Je vous parle assez régulièrement de la baisse significative des productions Marvel Studios et de leurs tentatives désespérées de redresser la barre. Mais cette volonté que l’on peut un tant soit peu trouver chez Kevin Feige est tout simplement absente chez leurs concurrents/partenaires Sony. Pour ceux qui ne font pas la distinction, Sony nous a pondu Venom (que je défendrai toujours ! ^^), Venom : Let There be Carnage, Morbius et donc ce Madame Web. On sent à travers ces productions que l’attrait qualitatif n’est pas leur préoccupation première, et le concept est poussé tellement loin, que l’on est en droit de se demander sérieusement si tout cela n’est pas une sorte de happening performatif cinématographique, tant la blague s’étend d’oeuvre en oeuvre. Feige et le MCU semblent avoir des remords (ou cherchent au moins à corriger le tir pour prévenir une banqueroute financière, cf les résultats de The Marvels), mais chez Sony, la notion de stress semble étrangement étrangère, et on continue à produire des films de plus en plus non-sensiques avec un aplomb de plus en plus confirmé, sans se soucier à priori des retombées financières.
Quand ton studio est responsable d’un univers étendu inspiré de Spider-Man, mais que le personnage même de Spider-Man n’y a jamais pointé le moindre petit bout de sa toile, déjà, tu te places là. Quand tu sors un film sur un vampire vivant qui parvient à être flippant en version comics, mais qui se contente d’être un simili-vegan en ne buvant que du sang synthétique dans le film, déjà, tu confortes ce placement. Alors quand tu nous sers un film centré sur 4 héroïnes et un méchant qui ne respectent quasiment rien du cahier des charges des comics, et bien quitte à être en roue libre depuis des années, autant continuer sans se poser aucune question!
Cassandra Webb a vu le jour en novembre 1980 dans The Amazing Spider-Man 210, et est une très vieille femme avec des pouvoirs de précognition qui va aider ce bon vieux Peter Parker à plusieurs reprises. En gros, elle doit être aussi âgée que Tante May, on est donc loin de la bimbo dominatrice. Mais pourtant… Sony en a décidé autrement, et lui a concocté un bon gros coup de lifting en prenant Dakota Johnson dans le rôle, elle qui est mondialement connu pour la saga 50 Nuances de Grey et pour son anatomie. Après tout, quand on a une Tante May aussi attractive que Marisa Tomei, il fallait bien rivaliser un minimum… Bon, nous sommes ici dans une origin story se déroulant en 2003, l’argument de la femme plus jeune peut passer, même si de nos jours elle ne serait âgée que d’une cinquantaine d’années.
Je n’ai pas vu la bande-annonce, mais j’ai vu passer quelques photos promotionnelles, et je peux vous dire qu’il y a pas mal de publicité mensongère sur ce film. Alors je vais lâcher quelques spoils à partir de là, mais c’est surtout pour que vous évitiez de perdre votre temps à aller voir le film que vous croyez que vous allez voir, mais qui n’est pas celui que vous croyez. Vous me suivez? Donc SPOIL à partir d’ici : on a donc Dakota en Cassandra Webb, et un trio de jeunes ados un brin décérébrées que l’on a vu en costumes dans pas mal de visuels. Alors sachez que vous ne les verrez que 2 fois sous la forme de leurs alter-ego super-héroïques, et encore, une des 2 fois c’est en rêve, et la seconde c’est dans une projection futuriste. Je comprends maintenant mieux pourquoi ils n’ont pas appelé ce film « Spider-Women », car je pense que Sony se serait pris pas mal de procès de spectateurs mécontents.
Il n’y a pas grand-chose à sauver de ce truc, mais je tiens tout de même à souligner que le traitement des pouvoirs de Cassie donne lieu à 2 séquences qui s’avèrent intéressantes. Elle a des visions de futurs possibles, et va prendre des décisions en fonction de ses visions afin de sauver les gens qu’elle peut. Honnêtement, le principe est connu et a pu être vu dans Edge of Tomorrow notamment, ou peut également s’apparenter au séminal Un Jour sans Fin, et si le film s’était vraiment attaché à jouer intelligemment sur ce concept, on aurait pu avoir une bonne surprise qui nous aurait changé du tout-venant super-slipien habituel. C’est à ces moments-là que l’on comprend pertinemment que Sony n’en a juste strictement rien à foutre, et qu’ils se servent de tous les moyens à leur disposition pour générer des oeuvres sans avoir aucune envie réelle d’en faire quelque chose de bien. Je pense sincèrement qu’ils mettent sur pied ces films annexes à Spider-Man juste pour ne pas perdre les droits de Spidey, ça n’est pas possible autrement. Dans ces rares séquences légèrement prenantes, S. J. Clarkson use d’une mise en scène qui fonctionne, et en ces rares occasions, la réalisatrice passée par Dexter, Banshee ou Jessica Jones laisse transparaître son savoir-faire.
