Annabelle (John R. Leonetti, 2014)

Il était difficile de croire en un projet aussi opportuniste que celui-ci; après le succès du sympathique mais surestimé Conjuring: les Dossiers Warren, les producteurs se sont empressés de mettre en chantier un spin-off consacré à Annabelle, une poupée maléfique que l’on aperçoit brièvement dans le film de James Wan. Mais parfois, l’aspect purement commercial que revêt un film cède la place à une bonne surprise qualitative, comme c’est le cas de ce 3ème long métrage de John R. Leonetti.

Leonetti a commencé sa carrière en tant qu’assistant cameraman sur des films divers et variés comme Poltergeist, Commando, Action Jackson ou 48 Heures de plus. En parallèle, il est devenu directeur de la photographie et a oeuvré là encore dans des registres différents: Chucky 3, Hot Shots! 2, The Mask… Il a préalablement travaillé avec James Wan sur Dead Silence, Death Sentence, Insidious, Conjuring: les Dossiers Warren et Insidious: Chapitre 2. Un fidèle de longue date et qui possède une solide expérience du film de genre, ce qui est plutôt approprié pour ce spin-off.

Je ne suis pas spécialement fan de James Wan, dont je trouve les films sympathiques mais incomplets. Il a une très belle manière de filmer, mais il manque une solidité dans le fond de ces récits, qui finissent souvent par tourner au grand-guignol. L’exemple le plus frappant est Insidious avec sa caractérisation malheureusement ridicule du démon… Mais John R. Leonetti apporte le supplément d’âme qui manquait dans ces récits macabres, et son Annabelle étonne par ses qualités narratives et visuelles. En s’appuyant sur un bon script signé Gary Dauberman, Leonetti surprend avec la force des liens existant entre les protagonistes; le couple joué par Annabelle Wallis (ça ne s’invente pas) et Ward Horton est réaliste et touchant, leurs doutes et leurs espoirs sont crédibles, et leur affection est belle. Il y a une réelle volonté de proposer des personnages non pas complexes, mais représentatifs d’un couple normal avec ses aspirations, ses joies et ses peines. Les seconds rôles s’avèrent tout aussi intéressant, comme le père Perez joué par Tony Amendola (Continuum) ou Evelyn interprétée par Alfre Woodard, dont l’histoire est elle aussi très touchante.

Leonetti nous plonge dans l’Amérique des années 70 alors en pleine mutation sociale, avec en toile de fond l’apparition des la tristement célèbre « Famille » de Charles Manson. La réappropriation de la secte dans le scénario est très subtile, et d’autant plus habile qu’elle rajoute une couche de véracité à l’ensemble, et ce de manière très troublante et flippante. La simple figure symbolique du Mal que représente la poupée Annabelle devient très inquiétante, et le réalisateur joue intelligemment sur l’angoisse et le suspense. La peur qu’il instille n’est pas toujours là où on l’attend, et il surprend en modifiant les codes auxquels on est habitué depuis des décennies. Il ne révolutionne certes pas le genre, mais appose par touches subtiles sa patte à un film qui mêle élégance et peur d’une très belle manière, avec évidemment un très beau travail sur la lumière.

On navigue aux frontières du récit de possession, de maison hantée et de satanisme avec ce couple sans histoire qui attend un enfant, et qui souhaite comme tout bon parent l’élever le mieux possible. Les détails insignifiants vont se muer peu à peu en événements de plus en plus terrifiants dans la vie des parents, et surtout de la mère, qui semble presque au bord de la folie. Mais John R. Leonetti nous donne quelques références à Rosemary’s Baby sans pour autant verser dans la même veine, et il parvient à ne pas tomber dans l’excès en jouant constamment sur les liens unissant le couple. John ne remet pas en doute ce que Mia croit avoir vu, et il reste toujours un soutien solide pour elle. La plupart du temps dans ce type de films, l’un des protagonistes est toujours perçu comme en train de perdre la raison, et c’est intéressant de ne pas aller vers cette voie trop simpliste.

L’expérience de Leonetti dans la photographie renforce évidemment la qualité de l’atmosphère macabre du film, et Annabelle s’avère être une belle réussite dans le genre. Difficile de croire qu’un simple spin-off puisse surpasser l’original, mais je suis de cet avis sur ce coup-là!

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2 réponses à Annabelle (John R. Leonetti, 2014)

  1. Seb dit :

    Ah merde, sérieusement…j’ai vraiment trouvé ça hyper mauvais, c’est la poupée et rien autour. Bon après j’adore James Wan et le classisme neurasthénique de la réal de John R n’est pas ma tasse de thé. Mais Wade tout de même le scénario….y’a rien a se mettre sous la dent…dans le genre petit film d’horreur je te conseille Oculus à mille coudées au dessus d’Annabelle et bien plus flippant.

  2. Wade Wilson dit :

    Ben je sais pas mais moi ça m’a fait flipper, et j’ai adhéré quoi! 😉 L’idée d’incorporer la Famille Manson est vraiment cool, et le classicisme de Leonetti fonctionne! Par contre je te conseille absolument (si tu l’as pas déjà vu) The Guest d’Adam Wingard!!! C’est dans un autre genre, le thriller, mais c’est une bombe atomique!!!

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