Le Cri (Nicolas Beuglet, 2016)

Après avoir travaillé sur M6 durant une quinzaine d’années, où il a gravi les échelons en passant de présentateur à producteur, Nicolas Beuglet a obliqué vers le statut de romancier en 2011, année où il a publié son tout premier bouquin, intitulé Le premier Crâne. La particularité de ce livre est qu’il a été publié sous un pseudonyme, celui de Nicolas Sker. Il entame ensuite en 2016 sa « trilogie norvégienne« , mettant en avant les enquêtes de l’inspectrice Sarah Geringën, avec Le Cri, qui sera suivi en 2018 par Complot, et l’année suivante par L’Ile du Diable.

Il faudra donc que je me procure son tout premier roman, car la découverte de ce Cri m’a amené à côtoyer un auteur à la plume aisée et aux intrigues passionnantes! Le point de départ de cette première aventure de Sarah Geringën nous mène dans un lugubre hôpital psychiatrique perdu dans les alentours d’Oslo, la capitale norvégienne. Dans cet établissement habité par des âmes perdues, a lieu un drame des plus mystérieux : un patient est retrouvé mort avec sur le visage l’expression figée d’un cri de terreur pure, alors qu’il se serrait lui-même la gorge dans un élan suicidaire. Comment un individu peut-il vouloir mettre un terme à sa vie de cette manière? Quel élément si abominable a-t-il pu le mettre dans un état de peur si intense? L’inspectrice Geringën va rapidement se rendre compte que l’enquête sera bien plus complexe qu’il n’y paraît…

Nicolas Beuglet nous embarque dans un roman qui s’intéresse réellement à ses personnages, avec une Sarah Geringën bien malmenée dès le début du récit. En proie à des tourments personnels bien violents, elle va devoir compter sur toute sa force intérieure afin de poursuivre une enquête aux ramifications très profondes. On est d’emblée pris par la tourmente dans laquelle elle se trouve, et on la suit à deux doigts de se noyer, le meurtre de l’hôpital psychiatrique représentant finalement la seule motivation valable pour ne pas sombrer. Sarah va se lancer à corps perdu dans son investigation, afin de surmonter ses échecs privés. Et elle va être plutôt servie en terme de changements d’idées pour le coup…

Impossible de vous raconter les tenants et aboutissants de cet incroyable roman sans vous en dévoiler la teneur et finalement vous spoiler, donc je vais rester très évasif car ce serait dommage de vous gâcher les nombreux éléments de surprise amenés par Beuglet. L’auteur parvient à gérer une narration au rythme effréné, qui se permet quelques facilités qui sont utiles pour la progression du récit. Mais l’ensemble est d’une cohérence et d’une complexité qui forcent le respect, la capacité de Beuglet à croquer des personnages forts et auxquels on s’attache immédiatement permettant d’immerger rapidement le lecteur. Sarah va croiser sur sa route plusieurs protagonistes, qu’il s’agisse de collègues policiers ou de civils, et elle va remonter le fil ténu de cet étrange suicide afin de déterrer un secret inavouable qui semble très protégé.

Impossible de se rendre compte au départ de la dimension vers laquelle va aller le récit, et c’est un vrai plaisir de plonger totalement dans l’inconnu de cette façon! La richesse thématique sera d’autant plus frappante, et on découvre un auteur qui n’est pas simplement un amoureux des polars, mais un passionné de bien d’autres domaines, qui va puiser dans des faits bien réels afin d’appuyer ses propos! Son enquête fait véritablement froid dans le dos, en mentionnant des faits réels perpétrés dans le passé à l’hôpital de Gaustad, et en extrapolant certains faits à partir de faits toujours réels, notamment avec ce patient « 488 »… Il va totalement nous surprendre dans la construction de son récit et dans l’élaboration de ses sous-intrigues, donnant une dimension unique à ce premier roman de sa trilogie norvégienne. L’intensité de cette enquête, couplée à la densité du propos, donne immédiatement envie de se procurer la suite!!!

