La série de Charlie Brooker s’est rapidement imposée comme une proposition ultra-inventive la plaçant dans la droite lignée des récits de Rod Serling! On trouvera en effet de très nombreuses similitudes avec La Quatrième Dimension, notamment dans l’aspect souvent sans concessions des récits présentés, et l’aspect anthologique s’avère très intéressant, surtout dans cette approche très moderne sur les réseaux de communication. Black Mirror est une extrapolation de toutes les peurs liées aux évolutions technologiques, et l’acuité du regard de Brooker est très pertinente, nous conviant à des histoires dans lesquelles l’humour n’est pas totalement absent, mais qui s’avèrent la plupart du temps très sombres…
Si la saison 3 recelait 2 épisodes parmi les moins intéressants de la série, elle restait néanmoins d’un très bon niveau grâce aux 4 autres. Cette saison 4 se présente bien différemment, puisqu’un seul épisode s’avère vraiment prenant, tandis que les 5 autres sont intéressants, mais ne sont pas dingues non plus… On commence donc avec le délirant USS Callister signé Toby Haynes, qui a notamment bossé sur Doctor Who, et qui nous livre une relecture de Star Trek des plus réjouissantes! Enfin réjouissant, le mot est peut-être balancé un peu vite, mais l’évolution de cet épisode s’avère vraiment captivant! L’hommage à Gene Roddenberry est excellent, mais on ne va pas en rester là, et Haynes va explorer une technologie moderne qui fait froid dans le dos, et l’humour va soudain faire place à quelque chose de bien flippant… La tenue de cet épisode est exemplaire, et Jesse Plemons est vraiment bon dans son rôle! La gradation est parfaitement maîtrisée, et on assiste à un space opera dont les répercussions sont très importantes, et qui visuellement nous balance dans un univers chaudement old school des plus réussis! La réflexion sur les réalités virtuelles est très profonde et complexe!
On a beaucoup parlé de l’épisode Arkangel car Jodie Foster l’a mis en scène, mais personnellement je ne le trouve pas plus captivant qu’un autre. Le récit est intéressant, avec là encore une approche très précise des innovations technologiques, mais après 3 saisons à explorer ce domaine, on sent que ça tourne un peu en rond… Le concept est certes intéressant avec ce système permettant de surveiller les enfants à distance, et qui est là pour rassurer les parents et sécuriser les jeunes. Mais quand les jeunes grandissent, cela peut se retourner contre eux… Il y a de quoi alimenter les débats sur la sécurité et sur l’aspect Big Brother que représente la technologie Arkangel, mais c’est quelque chose qu’on a déjà pu voir auparavant dans des saisons précédentes, et en plus percutant… L’analyse sur le choix de masquer la violence du monde aux enfants est pertinente, et est bien retranscrite visuellement…
Crocodile propose là encore un concept très intéressant, à savoir une machine capable de faire resurgir les souvenirs des gens pour les besoins d’une enquête. Mais au-delà de ça, il s’agit d’un récit sacrément étouffant et sans concessions, que John Hillcoat gère avec sa radicalité coutumière (il a quand même réalisé La Route, qui est loin d’être joyeux), et qui enferme véritablement le spectateur dans une ambiance des plus glauques. Alors oui ça reste intéressant, mais ça fait du bien quand on arrive au terme de l’épisode et qu’on peut reprendre sa respiration… Je ne suis pas spécialement fan des ambiances anxiogènes à ce point, et même si je reconnais le travail intransigeant d’Hillcoat, ça n’est pas ce que je préfère…
Hang the DJ va offrir une vision innovante des speed dating, avec une appli révolutionnaire qui va permettre de trouver le partenaire idéal à 99,8 %, ce qui est plutôt encourageant! Là encore, le récit se suit agréablement, mais offre quelques moments répétitifs, tout en nous donnant quelques notes d’émotions bienvenues. Le concept est intéressant, mais aurait pu s’avérer bien plus intense, et Timothy Van Patten (à qui l’on doit quelques épisodes des Soprano ou de The Boardwalk Empire) emballe le tout avec une belle forme. Mais le récit aurait pu être encore plus captivant…
Metalhead va offrir un constat similaire à la plupart des épisodes de cette saison, avec un récit sympathique, mais qui n’entraîne pas davantage… Ce post-apo avec robots tueurs démarrait plutôt bien, avec une belle colorisation en noir et blanc, mais l’histoire stagne un peu, et reste au final assez classique dans le genre. David Slade (Hard Candy, 30 Jours de Nuit) gère sa partition de manière efficace, mais ça ne va pas plus loin.
On termine avec Black Museum, qui est presque une anthologie à lui tout seul, puisqu’il va nous balancer plusieurs récits interconnectés relatant des avancées technologiques révolutionnaires. Le transfert d’âme est un concept très intéressant, qui va devenir un vrai cauchemar pour la personne transférée… Charlie Brooker joue avec la notion d’esprit et de ce qui fait la personne, pour nous livrer une histoire très sombre à travers les différents éléments de ce musée paumé… On rejoint une certaine radicalité que l’on a pu avoir dans l’épisode Crocodile, et qui donne une dimension infernale à ce Black Museum, avec une approche résolument sans concessions. Là encore, certains crieront au génie, perso je ne suis pas trop friand de ces ambiances extrêmes, mais Colm McCarthy (The last Girl – celle qui a tous les Dons) nous livre un épisode intéressant et qui va questionner les notions d’humanité et de conscience avec un regard innovant, celui de Charlie Brooker, qui a oeuvré sur tous les scénarii. Espérons que la salve de 2018 soit plus enthousiasmante, mais celle de 2017 reste toutefois à voir.