Les news de la semaine : Marvel Spotlight

En novembre 1971, Marvel lançait sa ligne Marvel Spotlight, qui comme son nom l’indiquait, mettait sous les lumières des projecteurs un personnage peu connu, afin de tester sa popularité et d’estimer si une série régulière pourrait suivre. Le tout premier personnage à tenter sa chance est Red Wolf, un super-héros indien apparu auparavant dans les pages d’Avengers 80. Plusieurs personnages vont ainsi bénéficier de cette mise sous projecteurs, comme Werewolf by Night, Ghost Rider, Son of Satan, Namor, Moon Knight, Nick Fury, Spider-Woman ou encore Deathlok.

Aujourd’hui, c’est Marvel Studios qui remet au goût du jour le terme de Marvel Spotlight, en l’utilisant pour mettre en lumière la prochaine série Echo, centrée sur le personnage déjà apparu dans la saison 1 d’Hawkeye. Le choix de ce label afin d’accompagner cette série peut sembler anodin, mais pourrait être bien plus qu’un simple effet d’annonce. En effet, Echo aura la particularité d’être la première série issue de Marvel Studios à être classée TV-MA, signifiant qu’elle est destinée à un public adulte. Et pour un personnage issu de la mythologie de Daredevil, le pas est rapidement franchi pour faire le parallèle avec les propositions que nous faisaient Netflix au temps béni de Daredevil et The Punisher.

L’ère Netflix était relativement déconnectée des aventures plus colorées des Avengers, se concentrant davantage sur un aspect très urbain et résolument sombre. Brad Winderbaum, directeur du département streaming chez Marvel, explique que ce label fera office de « plateforme pour amener à l’écran des récits plus terre-à-terre, menés par les personnages, et dans le cas d’Echo, qui se concentrent sur des héros street-level par opposition à la continuité plus vaste du MCU« . On sent bien une similitude avec l’époque bénie de la chaîne qui fait tou-doum!

Et pour boucler la boucle, alors que Red Wolf initiait le label en mode comics, ce sera Maya Lopez (Echo donc), elle aussi d’origine indienne, qui assurera les débuts de Marvel Spotlight pour le petit écran! Les pères de Red Wolf et de Maya sont tous deux Cheyennes 😉

Et je vous mets la bande-annonce juste ici :

 

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Gen V saison 1 (2023)

Ayant dévoré une bonne partie des comics The Boys de Garth Ennis et Darrick Robertson, j’attendais avec impatience la sortie de la série homonyme d’Eric Kripke. Je n’y ai jamais retrouvé la folie créative et l’indécence libertaire du matériau de papier, et j’ai lâché au bout de 2 saisons tant c’était d’un ennui mortel. La première saison parvenait tout juste à donner illusion, mais la multiplication des édulcorations (coucou Boudin d’Amour, coucou Terreur!) achevait le constat d’une adaptation clairement ratée, malgré le cabotinage de ce bon vieux Anthony Starr.

Voilà qu’entre les saisons 3 et 4 de la série-mère, débarque la petite dernière qui se contre sur l’Université Godolkin. Nommée Gen V en référence à la génération du Composé V, elle souhaite attirer un nouveau public dans l’univers de The Boys. La cible est clairement adolescente avec des récits se déroulant à la fac, mais l’approche sanglante et violente reste la même que pour The Boys. On se rappelle les excellents épisodes d’Ennis prenant place chez Godolkin, qui parodiaient avec classe et efficacité les X-Men, dans un mélange d’humour noir et de fureur dévastatrice. Et ici, on va faire le même constat que pour la série The Boys, à savoir une première saison posant des bases sympathiques, mais qui joue sur son ambition de durée pour masquer ses faiblesses.

Tout commence pourtant très fort avec l’introduction du personnage de Marie Moreau, qui sera l’élément central du show. Une séquence à forte dose d’hémoglobine et d’émotion qui va placer d’entrée de jeu des enjeux forts, même si classiques pour un personnage à super-pouvoirs. La mise en scène de cette entame s’avère très soignée, et on se prend à rêver d’une série qui pourrait enfin tenir la comparaison avec les comics. On va avancer pendant plusieurs épisodes avec un développement intéressant au niveau de l’intrigue et de la découverte des personnages, même si on sent qu’il y a quelques éléments gênants aux entournures. Ca semble bien frais, ça envoie de temps en temps et les acteurs se prennent globalement au jeu.

