Argo (Ben Affleck, 2012)

Si The Town ne m’avais pas franchement emballé et que je n’avais pas encore vu Gone Baby gone, j’ai été totalement surpris par Argo qui démontre une maîtrise hallucinante de la part de Ben Affleck, qui est sans conteste un très grand metteur en scène! Sans vraiment savoir dans quoi je m’embarquais, je me suis retrouvé happé par ce récit palpitant d’une reconstitution exemplaire!

Argo relate la crise iranienne des otages d’un point de vue bien spécifique, puisqu’il se concentre non pas sur les 56 personnes retenues à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran, mais sur 6 diplomates ayant réussi à sortir du bâtiment pour trouver refuge à l’ambassade canadienne. La tension est à son comble dans le pays, puisque les quelques 400 étudiants ayant pris d’assaut l’ambassade traquent tous les ressortissants américains, les Etats-Unis ayant accepté l’hospitalisation de l’ancien dirigeant iranien Mohammad Reza Pahlavi. Les Iraniens réclament le retour du Shah dans leur pays afin d’être jugé et veulent mettre la pression avec cette prise d’otages.

Si l’impact historique de l’événement est déjà fort en lui-même, Ben Affleck le magnifie avec sa mise en scène à la fois sobre et haletante, nous plongeant sans ménagement dans cette réalité terrible pour les citoyens américains qui se trouvaient là à ce moment fatidique. D’entrée de jeu, Affleck nous balance toute la tension du moment et ne va pas relâcher la pression jusqu’à la fin du film, offrant une crédibilité et une intensité incroyables dans ce récit qui va bien au-delà de la simple reconstitution historique. Argo est une vraie pépite cinématographique s’appuyant sur des codes du cinéma de genre pour donner tout son sens à l’oeuvre incroyable perpétrée par un héros ordinaire, Tony Mendez.

Cet homme travaillant pour la CIA va mettre au point un dispositif d’exfiltration d’une simplicité à la fois absurde et géniale; après avoir entendu les divers plans concoctés pour faire sortir les 6 ressortissants du pays, il a l’idée de les faire passer pour des membres d’une équipe de cinéma en repérage dans le pays pour le tournage d’un film de science-fiction. La Guerre des Etoiles et La Planète des Singes ont conquis les salles obscures à la fin des années 70, et le projet fou de Tony Mendez est de se rendre sur place et de repartir avec les membres de l’équipe du film Argo, obscur script de seconde zone qui sera utilisé afin de monter ce projet bidon. Mendez se met en relation avec John Chambers, spécialiste du maquillage ayant oeuvré sur la série Star Trek, les 5 films de la saga La Planète des Singes, Halloween II, Blade Runner… Chambers va travailler avec le producteur Lester Siegel afin de monter un projet crédible tout en sachant que le film ne se fera jamais!

La relation particulière entre le cinéma et la politique et n’a jamais été aussi proche, à tel point que le non-film Argo pourrait bien permettre de sauver des vies humaines! Quand on voit les essais en costumes bien héroïc-fantasy lors de la lecture du scénario, on se dit qu’on est à des années-lumière d’une quelconque implication politique voire émotionnelle avec la prise d’otages se déroulant en Orient… Mais ce projet périlleux prend forme grâce à la volonté de Tony Mendez, qui se rend alors à Téhéran afin de sortir les diplomates du pays.

Ben Affleck est un réalisateur magistral, mais il est également un acteur extrêmement talentueux. On est bien loin des récréations à la Daredevil, et la densité de son personnage est réellement impressionnante, Mendez étant une sorte de héros discret qui ne va reculer devant aucun obstacle afin de tenter de mener sa mission à bien. La reconstitution de la fin des années 70- début des années 80 est vraiment remarquable, et Affleck/ Mendez porte plutôt bien la coupe et la barbe de rigueur à l’époque! A ses côtés, une bande d’acteurs géniaux complètent le casting, avec entre autres Bryan « Walter White » Cranston qui l’appuie dans les locaux de la CIA, John Goodman qui campe un John Chambers vraiment cool, Alan Arkin qui joue un nabab d’Hollywood avec tout ce que cela comporte d’attitude excessive, et les 6 otages ainsi que le couple d’ambassadeurs canadiens sont également joués par d’excellents acteurs, dont Kerry Bisché, qui jouait dans le Red State de Kevin Smith (aux côtés de John Goodman tiens!).

C’est dans sa forme brute qu’Argo séduit, car il se débarrasse de toute superficialité pour aller droit à l’essentiel, à savoir comment sortir 6 personnes d’un pays en proie aux violences et à la haine, sachant que s’ils se font repérer, ils se feront lyncher sans aucune forme de procès. La tension est permanente dans ce film incroyable, et Ben Affleck joue avec les nerfs du spectateur avec un savoir-faire des plus réjouissants! Son film bat au rythme stressant de la situation catastrophique du Téhéran ce cette période, et c’est toute la machinerie CIA-gouvernement américain et gouvernement canadien qui va être mise à nu pendant 2h de la manière la plus palpitante qui soit! Ben Affleck a probablement appuyé certaines séquences pour que l’impact dramatique soit plus prégnant, mais la virtuosité de son propos et l’épure parfaite du scénario livré par Chris Terrio (qui s’appuie sur le bouquin de Tony mendez) font d’Argo un moment de cinéma rare et intense! Toute la beauté, la densité et la cruauté du monde vue à travers le prisme de la caméra d’une rare intelligence de Ben Affleck, ça donne un film qui va bien au-delà de ses 3 Oscar pourtant largement mérités!

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