouge le plus connu, alias Johann Schmidt, mais de l’obscur John Maxon, qui mourra dès ce premier épisode. Mais en fait non, puisqu’il sera de retour dans l’épisode 3 ^^ La recette de la mort non définitive est déjà en marche à l’époque! Ce Maxon sera oublié dans l’Histoire, avec un Johann Schmidt intervenant dès Captain America 7 en octobre 1941!
Un dernier point de détail, et non le moindre : le bouclier de Cap. Dès sa sortie fracassante, Captain America a posé certains problèmes de droits, puisque son bouclier ressemblait fortement au costume arboré par un certain Shield, personnage de l’éditeur MLJ (qui deviendrait plus tard Archie Comics). En effet, ce super-héros revêtait un costume prenant l’apparence d’un bouclier, lequel possédait effectivement pas mal de similitudes avec le bouclier originel de Cap… Du coup, Kirby et Simon ont dû réinventer le bouclier afin d’éviter un procès, et c’est là qu’ils ont opté pour sa forme sphérique, qui est quand même bien plus pratique! Je voyais mal Cap lancer son premier bouclier, qui ne lui serait jamais revenu entre les mains…
Voilà, j’avais envie de faire un petit résumé de ma lecture historique, c’était un plaisir de plonger dans cette période riche en événements et dans cette autre époque! Les comics sont une belle manière également de se replonger dans l’Histoire, même s’ils le font de manière détournée.