On est dans une ère inclusive, donc on va y aller franco avec un personnage capable de changer de sexe, et ce/cette Jordan s’avère dès le début intéressant avec cette capacité de se métamorphoser. On se dit qu’on tient enfin un personnage transgenre intéressant, mais il va rapidement se redéfinir par sa seule fonction au lieu de poursuivre le développement de son histoire. Jordan est représentatif du sacrifice qui est fait aux personnages que l’on veut créer pour surfer sur la vague de la tolérance à outrance, et qui se vautre parce que l’intérêt qu’il avait au départ est juste laissé de côté par des auteurs qui se disent que son statut de transgenre sera suffisant. Ben non, qu’il soit transgenre, homo ou hétéro, l’intérêt d’un personnage résidera toujours dans sa psychologie, ses interactions et ses choix. Limiter un perso à son statut ou à sa sexualité a toujours été réducteur, et ça l’est encore à l’heure de l’inclusion à tout prix.

On a un casting qui fonctionne globalement bien, avec dès le départ une mention pour Lizze Broadway qui campe un perso vraiment intéressant, Emma. Celle-ci est capable de rétrécir, et quand on voit ce qu’elle doit faire pour cela, ça pose un questionnement réel sur un problème touchant malheureusement trop d’adolescentes. Lizze Broadway apporte une vraie énergie à son personnage, et pose de véritables questions sur les sacrifices à faire pour gagner un peu de popularité, quitte à mettre sa santé en danger. Globalement, ce sujet est très bien traité au début de la série, avec cette recherche perpétuelle du buzz de la part de certains étudiants, et le classement effectué par Vought sur ses élèves. Même si la notoriété via les réseaux sociaux n’est pas une nouveauté, et que Black Mirror a déjà tout dit là-dessus, ça n’empêche pas cette série de poser des questions pertinentes et de les traiter efficacement. Mais là encore, tout ce qui est mis en place va peu à peu être laissé de côté pour se concentrer sur l’élément central du show, à savoir ce qui se passe réellement dans cette école.

On va donc glisser de la parodie sanguinolente et osée à un script bien plus convenu à base d’expérimentations interdites et de contrôle des êtres à pouvoirs, dans un esprit forcément 1984 et Mengélé. Le soufflé retombe pas mal avec cette approche plus classique et moins impactante émotionnellement, même si les effets visuels sont encore bien fait et que la facture de l’ensemble reste correcte. Mais pour une série qui se voulait la petite soeur impertinente d’un show déjà bien essoufflé, ça reste finalement très gentil… Ca se regarde jusqu’au bout sans problème, mais c’est clair que je n’enquillerai pas sur la saison 2, surtout avec un cliffhanger de fin aussi pourri… Les producteurs jouent une fois encore sur le long terme, et au lieu de résoudre une intrigue en fin de saison, ils préfèrent laisser les personnages dans une situation qui doit donner envie de poursuivre la série. Sauf qu’à force de voir ça dans toutes les séries et même dans les films (coucou Fast & Furious X, coucou Mission : Impossible – Dead Reckoning, Partie 1), ça fait l’effet inverse et j’abandonnerai sans problème ces étudiants à leurs soucis.

Une fois encore, Gen V manque cruellement de profondeur et de la patte Garth Ennis, ce qui faisait la folie des comics The Boys. On est dans une université, et on n’assiste quasiment à aucun cours, on ne voit presque aucunes interactions entre des groupes d’étudiants, et au final on ne va suivre que les 6 personnages principaux dans leur vie en-dehors de tout ce qui fait la vie d’un étudiant. Pourquoi on n’assiste pas à des cours où ils apprennent à utiliser leurs pouvoirs? Ou à des fêtes étudiantes en mode Herogasm? Malgré une propension certaine à balancer du sang, l’ensemble reste encore très sage et très conventionnel pour une adaptation de Garth Ennis…

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Le clip de la semaine : Franjo – Israël ou Plaestine?

