La Liste de Schindler (Steven Spielberg, 1993)

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La Liste de Schindler fait partie de ces films monumentaux que l’on a vu une fois il y a de nombreuses années, et dont on garde un souvenir lointain et imprécis. Evidemment, ce n’est pas le genre de film que l’on se décide à regarder quand on ne sait pas trop quoi faire non plus, comme une petite comédie sympathique pour un dimanche soir… Avant de se décider à le regarder, il y a déjà une démarche à effectuer, parce que l’on sait que l’on va plonger dans une oeuvre glaçante qui va nous faire revivre des heures parmi les plus sombres de l’Histoire…  Mais comme l’être humain a toujours besoin de rire et d’espérer, il aura également toujours besoin de se rappeler à quel point ces principes si simples peuvent être subitement confisqués, remplacés par la noirceur la plus absolue… La Liste de Schindler remplit une fonction bien particulière, celle du devoir de mémoire, afin que les générations n’oublient simplement pas comment l’Homme a été et est toujours capable d’un tel déni d’humanité…

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Ce n’est pas la première fois que Steven Spielberg traite de la Seconde Guerre mondiale; il le faisait notamment dans sa comédie 1941, dans Empire du Soleil, ou encore dans la saga Indiana Jones. Mais c’est la première fois qu’il traite le sujet du génocide juif, en adaptant le livre de Thomas Keneally pour nous livrer un film de 3h15 qui ne peut laisser personne indifférent. Steven Spielberg étant lui-même Juif, on comprend sa volonté et sa sincérité dans l’évocation de cette période abjecte, durant laquelle 40% de la communauté mondiale juive a été exterminée… Au-delà de l’intérêt purement historique qui est déjà très important, Steven Spielberg va apporter à cette terrible Histoire toute la finesse et l’intelligence de sa mise en scène éprouvée. La Liste de Schindler va nous plonger dans les affres de l’extermination nazie, mais va le faire avec un sens dramatique et un tact qui sont tout à l’honneur de ce réalisateur renommé.

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Le début du film va donner le ton, avec ces couleurs qui vont rapidement s’estomper pour laisser place à un noir et blanc renvoyant au passé, et en même temps bien plus glacial. Spielberg va composer des plans de toute beauté, dans lesquels il va commencer à mettre en place toute la stratégie d’Oskar Schindler, cet industriel allemand bien décidé à faire fortune durant cette période sombre. En dirigeant la Deutsche Emailwarenfabrik, où sont confectionnés des marmites et autres instruments de cuisine, il va embaucher de la main-d’oeuvre issue du camp de concentration de Plaszow. L’homme d’affaires est avant tout décidé à faire du profit, et il ne se sent pas forcément concerné par le sort des Juifs au départ. Mais ses rencontres avec ses ouvriers, et son amitié avec son comptable Itzhak Stern, vont lui faire prendre des décisions à la fois très nobles et très dangereuses.

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Spielberg va mettre en place les différents protagonistes principaux, qui ont tous existé, et qui sont caractérisés par des acteurs de renom, livrant des prestations très remarquables. Liam Neeson est impressionnant dans le rôle de cet homme qui passe son temps à faire semblant d’être de connivence avec le régime nazi, et qui essaie au contraire de tout faire pour sauver le plus de monde possible de l’extermination. Ben Kingsley est d’une justesse exemplaire dans le rôle d’Itzhak Stern, le comptable effacé derrière ses petites lunettes, qui sait pourtant quand prendre de bonnes décisions, lesquelles vont avoir des effets sur les décisions de Schindler lui-même. Et que dire de Ralph Fiennes, qui incarne le chef de camp Amon Goeth, et délivrant une performance où l’on sent toute la folie destructrice de son personnage. La Liste de Schindler va jouer avec ces différentes relations, et va démontrer comment des tractations et des manipulations peuvent servir à faire le bien, face à une industrialisation de la mort perpétrée par les Nazis.

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Spielberg va évoquer sans fard cette réalité pourtant pas si lointaine, durant laquelle, pendant 6 années, l’Homme a nié l’Homme, et l’on va plonger dans cette période d’une tristesse absolue, où la terreur, la torture, la faim, la maladie et les exécutions sommaires étaient le quotidien de millions d’individus. Oskar Schindler, avec sa volonté de sauver des gens promis à une mort certaine, peut paraître dérisoire face au rouleau compresseur nazi, mais il est parvenu à sauver 1100 Juifs des camps de la mort. Il n’est d’ailleurs pas le seul à avoir pris de tels risques, et un autre homme, Felix Kersten, mérite lui aussi d’être cité. Ce masseur finlandais, nommé médecin personnel d’Heinrich Himmler, a lui aussi eu un destin incroyable, et a sauvé des milliers de vie. Son histoire est relatée dans l’excellent livre de Joseph Kessel Les Mains du Miracle, et ce récit vaut vraiment d’être découvert.

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Steven Zaillian, scénariste chevronné habitué aux récits complexes (Danger immédiat, Millénium: les Hommes qui n’aimaient pas les Femmes), nous livre un traitement des plus remarquables avec son adaptation du roman de Thomas Keneally. Entre une écriture limpide permettant de comprendre clairement toute la portée personnelle, politique et humaniste de ce récit, et une mise en scène très inspirée grâce à laquelle Spielberg nous livre une vision à la fois terriblement juste et à la beauté macabre (la petite fille en rouge, l’entrée dans le camp d’Auschwitz, etc…), La Liste de Schindler va au-delà de la simple évocation informelle des atrocités de cette époque, et devient une oeuvre indispensable. S’il n’y a pas de mots pour décrire les horreurs infligées à ces millions de personnes, Steven Spielberg a su composer les images qu’il fallait pour que l’on ressente cette immense tragédie, tout en suivant l’espoir incarné par Oskar Schindler. Spielberg livre un très grand film, où l’on passe par toutes les émotions possibles. Intense, indispensable, cruel et finalement, hymne à la vie et au courage…

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2 réponses à La Liste de Schindler (Steven Spielberg, 1993)

  1. Miss Red dit :

    J’ai vu ce film 4 fois et à chaque fois j’ai été submergée par l’émotion incapable de retenir mes larmes….La petite fille incarne une symbolique très forte et me glace le sang à chaque fois…..Merci pour cette très belle mise en valeur de cette oeuvre qui nous rappelle à quel point la vie est un cadeau et que l’espoir et l’entraide sont des armes de destruction massive contre la noirceur et le désespoir !

  2. Wade Wilson dit :

    C’est très poétique tout ça!!! ^^ C’est typiquement le genre de sujet extrêmement difficile à traiter, on tombe vite dans le piège du pathos facile ou du manque de profondeur, et Spielberg parvient à mettre tout le monde d’accord avec une sincérité et une humanité impressionnantes!

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