Assassination Nation (Sam Levinson, 2018)

Il y a des films comme ça, vous ne savez pas du tout à quoi vous attendre, surtout quand vous n’avez vu ni bande-annonces ni photos ni promo. D’ailleurs c’est probablement le seul défaut de ce film, c’est qu’il n’a jamais fait parler de lui, et que j’ai découvert son existence uniquement en voyant l’affiche, à quelques semaines de sa sortie. Ne pas avoir vu sa BA a été une très bonne chose, d’ailleurs je vous encourage à zapper de plus en plus les BA, qui sont devenus de vrais nids à spoilers… Et donc je suis allé voir cet Assassination Nation sur la simple foi d’une affiche qui claque, et d’un tout début de critique afin de ne pas me faire spoiler!

Assassination Nation est un film inclassable, ce qui paradoxalement risque bien de le classer dans les très bons films ^^ Il y a des oeuvres qui méritent plusieurs visions afin de capter toutes leurs subtilités, et la première réflexion que je me suis faite au fur et à mesure du déroulement, c’est qu’il faudra absolument que je le remate en VO! Le film démarre de manière plutôt cool et fun, avec ces 4 adolescentes (de 18 ans, ça passe mieux pour la suite!) qui aiment la vie et qui sont plutôt branchées, tout en se posant des questions sur cette société et les carcans imposés. Des ados un brin rebelles donc, comme on en voit dans chaque lycée. On sent dès le début du film des influences assez flatteuses, du genre Gregg Araki et Joseph Kahn, rien que ça! Et il faut dire que la suite du métrage va donner raison à Sam Levinson dans ces filiations totalement assumées!

Le tout premier plan renvoie direct à un pan culturel horrifique classique, avec la mention de Salem (pour le nom de la ville où se passe l’action) et ce p’tit gars filmé de dos qui se balade dans la rue en tricycle comme s’il arpentait l’hôtel Overlook! Sam Levinson pose des bases geek qui donnent directement le ton, et son travelling sur cette banlieue américaine typique va poser l’ambiance. On sent qu’il est prêt à nous raconter quelque chose de costaud, et qu’il a surtout les armes pour le faire! Et en s’attelant à la fois à l’écriture et à la réalisation, il se donne les moyens d’aller jusqu’au bout de son délire, qui tombe à point nommé dans une Amérique aux prises avec, encore une fois, un puritanisme exacerbé et une hypocrisie surdéveloppée. Assassination Nation est un miroir pas si déformant que ça reflétant un malaise bien réel, et qui va ici faire imploser une petite ville tranquille d’une manière pas si irréaliste que ça…

Sam Levinson est le fils de Barry Levinson, et on a pu le voir jouer dans les films de papa comme Toys, Bandits ou Panique à Hollywood. En 2009, il a aussi participé à l’expérience Stoic d’Uwe Boll, et c’est probablement à partir de là qu’il a commencé à vriller! Il a mis en scène son premier film, Another happy Day, en 2011, puis a patienté jusqu’à aujourd’hui pour nous livrer un métrage bien énervé et qui va au-delà de la simple oeuvre anarchiste ou provocatrice. Parce que les vrais enjeux et le vrai propos du film, ce sont les dérives des réseaux sociaux, de la génération Twitter et Facebook, de ce monde de plus en plus rapide et prompt à juger aveuglément sur la simple base de la « vérité » informatisée. Quand un hacker commence à révéler la vie secrète des habitants de Salem, en dévoilant le contenu des ordinateurs, la liste des SMS, les photos échangées, ça va commencer à salement sentir mauvais pour pas mal de monde. Parce que des secrets, tout le monde en a, mais quand ça remonte à la surface, ça peut faire très mal…

Sam Levinson réalise une oeuvre totalement contemporaine, qui va mettre en lumière ce mal moderne pernicieux et mondial, qui s’insinue à travers les écrans de nos portables et autres ordinateurs. Une sorte de Black Mirror en plus pêchu et plus badass, censé nous confronter à notre propre hypocrisie vis-à-vis de nos prises de position et de nos choix trop rapidement effectués sur de simples conjectures. Sa manière de lire un fait de plusieurs manières est très puissante, et quand on assiste à l’humiliation d’un individu dont le contenu informatique a été dévoilé, on se prend à rigoler avec ceux qui découvrent ça, parce que c’est fun sur le moment. Mais quand on a la caméra qui se pose sur l’individu en question dont la vie est irrémédiablement gâchée, on sent d’un coup toute l’angoisse et le mal-être qu’il ressent, et c’est soudainement bien moins drôle et fun…

