Les changements de statut de cette série auront été nombreux, et ce bien avant sa diffusion. Mettant en scène un personnage secondaire issu d’un spin-off consacré à un Avenger considéré comme mineur, Maya Lopez avait tout pour n’intéresser absolument personne hormis les fans hardcore de l’univers Marvel. Déjà, combien étions-nous à nous être penchés sur la série Hawkeye? On tient là un problème similaire à celui du film The Marvels : qui va aller voir un long métrage en salles, alors que ce dernier est la suite des aventures de 3 personnages, dont 2 sont apparus dans 2 séries télé distinctes ? Il aurait donc fallu avoir vu Captain Marvel 1er du nom, mais aussi WandaVision et Miss Marvel pour être entièrement à jour afin de pouvoir suivre ce nouveau film en ayant l’ensemble des connaissances nécessaires … Pour Echo, personnage totalement inconnu du grand public et que même de nombreux fans de comics ne connaissent pas forcément, il aurait donc fallu avoir vu la saison 1 d’Hawkeye afin d’avoir suivi les toutes premières aventures de Maya dans le MCU. Et tout récemment, la filiation avec une certaine série Netflix a encore été officialisée, ce qui augmentait le background de 3 saisons d’un seul coup ! ^^
Bref, tout ça pour dire que le MCU doit faire face à un sacré casse-tête avec cette sacro-sainte continuité qui est à la fois la promesse impressionnante d’un univers étendu, tout en fragilisant la portée de certains récits obligés de rentrer au forceps dans cette satanée continuité. D’où l’émergence bien pratique du label Marvel Spotlight apparu comme par enchantement quelques jours avant la diffusion d’Echo, dont l’intérêt est de tracer une nouvelle branche tout en s’intégrant dans la continuité. Avec Marvel Spotlight, Kevin Feige et sa bande nous promettent des aventures moins connectées à l’autoroute classique du MCU, en nous offrant une bifurcation s’intéressant davantage aux héros urbains et aux problèmes plus terre-à-terre de nos héros, se permettant par ce biais d’opter pour une approche résolument plus violente et réaliste. Tiens, ça ne vous rappelle pas furieusement une certaine époque bénie du catalogue Marvel ça ??
La période Defenders de Netflix court de 2015 à 2019, entre la première saison de Daredevil et la troisième de Jessica Jones. Marvel Television et ABC Studios nous offraient à cette époque une approche résolument nouvelle et sacrément percutante, en explorant un pan de l’univers Marvel méconnu et bien plus sombre que celui des films Avengers. L’impact de cette ère a été très importante dans l’histoire de Marvel, mais aussi dans l’histoire de la télévision tout court, avec notamment Daredevil qui est devenue exemplaire à de nombreux points de vue. Ceux qui craignaient des similitudes avec le Daredevil de Mark Steven Johnson ont été proprement rassurés, et le film avec Ben Affleck a été relégué au rang de simple souvenir lointain et inoffensif.
Lors de la diffusion de la série Hawkeye, j’avais trouvé le personnage de Maya Lopez plutôt intéressant, grâce à un certain talent de la part de son interprète Alaqua Cox et aux connexions du personnage avec Wilson Fisk. L’annonce d’un spin-off sur le personnage ne me semblait pas si dénué d’intérêt, et au fur et à mesure que le projet avançait, je le suivais avec davantage de curiosité que pour le reste des séries Marvel, excepté Loki bien évidemment! Et quand on fait le bilan des séries télévisées sorties du MCU, c’est quand même relativement tragique : WandaVision, Falcon et le Soldat de l’Hiver, Moon Knight, Miss Marvel, She-Hulk : Avocate et Secret Invasion sont juste des abominations télévisuelles, tandis que Loki est la seule et unique pépite surnageant dans cet ensemble, et qu’Hawkeye réside entre les deux en étant une série intéressante sans pour autant être plus enthousiasmante que cela. Du coup, Echo avait de la place pour se hisser d’emblée sur une très haute marche, et dans le schéma de production hyper-chaotique des séries Marvel Studios, elle vient se classer juste derrière Loki, ce qui est un sacré exploit malgré le peu de concurrence qu’elle avait!
