Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan de Martin Bourboulon étant une telle calamité, je n’ai pas eu le coeur de tenter Les Trois Mousquetaires : Milady du même réalisateur. Le Comte de Monte-Cristo étant présenté comme faisant partie de ce que l’on peut qualifier de Dumaverse, autant dire que je n’étais pas emballé par ce nouveau film d’époque. Mais les retours impressionnants que je ne cessais d’en avoir ont finalement piqué ma curiosité, et je me disais que je tenterai tout de même de le voir. Etant plutôt convaincu par les talents très versatiles de Pierre Niney, capable de passer du rôle hilarant du Docteur Juiphe dans La Flamme à un thriller comme Boîte Noire, ce Comte de Monte-Cristo attisait tout de même mon intérêt.
Alexandre de la Patellière est le fils de Denys de la Patellière, réalisateur d’Un Taxi pour Tobrouk, Du Rififi à Paname ou du Tatoué, et en 1979, il avait mis en scène 6 épisodes d’une série nommée… Le Comte de Monte-Cristo! ^^ Son fils Alexandre suit donc bel et bien ses traces, lui qui avait auparavant co-réalisé Le Prénom et Le Meilleur reste à venir, à chaque fois aux côtés d’un certain Matthieu Delaporte, qui est toujours présent pour ce 3ème film. Ce à quoi je n’avais pas prêté attention, c’est que le duo est à l’origine des scénarios des 2 films consacrés aux Trois Mousquetaires… Car cela aurait pu être un mauvais présage pour ce long métrage, mais il a dû y avoir un quelconque miracle, qui fait que le fait de mettre eux-mêmes en scène leur propre script a permis d’être au plus proche des émotions qu’ils ont voulu créer, car ce Comte de Monte-Cristo est une réussite totale!
Dès les premières images, on sent une aisance dans la narration et une très belle énergie dans l’élaboration du récit, accompagnées par une sorte de fluidité qui fait que l’on est immédiatement happé. Les personnages sont caractérisés très rapidement et prennent immédiatement du relief, ce qui pousse le spectateur à s’attacher directement à eux. Anaïs Demoustier est fidèle à elle-même dans sa capacité à véhiculer des émotions sincères, et son duo avec Pierre Niney est à la fois simple et touchant. Avec une durée flirtant les 3 heures, on aurait pu se dire que le film allait prendre trop de temps à se développer, mais c’est tout le contraire, et on apprécie la vitalité de ce moment de cinéma qui possède une belle vivacité dans sa construction. On se prend rapidement de passion pour leur histoire, qui va se retrouver blessée par la grande Histoire, et toute la torpeur et les aberrations des Trois Mousquetaires : D’Artagnan se sont totalement évanouies lors de l’écriture de ce nouveau film! L’incompréhension totale de certains moments (franchement, on a rarement fait aussi incroyablement surréaliste que la rencontre entre D’Artagnan et ses futurs frères d’armes…) fait place à une écriture tellement plus sensitive et riche que l’on a vraiment l’impression que les auteurs sont différents…
La richesse de départ est évidemment due à l’intrigue d’Alexandre Dumas, et Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte parviennent à moderniser le roman de 1844 et à en faire une oeuvre cinématographique épique et d’une beauté rare. Pierre Niney va guider un film brillant, très fort émotionnellement et sachant habilement jouer avec les facettes de ses personnages. On est très très très loin des attitudes totalement lisses et insipides de D’Artagnan et de ses compagnons, et on croirait presque respirer les pages de Dumas à travers la succession des scènes. On sent l’immense respect que les auteurs ont pour le romancier, et cette fois-ci, le film rend réellement hommage à la plume de l’écrivain, en parvenant à mettre sur pied un film mêlant aventures, trahisons, amour et sacrifices au sein d’une intrigue enlevée et captivante.
Autour des excellents Niney et Demoustier, le reste du casting impressionne lui aussi, avec la présence du toujours très bon Laurent Lafitte, mais aussi d’Anamaria Vartolomei, Julien de Saint Jean, Bastien Bouillon, Vassili Schneider ou encore Patrick Mille. On sent un investissement total de chacun dans son personnage, et une alchimie réelle qui semble se dégager durant l’ensemble du film. Le scénario va habilement creuser les différentes thématiques inhérentes au film de vengeance, qui est sans conteste le thème principal. La vengeance peut à la fois être une force et une malédiction, ouvrir à un espoir ou fermer des portes, et les auteurs vont explorer l’ensemble du spectre que requiert et que suscite cette obsession. La motivation du Comte de Monte-Cristo est d’une logique implacable, et il va mettre sur pied un plan diabolique afin de parvenir à ses fins. Une fois encore, les acteurs sont vraiment excellents dans la mise en images de ce texte de Dumas, et on sent les tiraillements et les exigences que ce plan va commander. Entre faux-semblants et vrais sentiments, le jeu de soutiens et de trahisons va s’enchaîner avec une implacabilité aussi machiavélique que finement ciselé! Le travail d’orfèvre pour parvenir à rendre tout cela palpitant, surtout sur une durée de 2h58, mérite largement tous les éloges, et ce Comte de Monte-Cristo est sans nul doute l’une des plus belles réussites du cinéma français moderne!++
Les réalisateurs parviennent à transcender les lieux qu’ils filment en parvenant à capter l’intensité de chaque séquence, et le soin apporté aux costumes et aux décors achève de faire de ce long métrage une oeuvre véritablement brillante. Il faut évidemment noter l’excellent travail du compositeur Jérôme Rebotier, fidèle aux 2 metteurs en scène puisqu’il officiait déjà sur leurs films précédents. J’aurai un seul bémol face à cette oeuvre, c’est le coup des déguisements du comte. Franchement, que quasiment personne ne le reconnaisse, c’est quand même sacrément gros! ^^ Au niveau du travestissement, on est sur une échelle très proche des lunettes de Clark Kent ^^ Sinon pour tout le reste, l’exigence requise afin de recréer l’univers de Dumas a été récompensée de très belle manière, puisque le film a dépassé les 9 millions d’entrées et que c’est largement mérité !