The Killer (David Fincher, 2023)

Cela faisait un long moment que je n’avais pas croisé la route de David Fincher. Le dernier film que j’ai vu de lui remonte à presque 10 ans, il s’agit du très bon Gone Girl. Je m’étais laissé tenter par la première saison de Mindhunter en 2017, que j’avais trouvé à un très bon niveau, même si la fin m’avait déçu. Je n’ai pas enchainé sur la seconde. Il y a 3 ans, il a tenté un pari graphique avec Mank, auquel je n’ai pas adhéré et que j’ai stoppé au bout de 30 minutes. Voilà pour mes dernières expériences avec son cinéma. Jusqu’à aujourd’hui, où j’ai découvert son The Killer sans être spécialement pressé.

Ca tombe bien, l’un des sujets principaux de ce nouvel effort du réalisateur américain s’avère être la patience. Et il faut bien avouer que l’on avait rarement mis en scène cette vertu avec autant de classe et de précision. En racontant l’histoire d’un tueur à gages, Fincher nous immisce dans son quotidien fait de très (très) longues périodes d’attente. Pour réussir dans ce métier, il faut être capable de gérer l’ennui et l’inactivité d’une manière presque similaire à celle d’un moine retranché pour prier. J’exagère à peine, et Fincher met à profit sa science du cadrage et son amour pour les textures sonores afin de nous livrer une vision très frontale et d’une très belle précision quant à ce métier ô combien mystérieux pratiqué par le personnage principal, qui ne répondra à aucun nom durant toute la durée du métrage. La rigueur des plans accompagne la rigueur que s’impose le tueur, tant dans son rythme de vie que dans son approche des contrats. Il procède en tentant de maîtriser l’ensemble de la chaîne d’événements menant à l’exécution dudit contrat, et découlant de cette exécution.

On ne présente plus Michael Fassbender, qui a fait du chemin depuis Frères d’Armes, 300 ou encore Hunger. Il compose un tueur implacable, imperturbable et qui maintient un contrôle émotionnel et physique de chaque instant. Le voir se glisser dans les plans fluides et maîtrisés de Fincher apporte une sorte de dynamisme feutré, pas celui bien clinquant que l’on a l’habitude de voir dans de trop nombreux films, mais un de ceux qui se rapprocheraient de la musicalité de l’excellent Baby Driver d’Edgar Wright. Les 2 metteurs en scène ont ceci en commun de ne rien laisser au hasard, et de faire se succéder des plans et des séquences bien pensés en amont et minutieusement préparés. C’est à ce prix que l’on pourra ressentir cette musicalité diffuse qui va venir créer des sensations déroutantes, dans un long métrage aux antipodes du tout explosif et du tout explicatif. L’important ici réside dans la maîtrise de chaque instant afin de se servir de chaque élément à sa disposition pour arriver à ses fins.

Je ne vous parle pas en vain de musicalité, car une fois encore, Fincher s’est entouré de ceux qui sont devenus ses compositeurs fétiches depuis The Social Network, Millénium : les Hommes qui n’aimaient pas les Femmes, Gone Girl ou encore Mank. Trent Reznor et Atticus Ross en sont en effet à leur 5ème participation musicale pour le réalisateur, et le résultat est à la hauteur des vélléités atmosphériques des 2 artistes, avec des nappes discrètes mais prenantes venant délicatement se poser sur les images de Fincher. L’attrait pour les BO de Reznor se fait depuis longtemps ressentir dans les albums de Nine Inch Nails, et le pionnier de l’indus s’est depuis assagi pour nous livrer des compositions moins torturées et plus envoûtantes. Je vais reparler de Baby Driver, car je trouve que le personnage principal de The Killer a une approche sensorielle similaire à celle du personnage de Baby, sans toutefois être aussi poussée. Mais le fait d’avoir régulièrement cette musique surgissant furtivement afin d’accompagner le personnage principal va apporter une certaine touche personnelle à l’accomplissement de son travail, et va permettre à Fincher d’effectuer des jeux sonores très subtils et captivants. La modulation permanente entre le niveau sonore réellement entendu par le personnage et celui pris de plus loin va créer une sorte de distorsion presque spatiale au travers des plans, pour un résultat très intéressant au niveau des sensations. Ce jeu va se poursuivre avec les différents bruits entendus au gré du film, Fincher jouant par exemple avec les ouvertures et fermetures de portes afin de monter ou réduire le curseur sonore, dans la même optique de légèrement déstabiliser le spectateur à ces moments. Ca n’a l’air de rien, et pourtant ça procède d’une très belle maîtrise de Fincher et ça offre au film une certaine texture innovante.