Publié dans Bouquin | Laisser un commentaire

La Plateforme (Galder Gaztelu-Urrutia, 2019)

Vers la fin des années 90 et jusqu’au terme des années 2000, un nouveau courant cinématographique espagnol nous avait livré des films de genre qui voulaient dépoussiérer les terres de Franco. On a eu Amenabar, Plaza, Balagueró, De la Iglesia, Bayona, Cerdà et d’autres encore, et il en est sorti des oeuvres comme La Secte sans Nom, Darkness, [Rec], Abandonnée, Le Jour de la Bête… Des auteurs et des films qui entendaient secouer le paysage cinématographique ibérique et proposer une alternative à Almodovar ^^

Cette nouvelle vague s’est peu à peu essoufflée, certains auteurs sont passés de manière permanente aux Etats-Unis (comme Bayona avec son sublime The Impossible et qui a depuis livré Jurassic Park : Fallen Kingdom et est actuellement à l’oeuvre sur la série The Lord of the Rings), et on repense de manière nostalgique à ces séances de découvertes au Festival de Gérardmer avec par exemple une salle bondée qui sursautait et criait à l’unisson à la première de [Rec] ! La donne a également évolué au niveau de la proposition des oeuvres, avec différentes plateformes proposant du contenu vidéo directement chez vous, comme celle qui nous intéresse aujourd’hui, Netflix. C’est en effet là-dessus qu’est disponible ce film, permettant à Galder Gaztelu-Urrutia de nous livrer son premier long métrage. Netflix piochant à travers les pays et les continents pour proposer des nouveautés attrayantes, elle pourrait permettre une émergence de nouveaux talents espagnols. Les succès de séries comme La Casa de Papel ou Elite ont peut-être ouvert la voie à de jeunes cinéastes surmotivés…

La Plateforme apparaît en tout cas comme une proposition bien intéressante, qui s’inscrit dans un système de narration de genre certes classique, mais est-ce pour mieux faire passer le wagon? On le saura d’ici quelques temps… La Plateforme est une variation sur un film que vous avez probablement déjà vu, le Cube de Vincenzo Natali. Il a un peu vieilli, notamment au niveau de la psychologie des personnages qui est tout de même relativement simpliste, et ça fait du bien de dépoussiérer ce genre très particulier et d’en tirer de nouvelles analyses! Un homme se réveille donc dans une pièce de béton, avec un autre homme situé en face de lui. Les seules ouvertures de cette pièce carrée sont situées au plafond et au sol, avec un passage permettant l’accès à une table amovible chargée de nourriture. Cette table provient d’étages supérieurs, s’arrête un moment à chaque étage, puis descend vers les niveaux inférieurs. Chaque personnage est ici pour une durée déterminée, et ils changent d’étage à chaque début de mois.

Voilà, vous savez tout ce que qu’il y a à savoir sur les éléments de départ du film! ^^ Tout le reste va donc être une variation à partir de cette base très mystérieuse, et le film va développer un récit de plus en tendu. Ivan Massagué (Le Labyrinthe de Pan, Les derniers Jours) joue Goreng, le personnage principal qui se réveille donc dans ce lieu qui a tout d’une prison, et qui va chercher à en comprendre les mécanismes. Cet homme calme et plutôt intellectuel va devoir remettre en question pas mal de certitudes au gré de son avancée et de ses rencontres… Car il va croiser d’autres personnages eux aussi enfermés, chacun ayant sa propre vision du lieu et de la manière d’en sortir.

J’avais vu Vivarium la semaine dernière, juste avant que les cinémas ne ferment ^^, et je trouvais l’argument sociologique et de critique sociale exagéré par les critiques. En comparaison, La Plateforme m’apparaît bien plus pertinent sur ces thématiques, en développant une vraie hiérarchisation sociale avec les différents niveaux existants. Les strates sociales sont très bien représentées, et renvoient aux nantis, à la classe moyenne et à la classe défavorisée, avec le seul élément de la nourriture. Car la nourriture est ici centrale, tant géographiquement que socialement. Le rythme des journées est donné par cette plateforme de victuailles qui descend afin de nourrir les personnes présentes à chaque niveau. Evidemment, la table se vide au fur et à mesure que la plateforme descend… Une allégorie très simple et d’autant plus efficace sur le pouvoir de ceux qui sont au-dessus, et qui ont accès à une table énorme remplie de dizaines de plats…

La démonstration va même flirter avec l’absurde vers la fin du film, mais le message est bien là, et en ces temps de confinement, on ressent d’autant mieux cette portée sociale étonnante et intéressante. Et encore une fois, contrairement à Vivarium qui reste assez en surface, La Plateforme n’hésite pas à user de violence et de situations glauques pour étayer son propos. Avec ce rythme assez rôdé, ça n’est pas aussi dérangeant que ça pourrait l’être, mais le récit à le mérite de poser un contexte immersif et de le traiter avec soin. La descente aux enfers de Goreng donne lieu à un film très bien écrit et d’une belle maîtrise, qui sans être un chef-d’oeuvre, s’inscrit dans une veine nerveuse qui fait plaisir sur le thème de l’homme est un loup pour l’homme!

