La Tour sombre – Le Pistolero (Stephen King, 1981)

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« L’homme en noir fuyait à travers le désert et le pistolero le poursuivait. » En des temps immémoriaux, j’avais lu les 3 premiers volumes de ce récit épique, qui s’étire aujourd’hui sur 8 romans. A cette époque, j’étais un fan absolu de Stephen King, ayant lu tous ses écrits. Puis le temps l’a peu à peu laissé en retrait, et ce récit était finalement inachevé… Ca faisait un moment que l’histoire de Roland me titillait à nouveau, et le fait de replonger dans ce vieux conte crépusculaire de mon adolescence s’avère étrange…

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La Tour sombre est une oeuvre à part dans la bibliographie de Stephen King, de par son caractère ambitieux déjà, puisqu’elle a été écrite sur une période de 40 ans. De par ses thématiques ensuite, puisqu’elle explore des domaines très différents comme le western, l’horreur et la fantasy, tout en les mêlant de manière très efficace. Là où chaque roman du King pouvait se suffire à lui-même, La Tour sombre a vu se développer un récit dont les évolutions et le passé n’étaient pas même connues de son auteur. Il le dit lui-même dans l’appendice du premier volume: « Mais qu’en est-il du brumeux passé du pistolero? Seigneur, j’en sais si peu. Et de la révolution qui a balayé son « monde de lumière »? Alors là, rien du tout. » C’est ce qui constitue tout le romantisme et la beauté brute de ce fantastique récit, qui s’est étoffé au fil des ans, puisant dans la puissante imagination de son auteur les différentes ramifications nécessaires, à chaque fois en temps voulu. Une oeuvre monumentale qui explore à la fois l’inconscient du romancier, et qui va gratter des portes cachées dans l’esprit de ses lecteurs…

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Replonger dans ce 1er tome m’a fait l’effet d’un vieux songe oublié, mais qui n’a rien perdu de sa douce et folle consistance. Je me suis relancé à la poursuite de l’homme en noir dans ce monde en fin de vie, où chaque action semble tellement dérisoire… Quelle est la quête de Roland, le dernier des pistoleros, et pourquoi cherche-t-il à atteindre cette fameuse Tour sombre avec tant d’acharnement alors que tout s’écroule autour de lui? Stephen King va nous faire découvrir une terre crépusculaire, dont les coins d’ombres se peuplent de créatures difformes, dont les croyances ancestrales ont depuis longtemps vacillé, et où la magie opère pourtant encore… Un monde aux confluents des oeuvres de J. G. Ballard et de J. R. R Tolkien, entre l’abîme sans fond d’une existence dévastée et un royaume en mode fantasy… Les étendues sableuses à perte de vue rappellent furieusement Ballard, tandis que la poursuite de Roland évoque clairement celle d’un certain Frodon parti sur les traces du mythique Anneau

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Le principe de la quête va toujours amener à une meilleure connaissance de soi et du monde qui nous entoure, et Roland ne va pas échapper à cette règle. Homme brut aguerri et rompu à la manipulation des armes, il va avoir bien des surprises lors de sa poursuite qui dure depuis maintenant près de 20 ans… La lente traque lui a pris la majeure partie de son existence, mais il poursuit inlassablement son but malgré la poussière qui en recouvre les premiers souvenirs, et le sable du désert qui teinte ses vêtements d’un ocre opiniâtre. Il va notamment avoir la surprise de croiser un jeune garçon, Jake, échappé de son propre monde pour errer dans un lointain relais à l’abandon depuis très longtemps, et qui va se prendre d’amitié pour le pistolero. Ensemble, ils vont traverser de nombreuses épreuves, et vont se rapprocher du mystérieux homme en noir…

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La Tour sombre fait partie de ces récits passionnants dans lesquels on ne sait pas du tout dans quelle direction l’auteur veut nous emmener, et ça fait un bien fou de se retrouver surpris! Stephen King use d’une plume d’une très belle complexité et d’une intense poésie, et chacune des phrases constituant ce roman véhicule une très belle profondeur. Je pioche au hasard: « Août s’était jeté sur le pays comme un amant vampire, consumant la terre et les récoltes des métayers, plaquant une blancheur stérile sur les champs qui entouraient la cité féodale. » Lors d’une lutte contre une succube: « Il orienta vers elle son esprit – négation même de toute émotion-, le laissa se dévider. Le corps qui planait au-dessus de lui se figea, sembla hurler. Entre ses tempes, le pistolero sentit les brefs et perfides assauts d’une lutte à la corde – c’était son cerveau qui faisait la corde, grise, fibreuse. » « Levant les yeux vers l’invisible plafond rocheux, il parut vouloir un instant l’agonir d’insultes, défier aveuglément ces tonnes de granit obtus qui portaient leurs chétives existences dans ses entrailles de pierre. »

La richesse du style, qui évoque constamment le temps et l’usure, teinté de cet animisme omniprésent qui confère une belle et dangereuse dimension aux objets, achève de donner furieusement envie de poursuivre cette aventure! A voir si j’ai assez de motivation pour continuer à arpenter ces terres désolées, mais cette redécouverte du Pistolero a été chargée d’émotions, me ramenant dans ce monde que j’avais oublié, et rappelant en même temps un lointain passé…

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2 réponses à La Tour sombre – Le Pistolero (Stephen King, 1981)

  1. Vance dit :

    Contrairement à beaucoup, j’ai découvert la Tour sombre tout récemment, à force de lire ce que qu’en disait Neault. Je l’ai fini le mois dernier et je dois dire que, de tous les tomes, c’est le premier que j’ai préféré, avec cette écriture pleine de fioritures et d’ellipses que l’auteur regrette aujourd’hui, une certaine sécheresse dans sa prose, comme s’il se regardait parfois écrire. Il y a des tomes qui m’ont légèrement déçu par la suite, mais tous comportent des moments de grandeur rarement lus ailleurs.

  2. Wade Wilson dit :

    Je m’arrêtais souvent sur les phrases que tu mettais sur FB tirée de cette saga, et ça me démangeait d’y replonger! ^^ Le style du 1er bouquin est incroyablement riche, tu sens vraiment la thématique du temps et de la nature, qui sont juste impressionnantes! Un vrai régal! Le second opus apporte des éléments plus classiques dans son traitement, mais l’univers est toujours aussi original! Je me régale 😉

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