Fincher va découper son film en 6 actes, et créera 6 atmosphères distinctes au gré des pérégrinations de son protagoniste principal. Il va capter les temporalités et les atmosphères bien précises de chaque lieu traversé, comme Paris, La Nouvelle-Orléans, la Floride ou encore la République Dominicaine. A chaque destination, on sent un réel travail dans l’exploration picturale et sensitive des lieux, et c’est tellement mieux fait que dans un James Bond ou chaque lieu ressemble au précédent alors que 007 voyage à travers le monde… Dans chacun de ces lieux, le tueur semble tout aussi à l’aise comme s’il s’appropriait chacun des éléments de chaque ville, puisqu’il semble gérer la topographie de chaque lieu ainsi que tous les systèmes de sécurité qu’il va croiser. On a un côté high tech qui n’en fait pas des tonnes mais qui a un rendu très réaliste, et le tueur peut compter sur Amazon pour arriver à ses fins ^^

Le rythme très particulier de ce film pourra en rebuter quelques-uns, mais on appréciera grandement ce thriller en mode silencieux et feutré se permettant pourtant quelques accès de violence fulgurantes. On a notamment droit à un combat que n’aurait pas renié le Daredevil de Netflix, même s’il est un poil trop sombre pour être apprécié à sa juste valeur. Mais l’ensemble se tient de très belle manière grâce à cette musicalité discrète et constante, qui fait de The Killer non pas un chef-d’oeuvre, mais un film possédant une certaine aura envoûtante.

The Killer. Michael Fassbender as an assassin in The Killer. Cr. Netflix ©2023

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News: Kang te reverraiiiiis-je

La valse des modifications se poursuit chez Marvel, avec cette fois pour impact l’un des gros bébés de ces prochaines années, j’ai nommé Avengers : the Kang Dynasty. Initialement prévu pour envahir les salles en mai 2025, le film avait fait l’objet d’un report à mai 2026, ce qui expliquerait en partie la nouvelle du jour, à savoir la défection de son metteur en scène Destin Daniel Cretton. L’homme derrière Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux était en effet prévu sur pas moins de 3 projets pour Marvel Studios, et va donc céder sa place sur ce méga-blockbuster afin de se concentrer sur la suite des aventures de Shang-Chi sur grand écran, mais également sur les premières aventures de Simon Williams sur le petit écran avec Wonder Man.

Avec les multiples problèmes entourant le personnage de Kang, mal-aimé par une partie du public, son interprète Jonathan Majors en procès pour violences conjugales (voir ce dossier), on est dans le flou total vis-à-vis de l’avenir du MCU, qui aurait tout le temps de changer ses plans quand à la menace ultime du 5ème film Avengers, quitte à tout bonnement supprimer le perso de Kang. On suivra bien évidemment l’évolution de l’ensemble des projets liés, mais tout cela ressemble fort à un soap opéra avec son lot de rebondissements! ^^

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Dossier : où va le MCU?

Les chiffres sont sans appel : 47 millions de dollars récoltés pour son premier week-end sur le sol américain, alors que les estimations voyaient The Marvels plutôt autour des 70-80 millions. La douche froide est terrible pour Marvel Studios, et le milliard franchi par Captain Marvel 1er du nom est totalement inaccessible bien évidemment. Le contexte a changé, la qualité a changé, et les spectateurs en ont simplement marre d’être pris pour des cons. The Marvels fait les frais d’une politique et d’une vision désastreuses de la part de Kevin Feige et ses troupes, et je comprends parfaitement l’insuccès de ce film, même si ce n’est pas spécifiquement cette oeuvre qui méritait ce traitement.