Assassination Nation, c’est une extériorisation de ce mode de vie pernicieux et destructeur qui se loge dans des outils pourtant révolutionnaires et qui peuvent s’avérer autrement très utiles. Assassination Nation, c’est une exploration de ces dérives sociétales qui nous rendent addict à des outils qui deviennent trop souvent bien plus importants que les messages qu’ils permettent de véhiculer. Au moment où j’écris ces lignes, il est 23h14, et je suis bien addict de mon ordi portable, qui m’est toutefois utile pour partager cette expérience avec vous, dès demain quand je mettrai mon article en ligne. Et je sais que je regarderai plusieurs fois dans la journée pour savoir combien de personnes ont cliqué sur le lien, combien ont lu l’article, liké la publication, mis un commentaire… Parce que je suis aussi addict et dépendant de ce blog, qui me donne l’impression d’avoir une certaine légitimité et une petite importance. C’est le principe de tous ces réseaux sociaux, et je n’y échappe certainement pas ^^

J’évoquais Araki pour le côté The Doom Generation et Nowhere, parce qu’on sent que la vision désabusée sur l’adolescence de Levinson est un héritage de ces films cultes. Le côté girl power flashy renvoie directement à Araki, et la poésie tragique également! Je parlais de Joseph Kahn pour l’aspect Detention du film, ce chef-d’oeuvre mésestimé qu’il me faudra au moins voir 20 fois avant d’en saisir toutes les subtilités. La construction chaotique d’Assassination Nation obéit à une sorte de logique complètement vrillée qui ne déplairait certainement pas à Kahn, et je pense qu’il faudra quelques visions supplémentaires pour tout comprendre… On a aussi un bon côté American Nightmare, avec cette folie destructrice qui s’empare de la ville! Formellement, Sam Levinson nous sert une oeuvre atypique, qui semble parfois sous substance, comme lors du découpage en 3 plans de la soirée, sacrément immersif; ou qui d’un coup sans prévenir nous balance un putain de plan-séquence sacrément bien torché! Il y a dans ce film une symbiose impressionnante entre la mise en scène et la construction sonore, avec une utilisation de la musique savamment dosée. D’ailleurs les compositions signées Ian Hultquist s’avèrent très immersives, et enrichissent parfaitement l’univers visuel de Levinson.

On navigue entre des moments fun et drôles, des instants soudainement tragiques, des éclats de violence et de gore, des parties où l’émotion surgit brièvement… Assassination Nation est constitué de tous ces aspects qui composent l’esprit de l’être humain, comme si on explorait la cervelle de l’Américain moyen pour y extraire l’ensemble de ses rêves, de ses désirs, de ses pulsions et de ses peurs pour les exposer sur la pellicule à grands coups de chevrotine, de sourires, de rouge qui tâche et d’yeux prêts à pleurer. Les mensonges d’une Amérique bien propre sur soi (d’ailleurs le propos peut être étendu à de nombreux autres pays, dont le nôtre), calfeutrée dans sa bien-séance à base de moralité trop rigide, et l’explosion des rancoeurs et des maux qui gangrènent cette société, tel est le propos d’Assassination Nation, qui est une bonne grosse claque dans la gueule d’un monde dont le puritanisme a totalement dévié, jusqu’à en devenir une parodie abjecte… Le drapeau étoilé en prend pour son grade…

Odessa Young (High Life), Hari Nef (Transparent), Suki Waterhouse (The bad Batch) et Abra (une chanteuse RnB dont il s’agit du 1er film) incarnent ces 4 grains de sable qui vont gripper le mécanisme d’auto-défense d’une ville prête à tout pour conserver ses valeurs si estimées intactes. Elles vont être la réponse à ce mal qui se propage, tout en en étant elles-mêmes issues et en parties responsables. C’est justement là que le propos s’avère juste, puisque cette moralité que Salem veut à tout prix conserver a depuis longtemps volé en éclat, et que cette course absurde et mortelle n’est qu’un déni de cette folie humaine existant en chaque individu. Sam Levinson va nous livrer une oeuvre azimutée, punchy et badass, tout en posant un vrai questionnement sur ce qu’est devenue cette société. Et putain, c’est vrai que c’est pas forcément beau. Mais au moins, il y a encore des gens pour frapper intelligemment!!!