C’est lorsqu’il ose s’attaquer à un sujet hautement sensible que l’on peut apprécier les qualités d’un véritable humoriste. Le conflit israélo-palestinien est le point de focalisation de la majorité des médias, et c’était sacrément gonflé de sortir un sketch sur le drame actuellement en train de se jouer au Proche-Orient. Avec la subtilité qu’on lui connaît, et qui étonne pourtant encore, Franjo va nous faire un cours de géopolitique sans avoir l’air d’y toucher, en mêlant absurdité et humanisme dans un numéro d’équilibriste des plus difficiles, et il s’en sort à merveille. Franjo nous lâche quelques perles bien senties, et bien osées aussi, en justifiant l’instant d’après ces quelques traits d’humour qui chez un autre auraient pu très mal passer. C’est écrit avec beaucoup de finesse, pour au final donner à réfléchir sur ce besoin permanent de toujours donner son avis sur tout, surtout quand on y connaît rien, ce qui est l’apanage des réseaux sociaux… Et il fait preuve d’un bel humanisme se cachant derrière cet humour.

 

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Les sorties cinéma 2024

Bon, évidemment en m’attelant à ce planning 2024, avec la grève des acteurs qui n’est toujours pas terminée, on s’expose forcément à pas mal de modifications de dates… Mais j’avais tout de même envie d’avoir une vision de ce qui nous attend l’année prochaine dans nos belles salles de cinéma! Donc ce planning est sujet à perturbations, mais voilà ce qu’on nous propose pour le moment à cet instant précis! D’ailleurs le prochain Mission : Impossible a été décalé à 2025 il y a quelques jours!

Edit : depuis la mise en ligne de cet article, on aura vu Blanche-Neige, Blade, Captain America : Brave New World ou encore Thunderbolts dégager en 2025!

 

Le 31 janvier sortira La Zone d’Intérêt, un drame signé Jonathan Glazer et qui prendra place dans l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre Mondiale donc, et plus précisément à proximité du camp d’Auschwitz. Le film suivra en effet l’existence du tristement célèbre Rudolf Höss, commandant du camp vivant dans sa belle maison juste à côté de ses victimes. J’avais déjà évoqué ce personnage des plus abjects avec le puissant livre de Robert Merle La Mort est mon Métier, qui suivait justement le parcours de Rudolf Höss. Un film qui pourrait donc s’avérer complémentaire à cette oeuvre littéraire.

 

14 02 : Bob Marley : One Love, encore un biopic musical, cette fois centré sur le musicien jamaïcain, avec le franchement pas terrible Kingsley Ben-Adir dans le rôle-titre. En même temps, fallait pas jouer le Super-Skrull chez Marvel dans cette daube de Secret Invasion

 

14 02 Madame Web. En interne chez Sony, ils multiplient certainement les réunions afin de lancer des projets de plus en plus absurdes, en mode challenge pour la pire adaptation Marvel. Ce Madame Web emmené par Dakota Johnson (connu pour 50 Nuances de SM tout public) ne devrait en toute logique pas fédérer les foules, et tentera une fois n’est pas coutume d’avoir des alter-ego arachnéens pour combler la frustration de ne pas pouvoir utiliser directement Spider-Man. Avec une grille de lecture très certainement féministe – ce qui n’est pas un mal en soi hein, mais je sens que ce ne sera pas du féminisme intelligent -, on aura quelques Spider-Women qui feront leur apparition, comme l’incontournable Julia Carpenter ou encore Anya Corazon pour le quota ethnique.

 

Le 21 février, One Life de James Hawes (à ne pas confondre avec l’excellent documentaire animalier One Life) nous replongera lui aussi dans l’enfer du nazisme, mais d’un point de vue mettant l’accent sur l’espoir, à la manière du sublime La Liste de Schindler. On y suivra un humanitaire anglais incarné par Sir Anthony Hopkins, qui tentera par tous les moyens de sauver des centaines d’enfants du fléau nazi. Si le metteur en scène parvient à insuffler de l’émotion et un souffle épique, on est en droit de s’attendre à un grand film.

 

28 02 : The Fall Guy

Aaaah encore une adaptation de série de mon enfance bénie! Vous vous rappelez de L’Homme qui tombe à Pic? David Leitch (Deadpool 2) nous a tourné son adaptation The Fall Guy avec Ryan Gosling qui remplace Lee Majors! Ce sera certainement un actioner bien régressif qui fera plaisir aux fans, avec Aaron Taylor-Johnson et Emily Blunt au casting. On croise les doigts pour que ça ne resssemble pas à L’Agence tous Risques!!!

