Si Sony respecte bien sa parole, Kraven the Hunter serait le dernier film de leur univers super-héroïque sans Spider-Man. Constitué de 6 films, il aura été une source impressionnante d’échecs tant artistiques que financiers, avec pour seule anomalie la saga Venom qui parvenait tout de même à alimenter les caisses. On aura donc eu Venom, Venom : Let There be Carnage, Morbius, Madame Web, Venom : The Last Dance et Kraven the Hunter. J’aurai donc apprécié le tout 1er film, et le tout dernier!
On a souvent vu des metteurs en scène et des scénaristes se fourvoyer dans des projets très périlleux, et sur ce projet consacré à Sergei Kravinoff, on a quand même 2 artistes relativement solides, à savoir le scénariste Richard Wenk et le réal J.C. Chandor. Wenk a travaillé sur Expendables 2 – Unité Spéciale, Equalizer, Jack Reacher : Never Go Back ou encore Equalizer 2 et Equalizer 3. Autant dire un spécialiste du film d’action qualitatif, ce qui était plutôt de bon augure pour cette chasse. J.C. Chandor quant à lui, a mis en scène All is Lost et Triple Frontière, et on sent que le courant pourrait bien passer avec Wenk au vu de leurs travaux respectifs. Mais il ne faut pas oublier les autres scénaristes du film, à savoir Art Marcum qui a notamment travaillé sur Iron Man, Punisher : Zone de Guerre et Uncharted, et Matt Holloway qui travaille en binôme avec Marcum.
On a donc un quatuor qui s’y connaît dans le domaine et qui va nous livrer une oeuvre bien plus significative que ne l’étaient les insipides 2 derniers Venom, Morbius et Madame Web. On sent d’entrée de jeu qu’il y a une réelle volonté de proposer une adaptation certes risquée du personnage, mais qui a au moins l’avantage de le respecter contrairement aux dernières bouses… La partie risquée, c’était de centrer le film sur Kravinoff sans lui placer en face sa nemesis qu’est Spider-Man. Le parti-pris de Sony avec les droits du personnage a fait beaucoup de mal à leur univers, mais JC. Chandor et son équipe en profitent pour creuser l’histoire et la légende de Kraven, en prenant notamment le temps de sillonner son passé et ses relations avec son frère et son père. Ce film peut surprendre par son approche qui n’est pas faite pour le tout-action, mais qui va aussi s’intéresser à la partie dramatique et sombre de ces relations familiales. Russell Crowe a bien plus de prestance avec ce personnage détestable qu’il n’en avait en Zeus dans Thor : Love and Thunder… Nikolai Kravinoff va avoir un impact fondamental sur l’existence de ses fils, et on suit avec intérêt cet héritage familial et ses conséquences. Les acteurs Levi Miller et Billy Barratt s’avèrent d’ailleurs très crédibles dans la version jeune de Sergei et Dmitri Kravinoff.
Aaron Taylor-Johnson se glisse parfaitement bien dans la peau de Kraven, avec une vision sérieuse très crédible du personnage, seulement ponctuée de quelques notes d’humour qui fonctionnent du coup car elles n’interviennent pas à chaque instant. Il s’est sculpté un physique impressionnant et alors que j’avais toujours une crainte de voir cet énième personnage sacrifié sur l’autel Sony comme tant d’autres, j’ai été très agréablement surpris par la qualité et la tenue de ce Kraven. J’avais peur que les modifications apportées à sa genèse soient totalement débiles, mais elles permettent de légitimer sa vision plus respectable du règne animal que son alter-ego issu des comics. On assiste donc à quelques séquences écolo qui s’avèrent bien saignantes et impactantes pour le coup, et ça fait du bien d’avoir une vision moins abêtissante de ce combat.
On a des personnages vraiment intéressants qui gravitent dans le sillage de Kraven, et celui d’Aleksei Sytsevich a de quoi surprendre. De prime abord, j’avais peur d’un énième vilain de 3ème zone juste lunatique, mais son écriture s’avère bien plus judicieuse que ce qu’on pouvait penser au départ, et il faut dire qu’Alessandro Nivola le gère efficacement. Ariane DeBose campe un personnage féminin qui échappe au simple rôle de love interest, et s’avère essentielle dans l’existence de Sergei. Je n’ai pas du tout reconnu Fred Hechinger que j’ai vu la semaine dernière dans Gladiator II, mais il a ici un rôle moins détestable ^^ Il joue Dmitri, le jeune frère de Sergei, et son évolution est elle aussi plutôt intéressante. Christopher Abbott joue un autre personnage intéressant que j’avais du mal à resituer dans les comics, mais qui existe bien également.
La séquence d’ouverture nous démontre que l’on peut mettre sur pied quelque chose de réussi sans avoir besoin d’une débauche d’effets spéciaux, et l’approche furtive et athlétique du personnage donne un certain relief au film. On a droit à des séquences d’action qui ne sacrifient pas au spectaculaire, mais qui malgré les capacités de Kraven, penchent tout de même vers un certain réalisme, et ça fait du bien d’avoir ce regard-là de la part de J.C. Chandor. Que ce soit avec l’utilisation de techniques proches du Parkour ou une approche parfois étonnante de l’infiltration, c’est clairement ce réalisme qui solidifie le projet et permet de faire passer les séquences un peu plus excentriques, comme une avec ce bon vieux Sytsevich! Du coup, même si c’est un peu abusé, on prend un certain plaisir à la regarder au vu du temps qui a été pris précédemment pour poser le personnage.
Kraven the Hunter constitue une dernière pierre à cet édifice désastreux qu’aura été ce Sony’s Spider-Man Universe, mais une pierre bien plus qualitative avec un vrai propos traité intelligemment (l’écologie et le braconnage particulièrement), et une vision mystique qui ne se perd pas en psychédélisme mais qui reste très crédible. Une très bonne surprise selon moi, et j’espère que malgré tout, on aura une suite pour Kraven et certains personnages de ce film!