The Marvels m’a agréablement surpris, dans le sens où je m’attendais à une véritable catastrophe cinématographique, et que j’ai finalement apprécié le long métrage de Nia DaCosta. Mais je comprends aisément l’enchaînement ayant conduit à ce bashing, et la fameuse fatigue super-héroïque dont on parle tant en ce moment. The Marvels est un bon film, proposant un récit sympathique et enlevé, mené par un trio féminin inégal (Brie Larson et Iman Vellani s’en sortent mieux que Teyonah Parris), le tout conduit en 1h45 top chrono histoire de faire court et efficace. Un film bien moins prétentieux que son aîné, et qui remplit son office de divertissement réussi. Sans être un incontournable ou un élément majeur du MCU, il se défend et est bien moins inégal qu’un boursouflé Les Gardiens de la Galaxie 3 (qui je le répète offre pourtant quelques-unes des plus belles scènes du MCU!). Mais alors, pourquoi ce désintérêt total de la part du public?

Pour ma part, je ne suis allé le voir en salle que par complétisme, ayant suivi l’ensemble du catalogue foisonnant proposé par le MCU depuis 2008 et Iron Man. Je n’étais pas franchement motivé, et un énième report m’aurait fait plaisir. Mais finalement… Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer ce phénomène de lassitude, et la première est tout simplement le problème qualitatif. Lorsque Feige concoctait ses plans destinés à converger vers la guerre ultime contre Thanos, il y avait une feuille de route, un désir de proposer des récits forts en émotion, et une implication de l’ensemble des protagonistes à raconter une histoire allant bien au-delà d’un seul film. Quand on voit comment le MCU a patiemment façonné ses Avengers, on se dit que c’est justement ça la clé du succès : la patience. Une patience qui aura permis de faire monter en puissance chacun des personnages séparément, avant de les lier entre eux au fur et à mesure, jusqu’à nous offrir un premier film Avengers, réunion au sommet de héros ayant déjà eu les faveurs du public précédemment.

Tout convergeait vers l’impérial Thanos, entité destructrice bien complexe allant au-delà du simple bad guy de pacotille, pour nous offrir une densité inédite dans ce genre de super-productions. Thanos, c’était la quintessence du Mal ultime, bénéficiant d’une très belle qualité d’écriture et d’une dimension tragique qui achevaient d’en faire une figure incontournable. De sa première apparition en 2012 dans la scène post-générique d’Avengers à sa mort dans Avengers : Endgame en 2019, il se sera passé 7 ans et 17 films! Thanos nous aura accompagné de la fin de la Phase I à la fin de la Phase III… La patience donc… C’est avec la Phase IV que les véritables ennuis ont commencé… Faire un film sur Black Widow avec 10 ans de retard n’était pas forcément un choix stratégique judicieux, car comment capitaliser sur le prequel d’une héroïne déjà morte? Cela entérinait un fait important pour le studio : après Thanos, il ne semblait plus y avoir grand-chose à raconter…

Et pour cause, les Phase IV et le début de la V allaient totalement se disperser en mettant sur pied des projets disparates et sans liant, tentant à tout prix de faire survivre une machine lancée à plein régime mais dont le pilote semblait avoir quitté la cabine… En mode Runaway Train la qualité en moins! Le traitement scandaleux des artistes des effets spéciaux mettait en lumière les deadlines impossibles à tenir et l’énorme pression mise sur les équipes. Cela explique en grande partie les désastres visuels que sont Ant-Man et la Guêpe : Quantumania, mais aussi de très nombreuses séries… Quand on allie misère visuelle et absence totale d’écriture (pour rester poli), on ne peut que constater le choix délibéré du studio de ne rien faire d’autre que se reposer sur des lauriers acquis durant les 3 premières phases. Sauf qu’à être pris pour des jambons durant toute une phase, les spectateurs se disent qu’ils ont été bien patients, mais merci au revoir…

