L’Arbre à Bouteilles (Joe R. Lansdale, 1994)

Il y a quelques mois, je m’étais lancé dans une relecture de l’oeuvre de Stephen King, motivé par une certaine nostalgie et une envie de redécouvrir certains classiques comme Carrie ou Shining, l’Enfant Lumière. Au bout d’une quinzaine de bouquins, l’envie s’est doucement estompée, avec le constat que les romans du King sont intéressants, mais qu’il manque toutefois un certain trait de plume plus appuyé. L’exception qui confirme cette règle est sans conteste son chef-d’oeuvre La Tour Sombre – Le Pistolero, une merveille de poésie dark et une perfection littéraire selon moi!

 

Et comme j’étais en besoin de belle prose, j’ai décidé de me relancer dans la relecture de l’oeuvre de Joe R. Lansdale, en commençant par les fameuses enquêtes de Hap Collins et Leonard Pine! Et bordel, ça fait un bien fou de replonger dans l’univers de ces 2 bougres qui ne peuvent jamais s’empêcher de se fourrer dans les pires emmerdes du monde!!! Joe R. Lansdale, c’est une invitation à des aventures colorées et violentes, prenant place dans l’Amérique profonde regorgeant de rednecks décérébrés, de dangereux bikers, de fiers patriotes encagoulés adeptes des plumes et du goudron… Joe R. Lansdale et Banshee, même combat : une plongée dans le monde redneck avec tout ce qu’il faut en terme de violence, de sexe, de langage fleuri et de personnages atypiques et marquants! Bienvenue dans l’East Texas, le voyage sera mouvementé…

Le tout premier roman de cette série date de 1990, et n’est sorti chez nous qu’en 2016!!! C’est assez dingue d’avoir amputé pendant tout ce temps cette saga de son premier opus… Je n’ai donc pas recommencé avec ces Mécanos de Vénus, puisque je l’avais lu il n’y a pas si longtemps. J’ai repris avec le second bouquin consacré à Hap et Leonard, L’Arbre à Bouteilles. Dans cette histoire, Leonard apprend que son oncle Chester a passé l’arme à gauche, et qu’il lui lègue sa baraque ainsi qu’un petit paquet de pognon. Mais quand Leonard et Hap vont effectuer des travaux pour retaper la maison, ils vont découvrir que Chester lui a également légué un bien sale héritage : un squelette enfermé dans une boîte, qui va obliger les 2 potes à se lancer dans une enquête bien tordue…

Hap et Leonard, c’est avant tout la certitude de se faire plaisir dans une lecture totalement décontractée et à l’humour dévastateur. Joe R. Lansdale a un don unique pour faire vivre ses personnages, et même les passages qui chez d’autres auteurs paraîtraient insignifiants offrent un réel intérêt chez lui. Ses descriptions sont très précises et emplies d’un mélange de sentiments, comme celle qu’il fait lorsque Hap et Leonard rencontrent la vieille MeMaw : « La lumière du soleil, posée sur elle comme une fine couche de fromage, ne la mettait pas en valeur. On aurait dit qu’on l’avait fait bouillir dans une lessiveuse, avant de l’essorer et de l’étendre sur un fil… De la sueur dégoulinait le long des profondes rides qui creusaient son visage. Ses yeux couleur de prune larmoyaient et leur blanc était un Maelström de vaisseaux sanguins explosés – un mélange de rose, de rouge et de bleu… Ses fausses dents étaient plantées trop bas sur sa mâchoire supérieure et trop haut sur sa mâchoire inférieure et, du coup, on avait l’impression que des choses vivantes essayaient de s’échapper d’un trou… Elle était presque chauve et ses rares cheveux faisaient de petites touffes grises sur sa tête, comme des fils de coton sale collés par le vent sur un rocher noirâtre et humide. Sa poitrine affaissée tremblait contre ses côtes sous sa robe bleue toute simple. Elle était chaussée de pantoufles roses pelucheuses, et un orteil noir, comme une noix de pécan imbibée d’eau, dépassait d’une fente de celle de droite. » (Traduction de Bernard Blanc, édition Folio Policier numéro 352.)