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L’Exorcisme de Hannah Grace (Diederik Van Rooijen, 2018)

On a eu L’Exorcisme d’Emily Rose en 2005, L’Exorcisme en 2010, Le dernier Exorcisme en 2010, Le dernier Exorcisme Part II en 2013 (c’était donc pas vraiment le dernier!!!…), The Vatican Exorcisms en 2013, An Irish Exorcism en 2013, The Exorcism of Molly Hartley en 2015, The Ouija Exorcism en 2015, The Exorcism of Anna Ecklund en 2016, American Exorcism en 2017, Amityville Exorcism en 2017, Ruqyah : the Exorcism en 2017, Exorcism of the Dead en 2017 également, Exorcism at 60,000 Feet en 2018 (un exorcisme en avion, tout un programme!)… Et la liste est encore trèèèès longue… Tout ça pour dire que les exorcismes sont une pratique bien plus courante qu’on ne croit, surtout au cinéma.

Et donc voilà que débarque L’Exorcisme de Hannah Grace (on dit « de Hanna » ou « d’Hannah »? Ca m’a pas mal perturbé j’avoue…), énième tentative de surfer sur la vague du succès de L’Exorciste, qui accuse quand même ses 45 années (il est sorti en 1973 pour les non matheux)! Je n’avais vu aucune bande-annonce et aucune photo de ce film, mais l’affiche bien glauque m’a donné envie de tenter l’expérience. Et bien m’en a pris, parce qu’il s’avère que c’est une série B plutôt bien troussée!

On commence par une scène classique d’exorcisme, avec jeune femme possédée et prêtres essayant d’expulser le démon. On est donc direct dans le feu de l’action, et le résultat s’avère d’entrée de jeu assez violent. Mais passée cette intro morbide, voilà qu’on va basculer vers tout autre chose, avec une jeune femme qui commence un nouveau travail dans un hôpital de Boston. Elle est chargée de s’occuper de la morgue durant la nuit, en réalisant de la paperasse, des réceptions de colis (humains donc), des identifications et un peu de rangement. Un petit boulot de manutentionnaire sans histoires donc, sauf que le spectateur sortirait bien vite de la salle s’il ne se passait rien! Et ce qui fonctionne plutôt bien dès le départ avec ce film, c’est qu’on va rapidement baigner dans un stress communicatif, et que la mise en scène prend un soin particulier à nous maintenir dans cet état. On se demande pendant un moment quel lien il va y avoir avec le début du film, ce qui là encore est intéressant.

Le metteur en scène néerlandais Diederik Van Rooijen prend bien le temps de nous immerger dans ce sous-sol aseptisé constituant la morgue de l’hôpital, et c’est grâce à ses petites attentions que l’on sent le niveau de stress grimper. Le coup des lumières à détecteur de mouvement, l’alarme pour annoncer l’arrivée d’une ambulance, le sèche-mains des toilettes qui se met en route… Van Rooijen va jouer avec nos perceptions sensorielles et va composer quelques schémas flippants intéressants, et on va suivre cette nouvelle arrivante dans ce job qui va être nettement moins tranquille que ce qu’elle croyait. Van Rooijen va jouer avec l’architecture des lieux afin d’offrir des angles de vue permettant de jouer avec l’arrière-plan ou le hors-champ, et il va composer des cadres intéressants en jouant également avec les zones d’ombre et les éclairages. Les différentes parties de couloirs plus ou moins éclairées vont être de belles sources de tension, surtout quand l’éclairage se fait vacillant…

On est dans un croisement entre le Veilleur de Nuit (la version de 1994 ou de 1997) d’Ole Bornedal et The Jane Doe Identity, avec une identité plus prononcée je trouve que le film d’Andre Ovredal. On se retrouve dans un film d’exorcisme qui se démarque vraiment du schéma classique (que l’on retrouve du coup dans l’intro), pour aller dans une direction plus moderne et high-tech. Ici, pas de plancher qui grince ou de chambre poussiéreuse, les événements vont se dérouler dans un cadre normalement neutre, mais qui va finalement réussir à faire surgir l’angoisse. Ce principe, déjà appliqué dans The Jane Doe Identity, est encore plus immersif dans ce film.