Surtout qu’il fallait trouver un remplaçant à Thanos, et le choix s’est porté sur un certain Kang le Conquérant. un bad guy moins puissant physiquement que Thanos, mais qui avait pour avantage de pouvoir se balader dans la trame temporelle… Vous me direz, on a bien eu ça avec Thanos, puisque celui que combattent les héros dans Avengers : Endgame n’est plus le même que celui apparu dans le premier Avengers… Je vous laisserai replonger dans les films si vous n’avez pas suivi ^^ Donc nous avons un Kang étrangement présenté dans la saison 1 de Loki, interprété par Jonathan Majors. Personnellement, je trouve sa prestation dans la peau de Celui Qui Demeure excellente, en flirtant très habilement avec le surjeu pour nous livrer un perso atypique et déroutant. Les critiques lui sont pourtant bien tombées dessus, et je comprenais qu’il n’allait pas faire l’unanimité comme Thanos. Le fait d’avoir un public très divisé sur le prochain grand méchant des 2 phases suivantes était déjà en soi une très grande difficulté pour Mickey, pardon pour Marvel. Mais les ennuis n’allaient pas s’arrêter là… L’acteur Jonathan Majors étant en procès pour coups et blessures sur sa compagne, il est difficile de se projeter dans le futur du MCU. Faut-il recaster Kang? Faut-il patienter jusqu’à la fin du procès, si jamais Majors est innocenté? Faut-il tout simplement changer de bad guy en cours de route? Les temps sont difficiles pour marvel, et ça dure…

Pour revenir sur la Phase IV cinématographique, vous allez me dire qu’elle n’est pas non plus totalement détestable, et je vous dirais que oui, vous avez raison. Mais pour ceux qui ont voulu suivre l’ensemble des productions du MCU, il a fallu se coltiner 8 autres productions, télévisuelles celles-là, et c’est ici que le point de bascule s’est définitivement opéré. Marvel Studios a enchainé les daubes : WandaVision, Falcon et le Soldat de l’Hiver, Moon Knight, Miss Marvel, She-Hulk : Avocate, Secret Invasion… Seules Hawkeye présentant un certain capital sympathie et l’excellente Loki méritent d’être regardées. Avec un ratio de 25% de réussite, on est sur du 5 sur 20. Une note de merde que mon prof de CM2 n’aurait jamais toléré!

La qualité globalement lamentable des séries a été un tournant capital dans cet état de fait. Pour ceux qui suivaient l’ensemble du MCU, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Mais quand vous savez que tout les fans ne regardent pas les séries, et que vous sortez un film dont 2 personnages principaux sont issues de ces séries, vous vous attendez vraiment à ce que le film fonctionne? Miss Marvel est issue de sa série éponyme, et Monica Rambeau est issue de WandaVision. Les gens qui lisent un minimum de news sans avoir suivi les séries se disent alors qu’ils n’ont pas forcément d’intérêt à aller voir The Marvels s’ils n’ont pas regardé les premières aventures de ces personnages… Ou comment la continuité est en train de tuer inexorablement le MCU! La baisse de qualité visuelle, couplée à la baisse de qualité scénaristique, agrémentées de l’obligation d’avoir suivi des heures innombrables de programmes pas forcément attractifs, et voilà que l’on pave le chemin à une très belle sortie de route!

La grève des scénaristes et la grève des acteurs aura obligé à mettre en pause pas mal de projets, et il se pourrait bien que ce soit bénéfique pour le MCU. Alors qu’il y a quelque temps encore, Feige et ses sbires ne comprenaient pas pourquoi le public les boudait, ils semblent peu à peu prendre en considération cet état de fait, et reconnaître sans le dire qu’ils sont peut-être allé trop loin dans le délire. Les belles paroles, on s’en fout, ce qui compte, ce sont les actes. Lorsque Sony nous annonçait un Venom R-rated, ils se sont bien foutus de nous (même si j’ai aimé le film ^^). Mais aujourd’hui, c’est Marvel Studios qui nous annonce des modifications qui ne devraient pas être qu’esthétiques. Le choix de recommencer entièrement la série Daredevil : Born Again dont la moitié du tournage avait déjà été mise en boîte est un signal fort à ceux qui ont détesté l’apparition du personnage dans cette merde de She-Hulk : Avocate. Les qualités narratives et visuelles de l’ère Netflix du personnage en ont traumatisé plus d’un, et face à l’ampleur de la catastrophe du tout-public à tout prix, le passage vers une ligne résolument adulte est indispensable et en totale correspondance avec les récits liés au personnage dans les comics.