Hap et Leonard vont donc tenter de déterminer à qui appartient ce squelette, et après avoir prévenu les flics, ils vont tenter de prouver l’innocence du vieil oncle Chester, puisqu’il apparaît assez aisément comme le meurtrier. Hap va pendant ce temps réussir à faire du gringue à la belle Florida Grange, l’avocate de Chester, ce qui va aussi donner quelques discussions intéressantes sur les tensions qu’il peut y avoir à l’idée d’un couple mixte. « Je n’en veux pas à tous les Blancs à cause de la stupidité de ces gens qui ont brûlé cette croix et écrit ce mot en lettres de feu sur notre pelouse, mais ça m’a laissé un truc ici (elle toucha son coeur) qui pollue mes rapports avec la peau blanche. Je suis assez intelligente pour savoir que c’est un réflexe, et j’essaie de m’en débarrasser, mais c’est là, et ce qui me rend vraiment folle, c’est que parfois je me réveille au milieu de la nuit et que j’ai la haine. Difficile d’oublier ce genre de souvenirs. » (Traduction de Bernard Blanc, édition Folio Policier numéro 352.)

Sous couvert d’humour et d’excellente série B, Joe R. Lansdale va nous glisser une très belle analyse de l’Amérique, et par extension du monde, avec ses problèmes raciaux et sociétaux. Quand on a un spécimen black homo comme Leonard en plein Texas, ça n’est pas forcément du goût de tout le monde, et comme en plus il a un penchant pour la violence et une très grande gueule, ça fait forcément quelques dégâts collatéraux! J’en reviens encore à Banshee, car on pourrait aisément comparer Leonard à l’excellent Job, personnifié avec un style incomparable par Hoon Lee!!! Joe R. Lansdale tente de montrer comment la différence à du mal à s’intégrer dans les petits communes rurales, et surtout comment la fierté d’un Leonard n’en a rien à branler d’être accepté ou pas! Du coup, Lansdale se fait plaisir en jouant sur la notion de racisme, comme lorsque Hap et Leonard se retrouvent dans un bar du quartier black, et qu’un client noir n’apprécie l’intrusion de ce visage pâle d’Hap :  » – Qu’est-ce que tu fous là avec ce sale Blanc, mon frère? T’essaie d’monter en grade, au boulot? C’est pas un endroit pour eux, ici. Leonard se pencha vers moi au-dessus de la table : – C’est de toi qu’il parle, annonça-t-il. – Ah ouais, fis-je. – Ouais, reprit-t-il. Tu vois, honkie – « sale blanc » est un terme black très péjoratif pour désigner les tiens. Des trucs comme peckerwood, ofay ou honkie, c’est vraiment insultant. Comme quand les Blancs nous traitent de nègres, de coon ou de jungle bunny. – Sans déc? dis-je. Le gros Noir me jeta un regard furieux et me demanda : – T’avais jamais entendu honkie avant, enculé de ta mère? – Il vit dans un cocoon, répondit Leonard à ma place. (Puis, à mon intention 🙂 « Enculé de ta mère », Hap, est une expression courante pour signifier que tu baises ta mère. Et même si tu ne la baises pas, les gars te disent ça si tu les rends dingues ou s’ils veulent te rendre dingue. C’est fait pour être désobligeant. – Je vois, murmurais-je. »

Bref, tout ça pour dire que les bouquins de Joe R. Lansdale sont de vraies tueries, et que si vous n’avez pas encore rencontré Hap et Leonard, je vous invite vivement à vous procurer leurs aventures!!! Dommage que la série télé ne soit pas à la hauteur des bouquins!!!

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Les news de la semaine : Rider on the Strom

Alors que Marvel n’en finit plus de multiplier les projets de séries pour sa plateforme Disney + (voir ici), c’est du côté de Hulu, qui nous offre (ou fait subir) Runaways, que la nouveauté se poursuit. En effet, la chaîne a annoncé la mise en chantier de 2 séries, dont une qui est en quelque sorte un spin-off de Marvel : les Agents du S.H.I.E.L.D.! On aura droit a une série Ghost Rider, qui se concentrera sur Robbie Reyes, un personnage déjà aperçu dans la saison 4 des fameux agents. Et l’excellente nouvelle, c’est que Gabriel Luna reprendra le rôle du Rider, dans une continuation de ses aventures! Un pont important entre ABC et Hulu a été créé, permettant de prolonger l’univers étendu! Et comme Luna incarnait vraiment bien Reyes, on croise les doigts pour que cette série envoie!

La seconde série sera Hellstrom, et s’intéressera à Daimon et Ana Hellstrom, un frère et une soeur qui sont les enfants de Satan, rien que ça! Daimon veut lutter contre les forces obscures menaçant la Terre, tandis que sa soeur (Satana dans les comics), kiffe plutôt bien le Mal. Dans la série toutefois, il semblerait que les 2 feraient équipe… On se dirige vers une sorte de Supernatural à la sauce Marvel, à voir ce que ça donne. Mais il se pourrait que les chemins de ces 2 nouvelles séries se croisent, et la création de cet univers dark pourrait être une belle bouffée d’oxygène pour Marvel! On verra tout ça en 2020!!!