 

13 03 : Dune : Deuxième Partie. Sans moi, le premier était tellement atroce… Pas assez épicé. Après l’hommage à Charlie Chaplin (ou a un autre moustachu célèbre) est sympa avec son truc dans le nez.

 

27 03 : Kung Fu Panda 4 : le premier est pour moi un chef-d’oeuvre, certainement l’un des meilleurs films d’animation que j’ai pu voir! Mais avec le 2 et le 3, on tombait à un niveau qui restait certes sympathique, mais qui n’avait plus la folie du premier opus. On verra ce que Jack Black a encore dans le ventre après toutes ces années!

 

10 04 : Godzilla x Kong : the New Empire. J’ai lâché les gros monstres depuis un moment, mais ils ont leurs afficionados. Adam Wingard a bien baissé sa garde depuis ses magnifiques You’re Next et The Guest, j’en suis toujours affligé… On a quand même ce bon vieux Dan Stevens et la toujours impeccable Rebecca Hall.dans un film qui devrait faire la part belle aux bastons gigantesques et autres explosions dantesques.

 

22 mai : Furiosa : le spin-off féminin de Mad Max : Fury Road toujours par George Miller, je pense qu’il y a moyen qu’il soit plus intéressant que ce sous-Mad Max de 2015. C’est Anya Taylor-Joy qui campera Furiosa dans ce prequel à la place de Charlize Theron, ce qui permettra peut-être au personnage de retrouver son bras manquant. A voir ce que ça vaudra.

 

22 mai : Sérieusement, le même jour? La Planète des Singes 4ème version par Wes Ball (le scénariste d’American Beauty), fallait-il déjà recommencer tout ça? Mais comme Disney veut capitaliser sur l’ensemble des licences qu’ils ont racheté, ben on recommence… William H. Macy vient cachetonner là-dedans, après on se rappelle que le premier de la saga précédente était excellent, donc on peut toujours espérer…

 

12 juin : pour les p’tits gnenfants, on aura Vice Versa 2 (à ne pas confondre avec Miami Vice de Michael Mann) qui devrait ravir les fans du 1er.

 

12 juin : Bad Boys 4, pour ceux qui avaient détesté Bad Boys for Life, il y a moyen qu’ils n’aient rien à modifier pour ce film toujours signé par les Belges Adil El Arbi et Billal Fallah.

 

3 juillet : Mufasa : le Roi Lion. Le prequel en pseudo-live action du remake en pseudo-live action de 2019. Vous sentez l’appât de la Disney money? Rhaaaa il a de la gueule quand même Mufy!

 

3 juillet : C’est intéressant cette guerre des studios, avec la sortie le même jour de Moi, Moche et Méchant 4. Peuvent-ils rattraper la saga Fast & Furious? Plus que 5 épisodes à sortir!

 

17 juillet : Twisters. Plus grand, plus beau, plus fort que le Twister originel de Jan De Bont? Perso j’avais trouvé Black Storm vraiment bon, alors venez pas marcher sur ses plate-bandes!!!

 

Deadpool 3 a donc été repoussé, mais Ryan nous parle d’une sortie à l’été 2024! Reynolds ne reviendra pas seul puisqu’il a demandé à son vieux pote Hugh Jackman de reprendre le rôle de Wolverine!!! La news a fait énormément réagir sur la toile, et on attend avec impatience ce film signé Shawn Levy! Finalement ce sera le 26 juillet!

 

14 août : Alien : Romulus. OK, après Alien : Prometheus et Alien : Covenant, je ne m’attends plus à rien du tout! Avec en plus Fede Alvarez (Evil Dead) à la réal, non merci…

 

14 août : Speak no Evil. Remake par James Watkins (Eden LakeLa Dame en Noir) du Ne dis rien (Speak no Evil en VO bien sûr) danois, avec cette fois James McAvoy en tête d’affiche. Watkins c’est tout de même un gage qualitatif, donc on surveillera cette sortie.