Le personnage incarné par Shay Mitchell (Pretty little Liars) est plutôt intéressant, avec la fragilité et le trauma habituels de ce genre de production, mais qui sont traités avec soin au niveau de l’écriture. Il faut dire que le scénariste Brian Sieve est un habitué du genre, puisqu’on lui doit les scripts de Boogeyman 2, Boogeyman 3 – le dernier Cauchemar, un épisode de Teen Wolf, 13 de la série Scream, et qu’il planche actuellement sur The Exorcism at Lincoln High! Il connaît son métier, et je trouve qu’il développe des situations certes classiques mais traitées avec une sorte d’épure intéressante. L’unité de lieu, la nuit constante et le calme apparent de l’endroit vont nourrir le stress du spectateur, et les apparitions vont graduellement prendre de l’importance. L’Exorcisme de Hanna Grace est une bonne petite surprise dans le genre, certes pas un film qui va révolutionner l’horreur, mais une de ces oeuvres qui fonctionnent mieux que ce que l’on pouvait croire au début, et qui s’avère être un très bon moment d’angoisse!

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Le clip de la semaine : Ubikar feat. Legion of Goon – Shake out

Crédit photo : Morgane Brauwier

Je vous parle régulièrement des Lyonnais d’Ubikar, parce que leur son electro-rock vaut vraiment le détour! Suite à la sortie de leur 3ème album Veld en mai 2018, ils se sont lancés dans le tournage d’un clip pour leur morceau Shake out, une proposition bien énergisante destinée à expulser ses propres démons intérieurs! Ils se sont alliés aux rappeurs de Legion of Goon, qui viennent poser leurs voix avec classe sur ce titre! C’est encore une fois l’excellent Rémy Boudet qui emballe le tout visuellement, et le résultat est bien envoûtant! 🙂

 

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La Nonne (Corin Hardy, 2018)

Le Conjuring-Verse a une particularité spécifique, c’est de proposer des spin-off finalement plus intéressants que la saga principale! Après un sympathique mais pas fou Conjuring : les Dossiers Warren, Annabelle m’avait très agréablement surpris par son ambiance et la mise en scène de John R. Leonetti (je dois être le seul, le film a été largement décrié). On a ensuite eu droit à un Conjuring 2 : le Cas Enfield, toujours signé par James Wan et toujours sympa mais pas ouf, et à un Annabelle 2 : la Création du Mal par David F. Sandberg, sympa mais pas vous savez quoi. La Nonne est déjà le 5ème film de cette franchise bien lucrative, et va à nouveau élever le niveau grâce à une orientation très film d’horreur à l’ancienne, qui va beaucoup miser sur son atmosphère. Corin Hardy nous livre sa seconde partition horrifique après Le Sanctuaire, et fait preuve d’un goût certain pour les films de la Hammer et autres anciennes joyeusetés!

La Nonne va en effet privilégier une ambiance qui tend vers le gothique, avec cette incursion dans un couvent perdu au fin fond de la Roumanie dans les années 50. Il y a un vrai travail dans la visualisation de cette immense bâtisse bien lugubre, et Hardy va s’appuyer sur un scénario à la fois classique et prenant signé James Wan et Gary Dauberman. On va dès lors plonger dans le récit inquiétant de ce démon prêt à surgir en ce lieu maléfique, et on va assister à une véritable lutte entre le Bien et le Mal au sein de cette abbaye monumentale. Les religieuses qui y vivent prient sans interruption depuis des siècles afin de s’assurer que le démon ne puisse pas s’échapper, et la prière prend dans ce film tout son véritable sens, puisqu’elle est réellement un outil destiné à contrer le Mal!

Une petite curiosité intéressante au niveau du casting, c’est le choix de prendre pour actrice principale Taissa Farmiga, qui n’est autre que la petite soeur de Vera Farmiga, alias Lorraine Warren dans les films Conjuring! Taissa n’en est pas à son coup d’essai en matière horrifique, puisqu’elle joue depuis 7 ans dans la série American Horror Story! Elle campe Soeur Irene, une jeune femme sur le point de prononcer ses voeux, et qui va devoir partir en Roumanie avec le Père Burke afin d’enquêter sur le suicide d’une religieuse. C’est Demian Bichir (Machete kills, Les huit Salopards) qui incarne le Père Burke, et la relation protectrice qu’il a envers Soeur Irène est touchante. Les 2 vont devoir s’aider mutuellement afin de comprendre les mystérieux événements se déroulant dans ce sanctuaire, et le danger va très rapidement surgir pour chacun. L’acteur belge Jonas Bloquet va incarner un Canadien qui se dit Français, et surnommé Frenchie! ^^ Il ajoute un brin de légèreté à une histoire pesante et qui fonctionne plutôt bien! L’atmosphère envoûtante et inquiétante s’avère très réussie, et la mise en scène des éléments surnaturels est faite avec beaucoup de soin.