Le choix d’une ligne Marvel Spotlight pour la sortie de la série Echo relance l’intérêt pour le personnage, surtout après une bande-annonce qui est paraît-il très bien faite (je ne me spoile plus avec les BA ^^). Personnellement, j’avais assez accroché à cette Maya Lopez dans la série Hawkeye, et j’étais bien motivé à l’idée de découvrir le suite de ses aventures. Quand en plus un certain Wilson Fisk semble revenir sous ses meilleures auspices… Le label Marvel Spotlight est annonciateur de productions moins liées à l’ensemble du MCU, et pouvant donc se regarder sans avoir forcément tous les bagages depuis le premier Iron Man. Ce choix vient à point quand on voit le problème posé par la continuité pour The Marvels

Et enfin, Marvel ose le R-rated! On savait déjà que Deadpool 3 aurait cette classification, mais elle poursuivait la logique du personnage issu de la Fox. Cette fois-ci, Marvel va faire un film de vampires qui osera montrer du sang (et pas du sang de synthèse n’est-ce pas enfoiré de Morbius??), puisque Blade sera interdit aux moins de 18 ans aux USA. Et l’annonce provient après une autre très étrange celle-ci, qui indiquait qu’à la base, Mahershala Ali n’aurait été que le 4ème protagoniste d’un film portant le nom du héros qu’il incarnait! En gros, Blade aurait été le 4ème perso après 3 femmes! Quelle était la logique???

On voit donc avec ces différentes annonces que le MCU pourrait à terme enfin revenir sur de bons rails. Il faut rester prudent, on est pas à l’abri. Mais cette Phase V si méchamment entamée pourrait donc redresser le niveau si une véritable prise de conscience était actée et perdurait durablement. En tout cas, c’est tout ce que l’on souhaite en tant que fan, et on ira frapper ensuite à la porte de Sony pour qu’ils tentent la même évolution…

 

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Oppenheimer (Christopher Nolan, 2023)

Sa durée de 3h m’a fait hésiter à aller voir ce film en salles, et j’ai commis une erreur en ne faisant pas confiance à Christopher Nolan. Je n’ai commencé à apprécier ce metteur en scène qu’à partir de 2015 et son Interstellar réalisé l’année précédente, suivi des excellents Dunkerque et Tenet à 3 années d’intervalle chacun. L’aspect biopic ne me mettait pas en confiance, et les quelques retours que j’avais eu ne m’avaient pas encouragé. Bon, pour sa prochaine réalisation, je n’hésiterai plus à lui faire confiance…

Un biopic de 3 heures peut rebuter, mais lorsque c’est Nolan qui est aux commandes, on va bien au-delà de la simple évocation de l’existence d’une figure célèbre. Nolan l’a déjà prouvé à plusieurs reprises, c’est un metteur en scène éminemment sensitif, et c’est cet élément que je craignais de ne pas retrouver dans Oppenheimer. Ce film possède une richesse insoupçonnée, en ne racontant pas uniquement la simple vie d’un scientifique à l’origine de la bombe atomique, mais en tentant de nous faire ressentir la vision unique de cet homme de science. La beauté visuelle avec laquelle Nolan exprime l’obsession d’Oppenheimer pour la physique quantique s’avère à la fois poétique et inquiétante, narrant l’existence d’un personnage en proie à des visions ne lui laissant pas d’autre choix que de se consacrer à explorer ce monde sub-atomique. Oppenheimer fait partie de ces êtres habités par une connaissance et une conviction les déterminant à faire basculer le monde. Des hommes ayant une perception allant bien au-delà du commun des mortels, et pouvant irrémédiablement influer sur l’axe séparant le Bien du Mal. La figure de J. Robert Oppenheimer est sans conteste l’une des plus complexes de notre Histoire.

