Pentagon Papers (Steven Spielberg, 2017)

Comme à son habitude, Steven Spielberg oscille constamment entre blockbusters et retranscriptions historiques. Dans la veine SF, son Ready Player One est attendu pour le 28 mars, mais auparavant, il nous livre un nouveau moment d’histoire avec Pentagon Papers, qui va apporter un éclairage nouveau sur une affaire ayant secoué l’Amérique au début des années 70. Si le Watergate est certainement l’une des scandales politiques les plus connus, celui des Pentagon Papers n’en est pas moins important. Et comble de l’ironie, c’est le Washington Post qui a officié en première ligne sur les deux affaires, mettant toutes deux en cause un certain Richard Nixon

Tout commence avec Daniel Ellsberg, un analyste qui décide de faire sortir des documents top secret et de les livrer au New York Times. Il réussit à copier les 7000 pages classifiées, lesquelles dévoilent les mensonges de 4 présidents successifs quant à l’implication du pays dans la guerre du Vietnam. Ellsberg est en fait considéré comme le premier lanceur d’alerte, et son geste va générer une onde de choc qui va secouer l’ensemble du pays. Mais alors que le Times se retrouve en mauvaise posture, attaqué par le gouvernement qui cherche à museler le journal, le Washington Post, un quotidien bien plus modeste, va prendre le relais et s’emparer à son tour de l’affaire.

Steven Spielberg va donc suivre toute la progression de cette affaire à travers les différents regards des journalistes impliqués, Ben Bradlee en tête. Interprété par Tom Hanks, il ne lâchera pas le morceau et se battra jusqu’au bout afin que cette histoire soit publiée. Il aura le soutien de la propriétaire du journal, Kay Graham, jouée par Meryl Streep. Bon, sur le papier, c’est vraiment engageant. Mais le résultat à l’écran est franchement loin de rendre justice à toutes les personnes impliquées… Quand on voit le personnage de Ben Bradlee, qui s’entête sans arrêt mais sans jamais rien risquer au final, on a l’impression de ne voir qu’un contestataire de base. Et Kay Graham, qui a la lourde responsabilité de décider si oui ou non ces documents doivent être révélés, semble complètement perdue pendant toute la durée du film, et donne l’impression de ne rien comprendre aux enjeux. Sa décision est prise avec une hésitation énorme, et on ne ressent à aucun moment de grande conviction de sa part. Le « J’ai décidé qu’on allait publier, et maintenant je vais me coucher » est juste totalement à l’ouest, et on à l’impression d’assister à une scène parodique. Et ce n’est pas la seule scène qui atteint ce niveau…

On est dans un film de boudoir, Steven Spielberg posant sa caméra dans un petit coin de maison ou de rédaction pendant que des gens dialoguent et débâtent sur la nécessité de publier. On assiste à des joutes verbales sans emphase, à des discussions interminables dont les enjeux ne sont à aucun moment sublimés par une tension qui est pourtant indispensable à ce genre de récit. Ici, l’électro-encéphalogramme est d’un plat absolu, ça gesticule et ça cause, mais sans aucune passion, sans aucun rebondissement, sans aucune puissance émotive. Dans un genre similaire, on préférera 100 fois mieux l’excellent Snowden d’Oliver Stone, et 200 fois plus l’excellent Citizenfour de Laura Poitras. Là on raconte une histoire pleine de tensions et oppressante à souhait, là on ressent ce qu’un lanceur d’alerte peut vivre avec une parano qui devient une seconde nature. D’ailleurs, Daniel Ellsberg est très vite oublié, lui qui aurait dû être le héros de cette histoire… Spielberg préfère se concentrer sur les deux figures de Bradley et Graham, qui sont malheureusement personnifiées de manière vraiment insignifiante par Tom Hanks et Meryl Streep… Tout l’aspect féministe du film, qui était là encore un argument de poids pour cette histoire, est traité avec une désinvolture étonnante, et ne rend pas justice au combat de cette femme.

On a bien Saul Goodman qui tente de nous impliquer davantage, et Bob Odenkirk fait ce qu’il peut, mais c’est clairement insuffisant. Pentagon Papers est d’un ennui profond, alors que l’histoire qu’il déroule est en soi très intéressante. Mais là, la tension est telle que l’on a l’impression que les 7000 pages révélées sont celle du prochain catalogue Lapeyre sorti sous le manteau… Si vous regardez les photos, il y a toujours une tasse de café quelque part, mais ils ont dû mettre la race de Valium dedans… C’est clairement l’un des plus mauvais films  de Spielberg, et voir Hanks et Streep aussi réducteurs, ça fait bizarre aussi… Il n’y a rien à sauver, et quand on se dit que c’est le même réalisateur qui nous livrait le traumatisant et sublime La Liste de Schindler, on a l’impression de passer dans une dimension parallèle…

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