 

28 août : Kraven the Hunter. Sony, un méchant de l’univers Spider-Man, un Maximus enflé… Bon, interdit aux moins de 16 quand même aux US! Ca laisse entrevoir un semblant de violence graphique…

 

2 octobre : Joker : Folie à Deux. J’ai détesté le premier film, je n’irai pas m’infliger cette suite avec Lady Gaga en Harley Quinn.

 

6 novembre : Venom 3 a été repoussé de juillet à l’automne, maintenant est-ce qu’on en attend vraiment quelque chose?

 

Bon, le programme n’est donc pas encore complet, avec pas mal de mystères sur la fin d’année 2024, et des incertitudes sur l’ensemble des dates au final. Mais ce listing permet d’avoir un aperçu de ce qui pourrait être proposé, et je vous invite à piocher dans tout ça pour vous faire une idée de votre planning ciné pour l’an prochain! 😉

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Killers of the Flower Moon (Martin Scorsese, 2023)

On ne présente plus Martin Scorsese, ce metteur en scène ayant traversé les décennies avec ses films de gangsters dans lesquels intervenait très souvent Robert De Niro, et qui s’inscrivait dans une certaine vision très réaliste de l’Amérique et de ses travers. Je n’ai jamais été un fervent admirateur de son oeuvre, je l’ai peut-être approchée en étant trop jeune, mais j’ai tout de même revu Taxi Driver il y a un an environ, et je le trouve tellement surévalué… Je ne vois aucun intérêt à ce long métrage mettant en scène un individu détestable et sans relief, une sorte de caricature de paumé ricain sans le moindre intérêt. Le dernier film de Scorsese que j’avais vu au cinéma est Shutter Island, que j’ai trouvé vraiment très ennuyeux, j’avais tenté son Uncut Gems arrêté au bout de 15 minutes… Bref, je ne suis pas spécialement fan du bonhomme.

Cest donc à grandes enjambées à reculons que je suis allé en salle pour tenter ce Killers of the Flower Moon… Avec la peur au ventre face à un film de 3h26! ^^ Et pourtant, d’entrée de jeu, il y avait quelque chose qui se passait à l’écran, quelque chose de diffus et palpable, capable de susciter de l’intérêt et d’éveiller quelques émotions, sans en faire trop, de manière fugace mais solide. Il m’a fallu quelques minutes avant de comprendre ce qui était en train de se passer : je me retrouvais devant un film de cinéaste. Cette remarque peut paraître absurde, mais elle prend tout son sens dans une époque où les films sont majoritairement des produits davantage créés par des producteurs que par des auteurs et réalisateurs. Mais la singularité de cette proposition repose bien sur la vision cinématographique de son auteur, ni plus ni moins. Et on se prend une claque en se rendant compte que cela fait très longtemps qu’une telle sensation n’était pas arrivée en salle…

Du haut de ses 80 printemps, Martin Scorsese nous livre l’un des plus beaux films de l’année, et il le fait sans emphase et sans prétention aucune. Ce qui ressort avant tout de Killers of the Flower Moon, c’est la sincérité de son propos et de la partition à laquelle nous convie le metteur en scène octogénaire, qui a de quoi en remontrer aux 3/4 des réalisateurs ayant la moitié de son âge. En se basant sur un récit fort et en s’appuyant sur des acteurs très talentueux, il nous invite à un voyage envoûtant dans l’Amérique des années 1920, nous immergeant dans le quotidien de la tribu des Osage. Leur particularité est qu’il leur a été légué des terres pétrolifères, ce qui donne lieu à une inversion des rôles qui peut paraître comique, avec de riches propriétaires indiens accompagnés par des domestiques et des chauffeurs blancs. Mais la plénitude et l’opulence des Indiens Osage a été rapidement menacée par la cupidité de certains colons…

Killers of the Flower Moon va narrer sur plusieurs années la déliquescence de ce peuple, qui va se retrouvé assujetti à des individus sans scrupules cherchant par tous les moyens à mettre la main sur l’or noir, que ce soit par des voies légales ou non. On va assister à des séquences parfois violentes, parfois absurdes, mais qui toutes vont mettre en lumière la froideur des manipulateurs et des escrocs sans aucune bonté d’âme, qui cherchent avant tout le profit et peu importe s’il faut en passer par la mort de quelques-uns… On est à la fin de la période du Far-West, et on sent que les gâchettes sont encore faciles, et surtout que la différence de traitement selon la couleur de peau est encore bien active. Le souci, c’est que la richesse des Indiens ne peut pas à chaque fois être convoitée de manière trop directe…

