Derrière cette série en 6 salves, on retrouve le scénariste Kamel Guemra ayant notamment oeuvré sur le très bon Balle Perdue de Guillaume Pierret, et qui officie sur Pax Massilia en tant que showrunner comme on dit chez nos amis Américains. L’ambition est de mise avec une volonté de disséquer la brutale réalité de la Cité Phocéenne, en proie à une guerre des gangs fatalement destructrice pour tous les camps. Portrait réaliste à souhait d’une criminalité jouant à ciel ouvert sans aucune retenue, Pax Massilia n’en oublie pas pour autant l’impact visuel dont a besoin une vraie bonne série policière, et se pose en digne représentante du genre dans le paysage du polar français, ce qui est déjà un bel exploit.
On va suivre une unité de lutte anti-drogue chargée de gérer les problèmes marseillais, composée de 4 têtes brulées qui vont accueillir une jeune collègue fraîchement mutée de Paris. D’entrée de jeu, on va sentir une volonté de muscler le propos et de ne pas se cantonner à une série policière menant des enquêtes plan-plan, et on appréciera notamment les interrogatoires percutants menés par Lyès Benamar, le chef de la troupe. La séquence du premier épisode dans la voiture est à ce titre très engageante! Lyès est interprété par Tewfik Jallab dont ce n’est pas le coup d’essai, puisqu’on a déjà pu le voir dans la série Engrenages. Il va incarner un personnage ambigu dont on ne saisit pas immédiatement les motivations, et qui flirte dangereusement avec les limites. Je n’accrochais pas forcément au personnage de Lyès, mais il faut reconnaître que l’acteur parvient à lui donner une belle crédibilité.
On va suivre une enquête musclée visant à calmer le bain de sang qui est en train d’obscurcir Marseille, avec la guerre ouverte entre le caïd local Ali Saïdi, très bien interprété par Samir Boitard, que l’on a pu croiser tiens, dans la série Engrenages; et Franck Murillo, joué par le très bon Nicolas Duvauchelle que l’on ne présente plus. On ressent un malaise bien poisseux dans cette série, car elle offre une bonne dose de réalisme et que l’on est plongé dans le quotidien pas très enviable que vivent les flics de la cité, mais on va aussi voir le quotidien pas forcément plus réjouissant des petits dealers. La chappe de plomb recouvrant Marseille est palpable, et on ressent une véritable tension permanente au gré de l’avancée de l’enquête, bénéficiant de l’expérience du metteur en scène Olivier Marchal (36, Quai des Orfèvres, c’était lui), associé à Yvan Fegyvères derrière la caméra, qui connaît bien Marchal puisqu’il a été assistant réalisateur pour lui sur MR 73, Braquo, Les Lyonnais ou encore plus récemment Carbone. Les deux hommes nous plongent efficacement dans ces lieux et dans ces situations sordides alors que le soleil réchauffe les calanques… Le contraste est assez saisissant entre ces deux mondes opposés qui pourtant se côtoient constamment…
L’actrice franco-allemande Jeanne Goursaud incarne avec un solide mélange de bravoure et de sensibilité masquée la nouvelle recrue Alice, qui est certainement le personnage le plus intéressant de la série. L’aspect classique de son background vient ajouter une trame narrative bienvenue, impliquant des éléments plus conventionnels mais qui pourtant se marient très bien avec l’approche très réaliste de cette série. Son histoire permet quelques instants de respiration en nous offrant un récit de vengeance primaire qui fait du bien, et qui permet à Jeanne Goursaud de démontrer son talent. Le reste de l’équipe est davantage en retrait et va bénéficier de coups de projecteurs successifs qui permettront de leur donner un peu plus de consistance qu’au début. Lani Sogoyou incarne une flic très volontaire et qui a du répondant, Idir Azougli joue un jeune très motivé par son métier et qui ne supporte pas de voir les jeunes mal tourner, et Olivier Barthelemy est peut-être le plus sous-estimé dans le sens où son rôle est la plupart du temps passif, avec un Arno aux prises avec un quotidien très difficile, mais l’acteur possède lui aussi quelques moments forts permettant de montrer ce qu’il a dans le ventre. On a quelques personnages sacrifiés au niveau de l’écriture et qui ne brillent pas autant qu’ils le pourraient, mais l’alchimie dans l’équipe fonctionne malgré tout.
On va pourtant ressentir une différence de traitement dans les épisodes, avec les 4 premiers s’avérant bien plus percutants que les 2 derniers. La différence se ressent au niveau de la mise en scène, puisqu’elle est bien plus appuyée dans les 4 premiers signés Olivier Marchal, que dans les 2 derniers d’Yvan Fegyvères. L’expérience de Marchal est palpable et on le sent bien plus à l’aise dans sa manière de dérouler le récit et de le mettre en images, tandis que Fegyvères ne parvient pas à maintenir le même niveau. Son travail reste intéressant mais on ne sent pas forcément la même vitalité et l’atmosphère semble également se modifier légèrement. Mais il faut aussi reconnaître que l’intrigue perd en efficacité dans sa conclusion, puisque le fait de devoir boucler le récit amène à quelques raccourcis pas toujours cohérents, comme l’histoire de Fanny et de sa fille. On sent parfois une volonté un peu artificielle qui « force » sur la dramaturgie mais qui ne prend pas forcément. Mais si on peut être déçu par un final que l’on espérait plus grandiose, il ne faut pas pour autant dédaigner cette série qui dans son ensemble reste très crédible et relativement solide. J’avais apprécié le BAC Nord de Cédric Jimenez, mais cette Pax Massilia est bien plus immersive et percutante.
Dans le genre, on lui préfèrera sans doute l’impressionnante Gangs of London, dont la saison 2 est une pure merveille de noirceur, mais Pax Massilia fait du bien dans le paysage audiovisuel français, et c’est déjà beaucoup!