10 ans après la première allusion faite au Wakanda dans Iron Man 2, et 2 ans après la première apparition du prince T’Challa dans Captain America: Civil War, le personnage de Black Panther a enfin droit à son film solo sous la direction de Ryan Coogler! C’est en juillet 1966, dans les pages de Fantastic Four 52, qu’apparaît un certain Pantherman, qui deviendra ensuite la Panthère noire. Il est le premier super-héros noir tous éditeurs confondus, et sera suivi par le Faucon en 1969 et Luke Cage en 1972.
En l’espace de 10 ans, le Marvel Cinematic Universe nous a déjà livré 18 longs métrages et 10 séries télévisées, et le modèle fonctionnant à plein régime, il n’est pas prêt de s’éteindre! Black Panther nous arrive juste avant le clash cosmique que proposera Avengers: Infinity War dès le 25 avril, et sa particularité est finalement de proposer une aventure presque indépendante, qui se suffit à elle-même. Après avoir découvert la mythologie asgardienne dans Thor, ou l’univers de la magie dans Doctor Strange, voici que l’on s’intéresse à un pan inédit de la culture marvellienne avec le Wakanda. A ce titre, le générique est excellent, puisqu’il nous propose un rapide cours historique sur ce pays imaginaire, afin que nous comprenions en un court instant les enjeux politiques et économiques de cette nation.
L’aspect politique est certainement l’un des plus réussi du film, car il est traité avec un grand sérieux et qu’il renvoie à des situations bien réelles. Le dialogue sur le traitement d’hypothétiques réfugiés fait largement écho à des crises migratoires ayant lieu en ce moment même… Et le fait d’avoir une nation dont le développement technologique surpasse tous les pays occidentaux, y compris les Etats-Unis, est une belle manière de mettre sur le tapis les problèmes raciaux existant justement aux USA. La politique de non-interventionnisme du Wakanda est également mise en avant, le pays apparaissant aux yeux du monde comme une simple nation du tiers monde peuplée d’agriculteurs… L’accession au trône de T’Challa va être une source de tiraillement, lui qui ne sait s’il doit révéler au monde l’existence de son pays, ou garder une ligne conservatrice et protectionniste à l’instar de son père et de ses prédécesseurs.
On le voit, Black Panther agit sur un terrain bien plus sérieux qu’à l’accoutumée. Ce qui ne va pas empêcher Marvel d’immiscer quelques notes d’humour, mais il y en a beaucoup moins que d’habitude (d’ailleurs, elles passent souvent à côté, en venant s’opposer gratuitement à l’ambiance tendue créée précédemment). Chadwick Boseman s’impose dans un rôle finalement pas évident, puisque son personnage est à la fois puissant physiquement, mais affaibli politiquement pour plusieurs raisons. T’Challa est un personnage constamment tiraillé, ce qui est difficile pour atteindre son plein potentiel. Boseman le joue avec une belle conviction, et parvient à en faire un personnage réussi, ce qui était déjà le cas dans Captain America: Civil War. A ses côtés, les Dora Milaje, sa garde royale, sont très efficaces, avec Okoye (Danai Gurira) en tête. Lupita Nyong’o joue Nakia, le love interest du prince qui est elle aussi un personnage intéressant. Parmi les femmes entourant T’Challa, c’est certainement sa soeur Shuri qui ressort le plus! Letitia Wright (qui jouait dans l’épisode Black Museum de la 4ème saison de Black Mirror) en fait une jeune femme pétillante et surdouée, et on sent un lien fort entre les frère et soeur.
Face à ce côté noble wakandais, va se dresser le mystérieux Erik Killmonger, antagoniste intéressant interprété avec beaucoup de conviction par Michael B. Jordan (comme quoi, le fait d’avoir joué la Torche dans le dernier Les 4 Fantastiques n’aura pas brisé sa carrière). Cet homme a eu une vie bien différente de celle de T’Challa, et la rage qui l’anime va le mener dans une lutte sanglante. Mais autant il est une brute sanguinaire, autant on peut peut parvenir à avoir une certaine empathie pour lui, au vu de son background et de ses convictions pas forcément fausses. C’est seulement dans son application mortelle que l’on peut se désolidariser de sa mission, mais ça fait toujours du bien d’avoir un bad guy aux motivations fondées. Autre transfuge de Black Mirror (il a joué dans l’excellent épisode Fifteen Million Merits, ainsi que dans Sicario et Get out), Daniel Kaluuya interprète W’Kabi, un ami de T’Challa. On a également Martin Freeman qui reprend son rôle d’agent de la CIA Everett K. Ross, Forest Whitaker qui joue le vieux sage Zuri, ou encore ce bon vieux Andy Serkis qui reprend le personnage de Ulysses Klaue de manière bien badass!
Black Panther va dérouler un récit classique d’accession au pouvoir avec luttes incessantes, mais la nouveauté réside dans tout cet univers wakandien dans lequel se mélangent rites ancestraux et technologies de pointe, créant un pays imaginaire original dans le MCU. Le compositeur suédois Ludwig Göransson nous livre une bande-son vraiment bien rythmée, dans laquelle il fait ressortir les vibrations tribales avec une belle puissance, permettant au film d’avoir une signature musicale originale et forte. Les rites de passage et les traditions wakandaises sont traité avec beaucoup de soin, et on découvre comment cette nation hyper-avancée parvient à lier sa puissance technologique à ses traditions ancestrales. La visualisation très colorée et sérieuse de ce pan culturel africain fonctionne vraiment bien, et par moments on n’a même plus l’impression d’être en plein film Marvel. Le travail sur les costumes est impressionnant, et les décors sont sublimes. C’est dans cet aspect culturel également que Black Panther gagne en crédibilité et qu’il parvient à tenir comme un film autonome.
La mise en scène de Ryan Coogler, auteur d’un précédent Creed: l’Héritage de Rocky Balboa, s’avère plutôt fluide et permet de donner tout son relief à cette histoire de super-héros différente. On aurait apprécié davantage de précision, notamment dans les scènes de combat, mais Coogler remplit son office en parvenant à souligner la puissance de T’Challa et la rage de Killmonger. Black Panther est une nouvelle proposition made in Marvel qui se regarde avec plaisir, sans atteindre les sommets des meilleurs films du studio (qui restent quand même, dans l’ordre chronologique, Iron Man, Captain America: first Avenger, Avengers, Captain America: le Soldat de l’Hiver et Les Gardiens de la Galaxie). La proposition est assez intriguante et originale pour que l’on passe sur les facilités scénaristiques et les quelques tics narratifs inhérents aux productions Marvel, et le voyage au Wakanda s’avère bien dépaysant! (mise à jour du dossier Des comics à l’écran: les adaptations Marvel de 1944 à 2019 effectuée! 😉 )