On va avoir droit à des situations stressantes, avec 2-3 jump scares mais surtout des apparitions bien réussies de la fameuse Nonne, et on se retrouve, toutes proportions gardées, dans une configuration qui lorgne davantage vers l’excellent La Dame en Noir que vers un Conjuring classique. Corin Hardy joue avec sa profondeur de champ et avec les hors-champ pour faire monter le stress, et on se prend agréablement au jeu grâce à cette ambiance old school et à une vraie volonté de donner une consistance au bâtiment lui-même. Soeur Irène et le Père Burke se retrouvent à des milliers de kilomètres de chez eux, dans une zone totalement isolée de la Roumanie profonde, dans un immense couvent entouré d’une forêt lugubre et bordé par un vieux cimetière bien glauque… L’imagerie est très belle et renvoie à tout un pan du cinéma d’horreur classique, et on sent que le traitement est fait avec tout le respect dû à ces anciennes oeuvres.

Corin Hardy nous livre un vrai bon film baignant dans une atmosphère horrifique qui fonctionne, et ça fait bien plaisir quand on voit la majeure partie des productions fainéantes du genre! Je vous conseille d’y jeter un oeil!

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Marche ou crève (Stephen King, 1979)

Dans mes souvenirs, tous les bouquins de Stephen King que j’avais lu gamin et ado étaient palpitants, offrant des atmosphères différentes mais toujours captivantes. La relecture de ces oeuvres apporte aujourd’hui un regard différent, et ce Marche ou crève est certainement celui que j’ai eu le plus de mal à terminer. Dans mon souvenir, l’histoire de ces jeunes obligés de marcher sans s’arrêter sous peine de se prendre une balle dans la tête était énorme, mais il faut bien avouer qu’elle s’avère finalement totalement dénuée d’intérêt.

Passée l’exposition qui présente le contexte de ce futur proche, et de cette course très spéciale où 100 jeunes volontaires se lancent sur la route en sachant exactement ce qui risque de leur arriver, il n’y a strictement rien à se mettre sous la dent dans ce roman. King l’a écrit sous le pseudonyme de Richard Bachman, ce qui lui permettait de livrer des oeuvres supplémentaires, vu qu’à l’époque les termes éditoriaux n’autorisaient qu’un roman annuel par auteur. Sous ce pseudo, il nous avait offert un excellent Rage 2 ans auparavant, mais il semble avoir perdu toute son inspiration depuis! Si le contexte est plutôt intéressant, avec cette sorte de Battle Royale détournée, le bouquin s’avère totalement vide et creux…

La faute à des personnages sans aucun relief, à commencer par Garraty, l’ado au centre du bouquin. On ne sait pas pourquoi il a accepté de participer à cette course qui a tout du suicide collectif, il n’a pas de personnalité spéciale, et on ne s’intéresse finalement pas à ses états d’âme. Pareil pour quasiment tous les jeunes participants, qui ne sont que des archétypes sans relief. On a celui qui critique tout le monde, celui qui est sympa avec tous, le gars qui semble savoir des choses que les autres ne savent pas, celui qui déconne tout le temps… De simples artefacts sans visage et sans âme, qui sillonnent la route sans vraiment savoir pourquoi. On se demande toujours pourquoi les jeunes s’inscrivent chaque année à cette course, sachant qu’ils n’ont quasiment aucune chance de gagner. Et quand on sait qu’ils sont 100 et que 99 vont se prendre une balle dans la tête, ça donne plutôt envie de regarder Hanouna à la télé avec une bière non?

Mis à part les dénivelés de la route, le chemin est très long et monotone pour les marcheurs comme pour le lecteur… L’encéphalogramme du récit est d’un plat alarmant, et on a connu King nettement plus enthousiasmant! Marche ou crève est une sorte d’allégorie d’une jeunesse perdue sacrifiée par la société, mais cela ne fonctionne même pas à partir du moment où ils sont volontaires pour cette course… Je pense que quand je relirai Running Man, ça aura plus d’impact car le personnage principal est obligé de participer à ce jeu. Ca aurait été autrement plus intéressant si les ados avaient été forcé de faire cette course débile…

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