« Ce programme contient des scènes de violence. Pour public averti. » Ca, c’est le genre de message que l’on n’aurait jamais cru lire avant une série Marvel Studios, et pourtant c’est celui ouvrant chacun des 5 épisodes d’Echo ! Le classement TV-MA de la série correspond à du contenu pouvant ne pas être adapté pour les moins de 17 ans, on est donc loin de Miss Marvel ou de Secret Invasion en terme de brutalité et de caractère choquant! Non pas que cela augure forcément d’une très bonne qualité intrinsèque, mais cela démontre que Feige a laissé une latitude certaine à ses équipes, et qu’il a enfin décidé de se rappeler les belles heures de Netflix. C’est assez troublant que cela intervienne aussi rapidement après la prise de conscience de la perte qualitative des oeuvres du MCU avec l’échec de The Marvels (qui je le répète encore, ne méritait pas de prendre la foudre qui aurait dû s’abattre bien avant), car le film de Nia DaCosta vient à peine de terminer son exploitation avec des résultats tout simplement catastrophiques, que débarque Maya Lopez avec ses promesses netflixiennes! Le timing est assez incroyable, mais il est surtout sacrément opportun !
Après cette longue introduction qui me semblait néanmoins nécessaire afin d’avoir toutes les informations pour bien comprendre les enjeux de cette nouvelle série, on va enfin pouvoir analyser ce show créé par Marion Dayre, qui a notamment été scénariste sur Better Call Saul. L’une des particularités va résider dans le fait d’explorer les origines amérindiennes du personnage, et plus particulièrement son lien avec la communauté Choctaw venant d’Oklahoma. L’approche très respectueuse de Marvel a permis de mettre en lumière un pan de l’histoire de cette tribu, à travers différents personnages féminins évoqués au fil des épisodes, qui vont nous faire naviguer entre trip cosmique et séquences historiques très bien dosés et captivants! Les choix graphiques s’avèrent très pertinents et permettent de rendre très intéressants ces moments qui ne sont pourtant pas consacrés au personnage principal. La qualité de ces instants permet de mettre en place une véritable relation filiale entre les ancêtres et leurs descendants contemporains, inscrivant l’histoire de Maya dans la plus grande Histoire de sa communauté. On est rapidement pris par les événements que peuvent avoir vécu ses ancêtres, tout comme on va plonger avec plaisir dans les tourments qu’elle-même va subir en revenant sur sa terre natale.
Là où certains seront très déçus, c’est s’ils croient fermement que cette saison 1 d’Echo sera une sorte de saison 4 de Daredevil. Ca n’est aucunement le cas, et cette série se nommant Echo, elle se concentrera bien évidemment sur le personnage de Maya Lopez. Ce qui permettra toutefois d’avoir sa dose de Wilson Fisk, et par extension de Vincent D’Onofrio! On va donc coller aux basques de Maya, et on va tout de suite faire taire d’autres mauvaises langues : Maya est une héroïne issue d’une minorité, qui n’est pas l’archétype de la bimbo super-héroïque, qui est sourde, muette et handicapée, équipée d’une prothèse de jambe. Dans ce monde d’ultra-bien-pensance qui est le nôtre, la conjonction de toutes ces spécificités aurait de quoi accoucher d’une série à l’hyper-féminisme revanchard et à la mise en avant de tous ces attributs spéciaux pour faire d’Echo un super-étendard super-woke ! Mais heureusement il n’en est rien, et le traitement des scénaristes et des producteurs évite largement cet écueil pour faire de Maya Lopez un personnage résolument fort et qui ne se caractérise pas uniquement au travers de ses affections et de ses origines. Et à notre époque, ça fait tellement de bien d’éviter tout ça !!!