 

Marvel : les Agents du S.H.I.E.L.D. fera donc son retour le 10 mai, et ABC nous offre une affiche pour cette saison 6, déjà!

 

Le chant du cygne mutant pour la Fox se fera quant à lui le 5 juin, avec X-Men : Dark Phoenix! On a droit à une salve de posters pour les personnages, ainsi qu’à 3 photos avec notamment une Sophie Turner bien colère!

 

On a enfin une date pour la saison 3 de Legion, et ce sera le 24 juin que David Haller entamera son ultime aventure! C’est vraiment triste de se dire qu’il s’agit du chapitre final, tant la qualité est au rendez-vous de ce show résolument hors-norme! Mais on espère que Noah Hawley nous offrira un spectacle digne de ce nom!!!

 

The Boys, c’est la série super-héroïque qui devrait nous détourner de Marvel et DC cet été!!! L’adaptation de la tuerie de Garth Ennis semble totalement respecter l’univers du maître, et on a droit cette semaine à 3 visuels. Vous reconnaissez le héros ultra-bright? C’est le shérif Lucas Hood de Banshee!!! Début des hostilités le 26 juillet!

 

On termine avec le mastodonte Avengers : Endgame, qui pulvérise tous les records et qui ne devrait pas s’arrêter de sitôt! Sorti le 24 avril, soit il y a 1 semaine et 3 jours, le film des frangins Russo a frappé très fort en récoltant 1,2 milliard de dollars au bout d’une semaine d’exploitation!!! Avec 3 jours de plus, il en est à 1,684 milliard… A titre de comparaison, les plus gros succès au box-office sont pour l’instant Avatar avec un total de 2,788 milliards, Titanic avec 2,188 milliards, Star Wars : Episode VII – le Réveil de la Force (2,68 milliards), et tiens, Avengers : Infinity War qui culmine à 2,48 milliards. Vu le démarrage incroyable d’Endgame, il a de fortes chances de gratter quelques places dans ce top 5!!!

 

Et concernant Endgame, voici le lien vers un excellent article de Comicsblog qui décrypte le film et notamment ses implications pour le MCU! Evidemment, ne cliquez pas si vous n’avez pas vu le film hein… L’analyse est très pertinente et permet d’y voir plus clair dans un blockbuster qui s’avère bien plus complexe que ce qu’on pensait!

 

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Le clip de la semaine : Eyedea & Abilities – Smile

Eyedea & Abilities a été un groupe de hip-hop très influent sur la scène underground dans les années 2000. Composé de Michael David Larsen (Eyedea) et de Gregory Keltgen (DJ Abilities), ils ont sorti 4 albums sous la bannière de Rhymesayers Entertainment, producteurs d’Aesop Rock, Dilated Peoples ou encore Hail Mary Mallon, excusez du peu!!!), et ce morceau Smile est issu de l’album By the Throat sorti en 2009.

Il y a un vrai sens poétique et lyrique dans les morceaux d’Eyedea & Abilities, et une intensité musicale qui en faisaient un duo très important sur la scène indé US. La carrière du groupe a été brutalement interrompue par le décès prématuré de Michael David Larsen, des suites d’une overdose médicamenteuse à l’âge de 28 ans.

 

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The Endless (Justin Benson, Aaron Moorhead, 2017)

S’il y a une chose que l’on ne pourra jamais reprocher à Justin Benson et Aaron Moorhead, c’est leur implication exemplaire dans leurs projets! Après avoir tâté de la mis en scène chacun de son côté (le court métrage A.M. (2010) pour Benson, les courts Mirror, Mirror (2004) et For the Motherland (2005), ainsi que le long A glaring Emission (2010) pour Moorhead), ils ont réalisé ensemble Resolution, sur lequel chacun a eu de multiples casquettes : producteur, acteur, scénariste et monteur pour Benson; directeur photo, directeur des effets spéciaux, monteur, acteur, producteur pour Moorhead! Et ce partage des tâches se poursuit dans l’ensemble de leur oeuvre, constitué du court Wrecked, du segment Bonestorm de V/H/S Viral, et des longs Spring, The Endless et de leur prochain Synchronic. Benson et Moorhead sont des artistes accomplis déterminés à maîtriser leurs oeuvres de fond en comble, et cette persévérance et cette passion sont remarquables!