En partant de cette trame, Martin Scorsese va nous présenter divers personnages qui vont interagir avec des buts plus moins nobles, et on va se rendre compte que la moindre scène de dialogue s’avère vivante tant elle est travaillée et étudiée avec soin. On est loin du schéma du film d’action, ce film se profile sous des auspices bien plus calmes même si la mort rôde lentement aux alentours, et on va apprécier le temps qui est pris par l’auteur afin de nous délivrer peu à peu les éléments de cette oeuvre. On ne va pas avoir l’ensemble des explications d’un coup, mais on va découvrir tout cela au fur et à mesure des séquences et des interactions, le tout porté par des acteurs certes très bien guidés, mais qui portent également de belles dispositions pour aider à donner une certaine puissance à ce film. On ne présente plus Leonardo DiCaprio, qui campe un personnage pas forcément évident à jouer, et qui le fait avec une aisance confondante, en apportant des éléments contradictoires et une texture paradoxale à son Ernest Burkhart. On ne présente plus Robert De Niro, mafieux par excellence tout au long de sa filmographie, et qui fait tellement plaisir à voir dans un rôle loin des navets et des parodies qu’on lui connaît ces dernières années… Il prouve ici qu’il est encore capable de créer des personnages forts et intriguants, et c’est un plaisir de voir ces 2 monstres sacrés se donner la réplique!

On a également Lily Gladstone au casting, elle qui n’a pas la carrière de ses partenaires, mais qui se pose comme une actrice capable d’offrir une belle densité à son personnage. L’ensemble du casting, des premiers rôles aux plus fugaces, s’avère de très haute volée et on comprend à quel point la direction d’acteurs a été très efficace de la part de Martin Scorsese. Il y a une véritable cohérence entre tous ces personnages et acteurs, ce qui permet de tirer vers le haut un film qui avait déjà de très solides bases dans son écriture et dans sa mise en scène. On a des moments de tension lors de certains dialogues, ou lors de silences glaçants entre 2 protagonistes, et le tout est magnifié par la vision d’un auteur très doué qui ne se contente pas de poser sa caméra et de laisser les acteurs passer devant et déblatérer leur texte. Chaque plan fait sens, et parvient à cristalliser une partie de cette tension palpable dans cette époque difficile. La manière dont Scorsese enveloppe le paysage, la façon dont il filme la mort, son regard sur les différents âges de la vie… Il y a une certaine portée philosophique qui se cache dans sa façon d’aborder ce récit, qui ne va pas tenter d’être maladroitement didactique, mais qui va se concentrer le plus possible sur la dure réalité de la condition des Osages. Scorsese va faire dans la vision brute d’une condition qui l’est tout autant, et son film va paradoxalement gagner en intensité grâce à cette apparence de simplicité. Cette vision du réel va apparaître comme crépusculaire, en nous démontrant de manière claire et limpide la subversivité de l’Homme, et comment il peut s’avilir par cupidité.

On appréciera la justesse d’écriture d’Eric Roth et de Scorsese, qui adaptent à 4 mains le livre de David Grann, en lui donnant un scénario à la fois dense et très lisible, constituant la solide colonne vertébrale d’un long métrage captivant. Il faut souligner la superbe photographie de Rodrigo Prieto, à qui l’on doit notamment la lumière d’Argo ou du Loup de Wall Street. Et que dire de la musique composée par Robbie Robbertson, qui accentue à merveille cette atmosphère tendue par petites touches si bien disséminées? Et l’immersion est totale grâce à la qualité des décors et des costumes nous propulsant dans le début du 20ème siècle de manière très efficace! Il y a une véritable conjonction de talents permettant de faire de ce Killers of the Flower Moon un film dense, capable d’émouvoir avec beaucoup d’intelligence, tout en ayant un regard très critique sur la nature humaine. On en ressort avec l’impression d’avoir assisté à une étude de l’être humain effectuée par un entomologiste de talent, et ça fait un bien fou de pouvoir apprécier un tel regard dans une oeuvre cinématographique!

 

 

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