Il fallait un acteur de la trempe de Cillian Murphy pour incarner un être aussi singulier, dont les décisions ont été capitales en influençant le cours de la Seconde Guerre Mondiale. A postériori, il est évidemment aisé de le considérer comme un tueur de masse, et je pense que mon avis personnel ne pourra pas être modifié à ce sujet. Mais il faut également prendre en compte le contexte de ces années 40 et la course à l’armement qui faisait rage avec l’Allemagne nazie, avec notamment le spectre de la création d’une bombe atomique par Hitler. Si le dictateur était capable de créer un tel engin, fallait-il ou ne fallait-il pas tenter de le devancer? Les questions morales, éthiques et scientifiques se bousculaient à cette époque-là, vue par le prisme du fléau SS qu’il fallait à tout prix exterminer. Il est très difficile de discerner aujourd’hui ce qui était nécessaire alors, car la réflexion ne pouvait pas se faire avec le même recul et que le temps manquait cruellement. Je ne suis nullement en train de cautionner des actes, mais j’ai envie de remettre du contexte afin de mieux cerner l’ensemble de la situation. Pour ma part, un tel déferlement de violence inouïe sera toujours une catastrophe innommable, mais se replacer dans le contexte d’urgence absolue de l’époque est justement ce qui permet de se rendre compte de la difficulté à envisager l’ensemble des possibilités…

J’en oublierai presque Cillian Murphy évoqué plus haut, qui une fois encore fait preuve d’une maîtrise absolue et d’un sens du jeu d’acteur exemplaire. Sa personnification intense d’Oppenheimer est certainement aidée par la direction d’acteur de Nolan, même si Murphy n’en a pas forcément besoin. Il donne corps à un homme au franc-parler dangereux en cette période de chasse aux communistes, démontrant un certain détachement vis-à-vis de l’autorité, à mettre en relation avec sa singulière vision du monde. Aux côtés de Cillian Murphy, on a un casting incroyable : Emily Blunt, Robert Downey Jr., Florence Pugh, Matt Damon, Matthew Modine, Tony Goldwyn, Kenneth Branagh, Josh Hartnett, David Dastmalchian, Casey Affleck, Rami Malek, pour terminer par Gary Oldman! On voit rarement une telle conjonction de talents, et quel plaisir de revoir Downey Jr. dans un rôle intéressant depuis la mort d’Iron Man! La façon dont il joue son personnage est très savoureuse, et on retrouve sa personnalité atypique qui permet de donner lieu à quelques belles joutes verbales. Florence Pugh est comme à chaque fois excellente, elle qui est désormais assurée d’être incontournable à Hollywood.

Je craignais un film lent et ennuyeux, j’ai été happé par un récit mené avec urgence et possédant une beauté picturale parfois discrète, parfois grandiose selon les besoins. La manière dont Nolan filme ses scènes de dialogues s’avère tout aussi travaillée que lors de séquences plus impressionnantes, et le film est traversé par ce sentiment d’urgence afin de trouver une solution pour mettre fin au conflit. Le rythme très maîtrisé du métrage va nous faire rencontrer différentes sommités du monde scientifique avec un entrain et un dynamisme contredisant ce que l’on voit majoritairement dans les biopics, et on va croiser Albert Einstein (Tom Conti), Niels Bohr (Kenneth Branagh), Werner Heisenberg (Matthias Schweighöfer), Richard Feynman (Jack Quaid), Kurt Gödel (James Urbaniak) ou encore Enrico Fermi (Danni Deferrari), à la manière d’un Avengers pour geeks scientifiques ^^