Publié dans 2010's, Cinéma | Laisser un commentaire

Le clip de la semaine : Pierre-Emmanuel Barré

J’avais déjà vu une ou deux vidéos de l’humoriste Pierre-Emmanuel Barré, mais son journal de bord du confinement est ultime !!! Chaque jour, il nous livre ses expériences et c’est à la fois très drôle et très corrosif! Un incontournable en cette période très étrange ^^ Je vous mets la toute première vidéo, et je vous invite à le suivre sur sa chaîne YouTube!

 

Publié dans Le clip de la semaine | Laisser un commentaire

Les news de la semaine : Didier Raoult

 

Cette semaine, on va laisser de côté les rares news ciné ou séries qui tombent parcimonieusement sur les sites spécialisés, puisque l’actualité est monopolisée par la crise sanitaire due au coronavirus Covid-19. En surfant sur Facebook, je suis tombé sur un partage de publication (merci Sébastien!) qui m’a particulièrement intéressé, et qui concernait le professeur Didier Raoult. J’ai passé une partie de la soirée d’hier à recouper les informations sur ce scientifique, qui a effectué une étude sur la maladie infectieuse touchant de nombreux pays actuellement. Loin d’être un spécialiste dans le domaine de la virologie, je me garderai d’apporter des conclusions sur lesquelles je n’ai pas la prétention de pouvoir trancher. Mais je tenais à partager ces différentes recherches avec vous, afin que chacun puisse se faire sa propre opinion. Pour ma part, et encore une fois en toute prudence, je me dis que la piste de la chloroquine semble être pertinente, et qu’il serait très intéressant de la tester davantage.

Je vous mets différents liens, vidéos et écrits. J’ai mis la dernière vidéo même si son titre est complètement naze avec sa seule volonté de choquer, car ce n’est pas le discours que le professeur fait dans cette vidéo justement. S’il y a un souci de lecture des vidéos, appuyez sur « play » puis sur « YouTube » juste en bas à droite de la vidéo, ça fonctionnera directement sur YT.

 

https://blogs.mediapart.fr/lenous/blog/200320/fin-de-partie-pour-le-covid-le-pr-raoult-et-la-chloroquine?utm_source=facebook&utm_medium=social&utm_campaign=Sharing&xtor=CS3-66&fbclid=IwAR1MbhFjgMy9_fSK075M4Di4mIQ4okd0zhu3XXKsVtFMWYz2ec7nE-y-Z60

 

https://www.marianne.net/societe/la-chloroquine-guerit-le-covid-19-didier-raoult-l-infectiologue-qui-aurait-le-remede-au

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Didier_Raoult

 

http://www.leparisien.fr/societe/coronavirus-et-chloroquine-les-essais-vont-etre-reproduits-a-grande-echelle-21-03-2020-8285217.php

 

https://www.franceinter.fr/societe/coronavirus-non-la-chloroquine-n-a-jamais-ete-interdite-par-agnes-buzyn

https://www.linternaute.com/actualite/guide-vie-quotidienne/2489467-chloroquine-et-plaquenil-un-espoir-de-guerison-face-au-coronavirus/

Publié dans Les news de la semaine | Laisser un commentaire

Entre deux Mondes (Olivier Norek, 2018)

Olivier Norek est un auteur français spécialisé dans le polar, à qui l’on doit une série de romans centrés sur le capitaine Coste : Code 93, Territoires et Surtensions. Avec Entre deux Mondes, il laisse temporairement son personnage fétiche de côté pour nous embarquer dans une réalité qui a eu lieu officiellement du début des années 2000 à 2016, mais qui perdure toutefois encore aujourd’hui. En lisant la 4ème de couverture, j’ai été interpellé par cette accroche mystérieuse : « Adam a découvert en France un endroit où l’on peut tuer sans conséquences. » Je me suis donc laissé tenté et j’ai voulu connaître cet endroit hors normes pourtant situé sur notre territoire. Comment un lieu en France pourrait-il permettre de telles exactions sans que la justice tente d’arrêter les auteurs de meurtres?