Mais ces quelques bribes seront immédiatement enterrées au bulldozer par le reste du film, qui est d’un vide et d’une connerie abyssaux. L’élément démontrant le plus aisément la frustration de Sony, c’est la transposition du bad guy Ezekiel Sims, dont les pouvoirs sont certes similaires, mais qui ne porte aucun costume dans sa version comics, tandis qu’on l’a affublé d’un costume moulant ressemblant quand même très fortement à celui de Spider-Man dans le film ! Comment ça, on n’a pas le droit de mettre Spidey dans notre film? Et bien on va alors en pondre un autre… Vous le sentez le niveau de frustration ? Ce n’est pas notre Tahar Rahim national (tiens, il est né à Belfort, à 40 kilomètres de chez moi dis donc!) qui va donner de la consistance à Ezekiel, car il fait ce qu’il peut avec la caricature de personnage qu’on lui a imposé, à savoir le bad guy cultivé qui aime forcément l’opéra et qui se la joue distingué, avant de tuer ses ennemis avec une froideur implacable. Le genre de personnage que l’on voit à peu près toutes les 3-4 productions, et que l’on oubliera à tout jamais une fois le film terminé.
Que dire du trio d’adolescentes destiné à devenir des Spider-Woman ou Girl? On a Sydney Sweeney qui joue Julia Cornwall (qui deviendra la 2ème Spider-Woman dans les comics et qui se nommera Julia Carpenter), on a Isabela Merced qui incarne Anya Corazon, qui deviendra Araña puis Spider-Girl en version comics, et enfin on a Celeste O’Connor alias Mattie Franklin, qui deviendra la 3ème Spider-Woman. Pour la petite histoire, Jessica Drew, la 1ère Spider-Woman, n’est pas évoquée ici. Sur les 3 actrices présentes, aucune ne donne envie d’en découvrir davantage sur l’héroïne qu’elle deviendra, et leurs comportements ainsi que leurs décisions ne vont être qu’une succession d’aberrations allant à l’encontre de la moindre logique. Quand on a échappé de peu à la mort et qu’on se doit d’être discret, quoi de mieux que d’aller danser sur une table dans un resto me direz-vous? Qui sommes-nous pour juger après tout? Donc Julia, Anya et Mattie sont 3 têtes-à-claques écervelées n’ayant aucun attrait psychologique ou ne suscitant aucune empathie, et elles sont liées à une Cassie Webb qui elle non plus ne brille pas par la finesse de son personnage et la grâce de son interprète. On a donc 4 Spider-héroïnes en devenir qui passent leur temps à courir afin d’échapper à un débile costumé, et on a l’impression de se retrouver dans un pauvre film que l’on ne peut même pas qualifier « d’action » des années 90. Ca tombe bien, comme ça se déroule en 2003, le retard n’est pas si important…
Un mot aussi sur le placement produits, parce qu’à ma connaissance, ça n’a jamais été fait de manière aussi peu subtile ! Le Pepsi c’est mal, même si une protagoniste en boit en montrant bien la canette, et surtout plus tard dans le film, Pepsi tuera littéralement, ce qui donne à ce placement produit un goût étrange ^^ Voir Ezekiel Sims prendre la pose en costume devant une immense affiche Calvin Klein est sacrément déroutant aussi, mais on commence à comprendre que Sony a voulu investir des billes extérieures au projet pour compenser de futures pertes ^^ Et sinon, une belle pub pour Beyoncé, ça ne fait pas de mal non plus me direz-vous!
Bon, je ne vais pas m’étendre davantage sur ce truc, qui est une énième oeuvre de commande sans personne aux commandes derrière, fait pour occuper un certain espace sur la toile des cinémas le temps éphémère de son exploitation, mais honnêtement, ne faites pas comme moi, ne perdez pas votre temps à aller vérifier en salles ce que ça vaut. On l’entend à longueur d’année cette phrase, « Ouiiii il faut aller se faire un avis par soi-même », mais c’est comme ça qu’on continuera toujours à avoir des films de merde de ce genre, et à un moment, il faut juste arrêter d’aller les voir. Si ça marche pour Marvel Studios qui est den train de perdre sa position stratégique, on peut se dire que ça peut aussi marcher pour Sony ^^ Donc faites-moi confiance, et restez chez vous au lieu d’aller voir ce truc inutile ! Et pour les fans hardcore qui vont quand même faire le déplacement malgré mes avertissements, il n’y a pas de scène post-générique 😉