Nolan va bien évidemment traiter de l’ambitieux Projet Manhattan, avec toute la démesure et l’intensité de sa mise en place et de son processus. La création d’un village entier en plein désert de Los Alamos sera le point de départ du travail acharné d’une bande de théoriciens et de techniciens qui vont penser, élaborer et créer une bombe atomique, utilisant les propriétés des atomes comme jamais cela n’avait été fait auparavant. On sent le mélange d’excitation scientifique et de peur de l’ennemi, obligeant chacun à prendre des décisions de la manière la plus rapide possible. Dans ces circonstances difficiles, les oppositions de jugement, les rivalités et les amitiés vont s’entremêler dans un lieu uniquement dédié à l’avancée du programme, dans lequel vivent également les familles de chaque scientifique impliqué. Les vies personnelles sont inextricablement liées au devoir pour la nation, et ce fardeau va peser durant des années jusqu’à l’élaboration de la bombe.

Le savoir-faire de Nolan va culminer dans la scène du test de la fameuse bombe, qui n’est pas traité avec faste et volonté de faire dans le spectaculaire, mais qui s’avère d’autant plus impactant qu’il est réalisé avec la volonté de démontrer l’impact personnel sur chacun des protagonistes. Une fois encore, l’intelligence de Nolan au travail… De la même manière, sa façon de mettre en scène le discours d’Oppenheimer suite au largage sur Hiroshima est fait avec beaucoup de subtilité pour mettre en images la culpabilité naissante du père de la bombe. Oppenheimer est une oeuvre allant bien au-delà de l’évocation de la vie d’un homme, car il explore une page d’Histoire essentielle de notre civilisation, et il le fait de manière passionnante.

 

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Loki saison 2 (2023)

2 ans après les événements de la saison 1, on retrouve Loki poursuivant ses aventures au sein de la TVA. Pour rappel, il ne s’agit pas du personnage de Loki que l’on connaissait jusqu’à Avengers : Infinity War, puisque celui-ci mourrait dès les premières minutes du film. Dans les 2 saisons de cette série, on suit un variant du personnage provenant d’une ligne temporelle différente, visitée par Captain America dans Avengers : Endgame. Steve Rogers se retrouvait propulsé dans un monde subissant la même attaque sur New York par les Chitauris, menée par un Loki donc, qui aura la particularité de s’emparer du Cube Cosmique afin d’échapper au SHIELD. Ce Loki va donc s’amuser à se balader dans le temps, ce qui ne va pas échapper au TVA, le Tribunal des Variations Anachroniques.

Dans la saison 1, le prétentieux Dieu de la Malice tentait d’en imposer à ses geôliers, avant de prendre conscience des fractures qu’il pouvait créer dans le Multivers, et il va s’imposer peu à peu comme un élément crucial du TVA. On retrouve cette structure étrange à la fois très bureaucratique en mode Brazil, et gérant des enjeux énormes pour l’ensemble des univers. Ca fait très plaisir de se balader à nouveau dans ces couloirs et ces bureaux tentaculaires offrant une vision parfois absurde, avec des employés eux-mêmes ressemblant pour la plupart à des cadres très normaux, mis à part les gardiens s’occupant d’éradiquer les variants. Premier point très positif de cette saison, la présence de l’excellent Ke Huy Quan dans le rôle d’Ouroboros, surnommé O.B., qui est un scientifique de génie assez excentrique, et qui travaille dans son antre afin de gérer le flux temporel. Vous vous rappelez du gamin asiatique dans Indiana Jones et le Temple Maudit ou dans Les Goonies? Et bien c’est le même acteur vietnamien que vous avez pu voir plus récemment dans Everything Everywhere all at Once! Ke Huy Quan offre un dynamisme et un charisme très fort à son personnage, et il est clairement l’un des coups de coeur de cette saison 2, tout en étant primordial à l’évolution du récit.

