Un film sorti de nulle part, sans cape et sans collants, sans rayons qui sortent des yeux… Special Delivery est une petite friandise s’avérant bien rafraîchissante à l’heure où l’offre cinématographique est de plus en plus sectaire… Dae-Min Park est un metteur en scène sud-coréen qui en est seulement à son 3ème long, après Geu-rim-ja sal-in en 2009 et Bongyi Kim Seon-dal en 2016. Ses 2 premiers essais se situaient dans des périodes historiques passées, et ce Special Delivery est sa première oeuvre en mode contemporaine. De prime abord, on a l’impression de se prendre une déclinaison de Taxi, mais la comparaison va très certainement à l’avantage du film coréen, tant le metteur en scène surprend très agréablement avec son dynamisme bien fluide et pas tapageur. On craint toujours dans ce type de film que ça puisse être finalement faussement rapide et furieux au niveau du rythme, où alors totalement excessif et illisible jusqu’à la nausée.
Dae-min Park joue très bien sa partition, car il fait preuve d’une belle audace tout en se gardant une certaine retenue. On se retrouve pris dans une sorte de film d’action qui ne crie pas sur tous les toits qu’il en est un, mais qui sait alterner les plages de calme et celles plus furieuses pour conférer un équilibre oscillant de belle manière au rythme des aventures de la belle Eun-ha. Cela lui permet de ne pas simplement se cantonner au genre de l’actioner, mais d’offrir quelques belles autres pistes de lecture pas désagréables, en y saupoudrant quelques notes émotionnelles fonctionnant elles aussi. Eun-ha travaille pour le patron d’une casse automobile, et sa spécialité est la conduite sous toutes ses formes. Elle assure en tant que livreuse spéciale, et les clients contactent son boss afin d’acheminer des personnes d’un point A à un point B sans encombres. Et quand on la voit piloter pour la première fois, on se dit qu’elle n’a effectivement rien à envier à Baby Driver en terme technique! ^^
Dae-min Park nous offre des séquences automobiles qui démarrent tranquillement, et qui vont à peu faire monter le rythme pour nous étonner grâce à une fluidité et un sens du montage s’avérant finalement exemplaires. Encore une fois, il ne va pas chercher à en faire des caisses et à placer la barre pyrotechnique hyper haut, mais il va nous offrir des séquences très efficaces et qui font franchement plaisir à découvrir! Il y a des petites notes inventives dans chacune d’entre elles, et on apprécie ces surprises successives dans un monde cinématographique de plus en plus balisé. La bouffée d’air frais apportée fait du bien, et prouve qu’il y a encore de la capacité pour la créativité dans le domaine de l’action!
So-dam Park est une jeune actrice que l’on a pu croiser au préalable dans l’horrible Parasite de Bong Joon Ho, et elle gère avec beaucoup de talent ce rôle à la fois presque effacé et exigeant. Eun-ha est une jeune femme discrète qui vit avec son chat, et qui se retrouve dans des situations lors desquelles elle fait preuve de compétences bien létales. Son personnage n’apparaît pas artificiel, et ça fait du bien de sentir un vrai fond dans l’écriture. Sa relation faussement conflictuelle avec son boss donne lieu à de belles joutes verbales, et on y sent poindre un respect mutuel sous-jacent qui n’ose pas s’exprimer. Là encore, ça change des rapports simplistes que l’on voit majoritairement dans les films d’action, et cela donne une touche d’absurde bienvenue, surtout que les acteurs savent comment gérer cela. Kim eui-sung sait manier l’humour sous ce caractère de cochon ^^
Lorsque Eun-ha se retrouve avec sur les bras un petit garçon après que le père de celui-ci se soit fait tuer avant qu’elle puisse les transporter en sécurité, son monde va basculer et elle va devoir lutter contre une bande de criminels sans pitié, avec l’excellent Song Sae-byeok en bad guy bien instable! L’acteur s’avère très subtil et imprévisible dans son jeu, et une fois encore, ça fait du bien d’avoir quelqu’un de cette envergure pour donner du fil à retordre à l’héroïne!
Special Delivery n’est peut-être pas le film de l’année, mais il sort clairement du lot avec son inventivité dans le domaine de l’action, sa très belle manière de gérer une histoire simple en la saupoudrant de quelques aspects humains bienvenus, et en traitant une violence frontale de manière très efficace. On a droit à des moments qui font bien mal, et on est surpris par l’applomb avec lequel Dae-min Park pose tout ça là tranquillement et avec intelligence!