Et c’est justement cette passion qui est à l’origine de la réussite de ce film totalement méconnu, qui va puiser dans différents genres pour construire une histoire unique et captivante! Tout commence par le récit de 2 hommes qui vivent une existence morne et sans relief, après avoir échappé il y a 10 ans à l’emprise d’une secte. Evidemment, ce sont Justin Benson et Aaron Moorhead qui vont endosser les rôles principaux, Justin jouant un personnage nommé Justin, et Aaron un personnage nommé Aaron! Cela donne encore une fois idée de l’implication totale des 2 artistes, et cela va également permettre d’accentuer un certain réalisme, en plaçant la différence entre le réel et la fiction dans une zone forcément plus floue. Tandis que Justin est bien content d’avoir échappé à un possible suicide collectif, Aaron, qui est plus jeune, se rappelle uniquement les bons moments passé au Camp Arcadia. Et l’aspect monotone de son existence actuelle lui donne de plus en plus envie d’y retourner. Justin va accepter de faire le voyage, le temps d’une journée et d’une nuit.

Ce qui frappe d’emblée dans ce film, c’est la superbe maîtrise visuelle qui s’en dégage! La beauté des plans est bluffante, le sens du cadrage impressionnant, l’aisance dans les mouvements également, et le travail sur la photographie est juste somptueux! L’éclatement des couleurs et la luminosité participent activement à la création d’une atmosphère unique, dans laquelle les 2 hommes vont tenter de comprendre ce qui se déroule au camp. The Endless est clairement un film indépendant, avec un budget largement inférieur aux productions standards, et pourtant, il tire son épingle du jeu grâce à la conjonction des talents de ses 2 créateurs! La qualité des effets visuels, le réalisme du récit, et l’atmosphère impressionnante créée en font un objet atypique et étonnant! Ce film va développer un univers à la frontière de plusieurs genres, et va le faire avec une économie de moyens qui va paradoxalement renforcer sa stature.

A de multiples reprises, on sent une influence qui prime sur les autres, c’est celle d’Howard Phillips Lovecraft. Benson et Moorhead ont voulu rendre un hommage très personnel à l’écrivain torturé, et lorsqu’un des personnages explique qu’ « En dire plus serait comme essayer d’expliquer une couleur impossible », on pense forcément à La Couleur tombée du Ciel. L’approche est très intelligente et la progression narrative est excellente, avec un glissement progressif vers l’étrange, qui va se faire par des sensations, qu’il s’agisse de sons, d’événements se passant juste à la périphérie de la vision, ou d’un souffle secouant la nature alentour… Il se passe des événements flippants au Camp Arcadia, mais il est très difficile de déterminer de quoi il s’agit… Et il est difficile de déterminer si ces sensations sont réelles ou simplement une sorte de tour joué par l’esprit…

Benson et Moorhead parviennent à rendre tout cela très crédible grâce à une approche sincère du genre, et on se retrouve dès lors happé dans cette histoire qui va devenir de plus en plus tendue. Justin et Aaron partagent la vie de la secte avec les gens qu’ils ont connu à l’époque, et leur retour semble réellement faire plaisir aux membres. Repas entre amis, soirée autour du feu de camp, sirotage de bière locale… On se retrouve dans une communauté qui semble paisible, et qui ne semble pas spécialement axée sur l’aspect religieux… Mais quelque chose semble toutefois planer sur le camp et aux alentours, une sorte de menace indéfinie et intangible, qui pourrait bien s’en prendre aux 2 hommes… Quand on voit la manière dont les 2 réals mettent en scène les immensités alentour, avec des plans à la fois somptueux et prophétiques, on se dit qu’on tient là une oeuvre qui sort du simple cadre du film de genre, et qui véhicule des idées originales et prenantes! Les découvertes successives que vont faire Justin et Aaron vont de plus en plus plonger le spectateur dans une atmosphère des plus étranges, et la maîtrise de cette oeuvre est exemplaire!  Certains pourront être déçu par le fait que les auteurs ne veulent pas forcément trop en dévoiler, mais c’est finalement ce qui permet de maintenir le suspense jusqu’au bout, et en l’état, The Endless fonctionne bien mieux que de très nombreux films de genre aux budgets faramineux!!! Benson et Moorhead sont des auteurs à suivre absolument!!!

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Les news de la semaine : Mysterio

Une nouvelle image de Spider-Man : far from Home a été dévoilée cette semaine, et elle nous montre la rencontre entre Spider-Man et Mystério! Fait assez curieux, les 2 personnages sont en costume, mais démasqués! Ca nous permet en tout cas d’avoir un aperçu du look qu’arborera Jake Gyllenhaal, lequel est relativement proche des comics, avec un soupçon de modernisation! Sortie le 3 juillet!

 

On a enfin des nouvelles de la saison 2 de Dark!!! La tuerie germanique de Netflix reviendra nous triturer les neurones à base de voyages temporels le 21 juin!

 

 

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