La caractérisation de sa surdité est d’ailleurs très bien rendue, grâce à un travail sonore exemplaire, que l’on peut relier à celui effectué sur le sens de la vue lors de la saison 1 de Daredevil. Le fait de proposer le début d’une scène avec le son, pour en cours de route opter pour la perception de la même séquence par Maya, pour ensuite revenir au son, cela génère une sorte de rythme étonnant mais très bien fait! On sent qu’il y a là-derrière une véritable volonté de montrer ce que peut ressentir Maya, tout en optant pour une approche cinématographiquement forte! On va bien évidemment suivre pas mal de personnages dialoguant en langage des signes, ce qui s’inscrit de manière très fluide dans la série, et permet de normaliser le processus au lieu de le pointer constamment du doigt. On s’adapte à la norme de Maya sans en faire un exemple larmoyant, et cela fonctionne même dans les flashback lorsqu’elle était gamine, avec notamment une séquence bien enragée qui en découle! L’approche volontaire du personnage et le fait de ne pas vouloir la voir constamment comme une victime est sans conteste l’une des clés du succès de ce show, et on sentait déjà ce potentiel dans la série Hawkeye. Il faut dire qu’Alaqua Cox s’est totalement approprié le rôle, tant au niveau émotionnel que physique, et cela fait tellement plaisir de voir une héroïne de cette trempe alors que Jessica Jones est si lointaine 😉
La filiation avec les séries de l’époque Netflix est actée avec le classement télévisuel, et se ressent bien évidemment aussi dans la mise en scène des séquences de combats. Sans atteindre la fulgurance d’impact d’une Daredevil ou d’une Punisher, on sent une volonté de la part de la réalisatrice Sydney Freeland proposer autre chose que les affreux affrontements en CGI vus récemment (coucou Daenerys et le Super-Skrull qui ont fait vomir tellement de spectateurs dans Secret Invasion !!!), et même si on voit bien que certains coups ne sont pas portés, on appréciera l’effort et les chorégraphies plus ambitieuses qu’à l’accoutumée. On se rapproche des fameux combats de couloirs de Daredevil, et ça fait du bien de revenir à l’essence même de ce qui fait le sel des héros street-level !
Aux côtés de l’excellente Alaqua Cox, on a un panel d’acteurs d’origine amérindienne, avec bien évidemment l’incontournable Graham Greene, le Canadien étant certainement l’acteur incontournable dans le genre, puisqu’on l’a vu dans Danse avec les Loups, Coeur de Tonnerre, Maverick, La Ligne Verte… Il aura sans conteste été l’acteur indien le plus connu de tout Hollywood, avec une filmographie couvrant 4 décennies! Son rôle est ici à la fois touchant et drôle, et c’est un réel plaisir de le retrouver à l’écran. Ca fait également bien plaisir de retrouver Zahn McClarnon, qui de The Shield à Bone Tomahawk en passant bien évidemment par l’excellente Longmire, aura aussi mis en avant des rôles issus de ses origines indiennes. Il apporte une belle sensibilité à son rôle de père de Maya. Devery Jacobs, Cody Lightning, Chaske Spencer ou encore Tantoo Cardinal contribuent eux aussi à la solidité de cette intrigue rendant hommage à leurs ancêtres.
Le choix de situer l’action dans l’Oklahoma peut paraître déroutant pour une héroïne en mode street, mais c’est à la fois audacieux et très intéressant pour raconter une histoire se permettant d’être une suite directe à Daredevil tout en s’intéressant aux origines de Maya. Quel plaisir de retrouver Vincent D’Onofrio dans la peau de Wilson Fisk ! On se rappelle bien évidemment de son port de chemise colorée et de chapeau dans Hawkeye, qui en avait laissé plus d’un perplexe… Mais on revient bien ici au Fisk fondamental, avec scènes de violence à l’appui pour bien entériner son véritable retour! On est toutefois un poil en-dessous de Daredevil encore en matière de brutalité, mais on appréciera là encore l’effort pour gommer les errances d’Hawkeye! Le travail sur le lien unissant Fisk et Maya est très bien fait, avec notamment une très belle fluidité dans l’évocation de leur existence du premier épisode, qui était nécessaire pour ceux qui n’avaient pas suivi Hawkeye justement. Il y a une véritable connexion entre les deux, et les événements qui ont suivi la série consacrée aux archers avait de quoi donner envie de retrouver Maya!
Echo avait donc de quoi susciter une attente certaine, et cette série s’avère être d’une très belle solidité, en parvenant à conjuguer violence urbaine, exploration de l’histoire et des mythes indiens et réappropriation de l’essence Netflix. Elle ne parvient pas à atteindre le niveau de l’époque, mais se pose comme une excellente passerelle et une promesse sincère pour le futur, nous laissant augurer d’une Daredevil : Born Again des plus enthousiasmantes !!!