15 ans se sont déjà écoulés depuis le passionnant Tron : l’Héritage de Joseph Kosinski, qui lui-même avait succédé 28 ans plus tard (sans jeu de mots!) au Tron originel réalisé par Steven Lisberger. Alors que le second volet était parvenu à perpétuer le mythe de manière plus que remarquable, et laissait quelques pistes solides quand à l’invasion du monde réel par les programmes, voici que l’on arrive enfin à ce chapitre censé représenter la confrontation de 2 mondes. Lorsqu’on a encore les images du régime totalitaire composé de milliers de programmes humanoïdes menés par Clu, on peut au choix avoir envie de rire ou de pleurer quand on voit que cette incursion sera finalement menée par maximum 4 individus…
Les producteurs de Tron: Ares ont décidé de purement et simplement éliminer de l’équation les personnages de Sam Flynn et de Quorra, qui étaient pourtant centraux dans l’équilibre émotionnel de Tron : l’Héritage, et ils décident sans aucune raison apparente d’inverser le processus et de placer un nouveau personnage de femme en tant qu’ingénieure, un nouveau perso masculin en tant que programme, et ils vont en plus chercher un nouveau méchant qui n’est qu’un ersatz sans saveur de Lex Luthor. Le décor est planté, et franchement, le film va salement se planter lui aussi. Pour la faire courte, Jared Leto ne parvient plus à se dépêtrer des anti-héros sans relief à la Morbius, et ce n’est pas ce Ares sans la moindre once de charisme qui parviendra à lui faire retrouver les faveurs du public. Greta Lee a un rôle tout aussi insipide et ne s’en sort donc pas mieux, et Evan Peters laisse espérer un court instant un peu de… ah non, tout aussi fade finalement. Et la caution Gillian « je passais juste par là faites pas attention » Anderson tombe également à l’eau.
Que reste-t-il donc dans ce film? Le sentiment que beaucoup d’argent a été utilisé pour faire de l’esbrouffe, avec beaucoup de couleurs et de flashes lumineux, énormément de bruit et des dialogues indigestes. Ca fait léger pour faire repartir une franchise, mais Disney a l’habitude de ce jeu de massacre depuis de nombreuses années, et ce croisement entre Fast & Furious et Transformers devrait vous donner une belle migraine, d’autant plus si vous optez pour les lunettes 3D à mettre sur votre joli petit nez. On a l’impression de se retrouver dans un rollercoaster qui n’en finit plus et qui tourbillonne de plus en plus vite jusqu’à la nausée permanente. Si les premières photos du film donnaient envie avec son approche esthétique travaillée, on n’avait plus pensé que ce qui pouvait être beau de manière fixe pouvait devenir indigeste en mouvement. Et le cinéma, c’est bien l’art du mouvement? Mais on aurait pu dire à Joachim Rønning qu’il n’était pas obligé de secouer son film dans tous les sens…
J’ai déjà évoqué les dialogues inspides et le degré zéro du scénario, qui n’est au final qu’une lutte entre 2 génies de la tech pour la maîtrise de l’intelligence artificielle? Alors oui c’est sacrément contemporain comme problématique, mais James Cameron traitait le sujet avec tellement plus de maîtrise formelle et émotionnelle dans les années 80-90 que l’on ne peut pas pardonner cet errement cinématographique s’inscrivant une fois de plus dans un déclin du 7ème art. C’est ce genre de daube qui un jour finira par véritablement tuer le cinéma, en croyant à tort que tout se joue dans une imagerie clinquante et dégueulasse et une froideur à toute épreuve. Tron : Ares est le représentant parfait de ce vide abyssal qui est en train de détruire le cinéma tel un trou noir, aspirant la moindre once de lumière émotionnelle et d’inventivité en son sein pour ne plus jamais les laisser ressortir.
Il reste 2 éléments à sauver : des traits d’humour aussi bienvenus qu’inattendus concernant un certain groupe phare des années 80, et une BO signé Nine Inch Nails que j’écoute en boucle depuis des semaines et qui démontre une fois encore le talent de Trent Reznor. Alors plutôt que de payer une place pour aller voir cette daube, achetez-vous l’album, ce sera largement suffisant ^^