
Lorsqu’on parle de littérature d’épouvante et de science-fiction US, on évoque invariablement Stephen King, mais il a eu d’illustres prédécesseurs, dont l’un des plus passionnants s’avère être Richard Matheson. Celui qui connaît le succès dès la publication de sa première nouvelle (Le Journal d’un Monstre, redoutable d’efficacité et de concision), nous donnera des classiques reconnus comme Je suis une Légende, L’Homme qui rétrécit, La Maison des Damnés, ou encore Le Jeune Homme, la Mort et le Temps. La particularité de Matheson est d’avoir pu naviguer entre le roman et le cinéma, puisque les 2 domaines se conjuguaient aisément dans les années 50.

La publication de son second roman, L’Homme qui rétrécit, a lieu en 1956, et il va lui-même scénariser l’adaptation cinématographique dirigée par l’incontournable Jack Arnold, qui sort sur les écrans en 1957. On retrouvera le nom de l’auteur au scénario du téléfilm Duel de Steven Spielberg, de Chroniques Martiennes en 1980 (adaptation d’un autre auteur incontournable du genre, Ray Bradbury), de La Chute de la Maison Usher en 1961, et même des Dents de la mer 3 en 1983!

Il aura donc fallu attendre 68 ans avant qu’une nouvelle relecture cinématographique de ce chef-d’oeuvre littéraire voit le jour, et on la doit au duo Jan Kounen–Jean Dujardin, à savoir l’ex-enfant terrible du cinéma français des années 90 (Dobermann, c’était lui), et l’un des acteurs les plus solides du cinéma hexagonal. Leur collaboration va permettre de donner vie à une nouvelle version à la fois du roman, mais aussi du premier film, dans ce qui est une sorte de survival domestique! On pense à plusieurs reprises à une version de Seul au Monde non pas sur une île, mais dans sa propre maison ^^
Christophe Deslandes et Jan Kounen rédigent un script qui va rapidement aller à l’essentiel, permettant d’insuffler un rythme intéressant au métrage, même s’il met volontairement de côté des implications pratiques de ce changement de taille progressif. Ma lecture du roman remonte à loin, mais il me semble que Matheson traitait l’aspect sexuel, à moins que je confonde avec la fameuse nouvelle de Bukowski, Le Petit Ramoneur… ^^ Il aurait été intéressant de développer cette thématique, surtout que l’alchimie semble bien fonctionner entre Dujardin et Marie-Josée Croze, et que l’étiolement de leur relation se fait finalement par une succession d’ellipses…

Mais Jan Kounen a envie de s’intéresser à la partie la plus graphique du roman et du film originel, à savoir la survie dans un monde où un chat, une fourmi et une araignée représentent des menaces vitales alors qu’ils n’avaient auparavant pas le moindre impact sur l’existence du personnage principal. On va donc suivre Paul dans ses aventures microscopiques, et le suspense s’avère très bien dosé, grâce notamment à des effets visuels efficaces, qui consistent principalement à des collages de plusieurs séquences tournées séparément mais qui conservent le même mouvement de caméra. La technique possède une certaine poésie, et s’accorde bien avec le minimalisme de ce survival.

J’avais lu ici et là que la voix off gâchait certaines séquences, je dirais qu’elle n’est pas si inutile au début, mais on sent que par la suite, elle a été intégrée afin d’éviter que le film se passe totalement de parole, ce qui pourtant s’avérait judicieux dans cette descente vers la solitude ultime. Cette situation si incroyable qui voit Paul rapetisser de jour en jour est une sorte de quête métaphorique du sens de la vie et de la mort, voyage initiatique qu’il ne peut accomplir que seul, et qui va le faire passer par différentes étapes, pas si éloignées de celles du deuil.
Kounen étant ouvert au mysticisme, j’ai été très surpris par la fin brutale du film, car j’attendais une plongée plus profonde à ce qu’évoquait Matheson dans les dernières pages de son ouvrage, et qui ouvrait de très belles perspectives. Avec les moyens visuels modernes et l’ouverture d’esprit de Kounen, j’avoue avoir été déçu de ne pas le voir partir davantage en exploration. Mais L’Homme qui rétrécit reste une oeuvre solide et agréable, nous offrant quelques moments horrifiques très bien réalisés, et cette relecture de Matheson et d’Arnold vaut le coup d’oeil.