La réponse est à la fois simple et pas si évidente : cela se déroule dans la Jungle de Calais. On a tous entendu parler des migrants qui se réunissaient dans ce camp avec pour seul espoir le passage vers l’Angleterre. Calais étant le point le plus proche du Royaume-Uni, la ville a cristallisé tous les rêves de liberté de milliers de réfugiés, venus en famille ou morcelés, avec des membres encore restés au pays. Fuyant les guerres ou les dictatures, les étrangers qui arrivaient en France provenaient d’Afghanistan, de Syrie, d’Irak, d’Erythrée… La Jungle a « accueilli » des milliers d’habitants, avec un pic de population à presque 10 000 personnes! Sachant qu’elle est établie sur une superficie de 4  km carré, on arrivait à une densité moyenne de 2250 personnes par kilomètres carré en 2016…

Olivier Norek, qui a été bénévole à Pharmaciens sans Frontières, a une expérience de l’intérieur de ce que peuvent vivre les réfugiés (c’était avant la Jungle, notamment avec des personnes venant d’ex-Yougoslavie). Il est ensuite entré dans la police, où il est devenu lieutenant. Il s’est donc naturellement orienté vers le polar dans ses écrits, et a donc choisi également de traiter de ce sujet explosif qu’était (est!) la Jungle… Car aujourd’hui, il y a encore 2000 personnes présentes… Le style très précis et direct de Norek colle parfaitement à ces évocations multiples d’existences qui vont s’entrecroiser, et la brutalité du propos est relayée par une plume brute et incisive.

On va suivre cette femme et sa fille en fuite traversant la Méditerranée pour rejoindre l’Angleterre, ce flic Syrien qui n’en peut plus de voir les atrocités perpétrées au nom de Bachar Al-Assad, un flic français qui débarque à Calais et qui va découvrir une réalité à peine crédible… On va avoir plusieurs points de vue sur cet état de fait, ce centre névralgique concentrant tous les espoirs et toutes les frustrations de gens déracinés, et qui n’ont plus grand-chose à quoi se raccrocher… Sous cette surface rugueuse se cache une vision humaniste, qui est certes terriblement bousculée par ce qu’elle découvre, mais qui décide coûte que coûte d’exister encore. Olivier Norek nous embarque dans un récit qui fait mal, et on se prend de bons uppercuts dans la face.

Mais c’est justement cette capacité à adopter un ton neutre et percutant qui permet de montrer la déshumanisation des gens vivant dans ce camp. C’est du direct dans la face, et ça ouvre les consciences de manière tranchante… Et surtout, l’auteur ne fait pas dans le pathos, et nous embarque dans des scènes qui vont susciter de l’émotion là aussi de manière brute. Je ne dévoilerai pas grand-chose du récit, car il sera d’autant plus prenant si vous vous y aventurez, mais l’auteur sait comment se nourrir du réel pour que sa fiction soit aussi réaliste que possible. D’ailleurs, il le dit dès l’entame du roman « Face à la violence de la réalité, je n’ai pas osé inventer. Seule l’enquête de police, basée sur des faits réels, a été romancée. » Ca fait d’autant plus froid dans le dos…

Olivier Norek va adopter le point de vue des migrants vivants dans le camp, mais aussi celui des flics chargés de contenir les tensions du camp… On a des gens qui ne cherchent qu’à s’en sortir, d’autres qui veulent faire le mal, certains usant de violences pour parvenir à gagner l’Angleterre, et le problème de cette Jungle s’avère relativement complexe. Les routiers sont pris d’assaut par certains migrants, les migrants se battent entre eux, les flics tentent de contenir cette marmite bouillonnante avec violence aussi… Le fait d’avoir plusieurs sons de cloche, avec des migrants à bout et des flics qui n’en peuvent plus non plus, montre à quel point cette situation cauchemardesque affecte tout le monde… Et dans ce microcosme, une économie locale, des gens qui s’entraident, et toujours cet espoir ténu qui tente de perdurer…

Entre deux Mondes prend réellement aux tripes, nous faisant découvrir un monde que l’on ne peut pas connaître si on ne fait pas partie des autorités ou d’organisations humanitaires, et ce roman est une descente captivante et terrifiante dans une réalité que l’on peut difficilement concevoir… Norek a justement ce don de nous y embarquer totalement, et de passer de l’horreur à l’espoir, cheminant entre les différentes existences évoquées qui vont se battre chacune à sa manière, avec les armes dont elle dispose, et avec la force intérieure qu’elle conserve. Il y a dans ce roman une humanité poignante face à une réalité désarmante, et Entre deux Mondes mérite vraiment d’être découvert!

Publié dans Bouquin | Laisser un commentaire