La seconde surprise est celle de Miss Minutes, ce personnage d’animation suivant les employés du TVA, qui va prendre une réelle ampleur en s’associant notamment avec Ravonna Renslayer. On va découvrir une sorte d’intelligence artificielle qui semble être bien plus autonome que ce que l’on pouvait penser au départ, et l’épisode 3 fait partie des meilleurs de la saison, grâce en partie à Miss Minutes et à ses machinations. La voir interagir avec des personnages réels crée une sensation étrange, mais c’est tellement bien mené que ça reste très crédible et surtout passionnant! Mais l’un des personnages les plus importants du show reste sans conteste Victor Timely, teasé à la fin d’Ant-Man et la Guêpe : Quantumania, incarné par Jonathan Majors. Il s’agit d’un variant de Celui Qui Demeure, que l’on ne nomme pas encore Kang et qui siège à la Fin des Temps. La fin de saison 1 de Loki permettait de rencontrer Celui Qui Demeure pour la première fois, avec toutes les implications que cela avait sur le TVA et sa fausse mythologie. Cette année, on revient aux origines de ce variant de Kang en se focalisant sur un autre variant donc, Victor Timely, qui va développer son savoir scientifique afin de créer le Coeur Temporel permettant de gérer le flux au sein du TVA. Ce Victor Timely provient d’une branche temporelle qui à priori est la principale, mais comme il est un variant de Celui Qui Demeure, Sylvie veut à tout prix le tuer. Qui est Sylvie me direz-vous? C’est la variante féminine de Loki déjà croisée dans la saison 1 ^^ Personnellement, je n’accroche vraiment pas à son personnage dans cette saison, dont le seul but dans la vie est de bosser au McDo dans une timeline des années 80. La publicité outrancière pour l’enseigne au M jaune n’était pas forcément nécessaire ^^

Mais revenons à Jonathan Majors, qui incarne donc 2 versions de Kang dans cette saison, et qui le fait de manière magistrale. Je trouve que le grand écart qu’il opère entre Celui Qui Demeure et sa tonalité très malicieuse, et le bégaiement ainsi que l’aspect excentrique et décalé de Timely apporte beaucoup de fraîcheur et de spontanéité au show. Majors est un excellent acteur, qui se retrouve actuellement englué dans un scandale et un procès dont on attend de savoir quelles seront les conclusions. Je ne m’aventurerai pas à juger l’homme, il faut être patient et attendre que la justice explore les faits, mais je juge sa prestation très remarquable en tant qu’acteur, lui qui parvient à créer 2 personnages antinomiques et passionnants. On est loin du Maître de l’Evolution des Gardiens de la Galaxie 3 n’est-ce pas??

Tom Hiddleston apporte encore une fois une véritable spontanéité et une très grande subtilité dans son jeu, et nous entraîne dans son sillage dans cette aventure aux enjeux cosmiques en y apposant une certaine classe. L’évolution du personnage est très intéressante également, avec ce dernier épisode qui va l’obliger à effectuer certains choix difficiles. Avec Loki, on se retrouve devant la seule série passionnante du MCU, la seule qui ait le sens des enjeux majeurs et la seule qui propose une vraie vision de mise en scène, une vraie profondeur d’écriture et une vraie symbiose entre tous ces éléments. On a tout de même 2 épisodes qui peuvent parfois faire un peu de surplace (je dirai le 2 et le 5), mais l’ensemble est d’une telle maîtrise et d’une telle fluidité que l’on prend un réel plaisir à suivre cette aventure temporelle en 6 actes.

Les effets spéciaux sont très bien travaillés et permettent de visualiser de manière impressionnante ce flux temporel avec ses dangereuses excroissances, et c’est une vraie réussite de parvenir à mettre en images ce concept des plus nébuleux. Et cette fin! On atteint des niveaux que la plupart des films de ces dernières années n’offrent pas, avec une approche cosmique tellement belle et réussie! Les metteurs en scène Justin Benson et Aaron Moorhead ont travaillé sur la majeure partie de ces 6 épisodes, et on retrouve la folie créative des auteurs de The Endless, qui avaient été trop bridés sur l’horrible Moon Knight. Ca fait bien plaisir de voir leurs thématiques et celles du MCU se juxtaposer, et on sent toute la liberté qu’ils ont eu pour mettre en images ces aventures au sein du TVA.

Bref, je ne peux que vous conseiller de découvrir cette série si vous ne l’avez pas encore fait, et oubliez les 7 autres shows, ils ne sont clairement pas au niveau (même si Hawkeye restait sympathique).

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