3 ans avant son chef-d’oeuvre The Guest, Adam Wingard réalisait You’re next, dont la bande-annonce laissait entrapercevoir un home invasion aussi classique que redondant. Après m’être pris une violente baffe avec The Guest, j’étais soudainement dans de bien meilleures dispositions pour découvrir ce You’re next, qui s’avère nettement moins consensuel que ce que l’on pouvait craindre!
Le home invasion est un sous-genre plutôt tendance ces 10 dernières années dans le domaine horrifique, avec des oeuvres comme Black Christmas, The Strangers, La dernière Maison sur la Gauche, American Nightmare… Le principe est simple: un ou plusieurs individus tentent de pénétrer dans un domicile afin de torturer et/ou tuer ceux qui y résident. On est dans une thématique très violente évidemment, avec des scènes souvent choquantes et dérangeantes, mais la réussite de ces oeuvres va surtout résider dans l’approche esthétique et les choix narratifs du metteur en scène. Un exemple très simple illustre ce propos: La dernière Maison sur la Gauche version Wes Craven est crade et gratuite, se plaçant principalement du point de vue des tueurs; la version que Dennis Illiadis a réalisé en 2009 est son exact opposé, survival oppressant à mort doublé d’une vision crépusculaire autrement plus aboutie!
Et You’re next dans tout ça? Eh bien le film d’Adam Wingard n’atteint pas le niveau de The Guest, mais il constitue néanmoins une pièce maîtresse dans le registre du home invasion! La liberté de ton adopté par Wingard et son scénariste attitré Simon Barrett renverse les clichés et met en place un véritable suspense! Rien que l’intro géniale bouleverse l’ordre établi dans les film d’horreur, et Wingard s’éloigne des conventions du genre pour nous surprendre d’une manière ultra-efficace!
On peut regretter une certaine facilité scénaristique quant aux motivations des tueurs, mais outre cet unique point faible, You’re next est un excellent film d’horreur, qui va nous plonger dans une fête de famille qui tourne au drame en un éclair. Quand l’un des invités est abattu d’une flèche (la pauvre victime n’est autre que le réalisateur Ti West, responsable du génial The Innkeepers!), chacun réagit à sa manière, se mettant en mode panique ou en mode survie selon ses aptitudes et sa personnalité. Erin, qui rencontre sa belle-famille pour la première fois, va faire preuve de capacités d’adaptation étonnantes dans cette situation hors du commun.
Sharni Vinson (Sexy Dance 3: the Battle 3D, ou le très naze Bait) s’avère excellente dans le rôle d’Erin, et l’explication de ses compétences tient la route. Elle va lutter efficacement contre les hommes masqués qui tentent de tuer un par un les membres de la famille, et elle va même réussir à utiliser sa propre bestialité dans des accès de violence impressionnants! A l’opposé de ceux qui restent prostrés face à cette terrible situation, Erin va puiser en elle des ressources insoupçonnées afin d’essayer de survivre! Elle va se servir de toutes ses connaissances afin de bloquer les accès, créer des pièges, et tuer avant d’être tuée!
Adam Wingard est un metteur en scène méticuleux et qui fait preuve d’une grande originalité, et son You’re next impressionne par ses qualités graphiques! La caractérisation des personnages, avec l’iconisation des bad guys notamment, donne un rendu très particulier, les masques à tête d’animaux leur conférant une aura presque surnaturelle. Il y a une réelle volonté de marquer les esprits avec ce choix visuel, et Adam Wingard parvient vraiment à faire peur, en créant des situations tragiques où le Mal frappe aussi implacablement que soudainement.
La BA de The Guest est une pure tuerie, et Wingard faisait déjà preuve de bon goût musical bien avant (son Pop Skull hypnotique et éthéré utilisait habilement un habillage sonore très particulier), et le morceau Looking for the Magic signé Mind the Gap résonnera encore longtemps dans vos oreilles après après vu ce film… Wingard est aussi attentif à l’élaboration très intelligente de ses plans qu’à ses choix musicaux et à leur utilisation. Il se plaît la plupart du temps à utiliser ces morceaux de manière intra-diégétique, c’est-à-dire que la musique fait partie intégrante du film, puisqu’elle est écoutée par les protagonistes. Ce choix donne une dimension supplémentaire au film, puisque la musique va résonner d’une manière double, à la fois dans l’intimité des protagonistes, mais aussi comme un habillage sonore macabre qui va souligner l’inéluctabilité du moment. Adam Wingard maîtrise parfaitement sa partition, et fait partie de ces metteurs en scène qui savent comment intensifier une atmosphère avec une utilisation parfaite de la musique (au hasard, Ti West, Nicolas Winding Refn, James Gunn… sans oublier bien évidemment Akiva Schaffer!!!).
On retrouve au casting A. J. Bowen, qui jouait chez Ti West dans The House of the Devil et The Sacrament, et chez Wingard dans A horrible Way to die, et plus tard dans What fun we were having et The Guest; le metteur en scène Joe Swamberg, qui a co-réalisé Autoerotic avec Wingard (et qui a joué dedans), et qui a participé comme Wingard à l’anthologie V/H/S (tout en jouant dedans), a également joué dans Cabin Fever 2: Spring Fever et The Sacrament de Ti West, et dans A horrible Way to die et What fun we were having de Wingard. Le reste du casting gravite lui aussi autour des 3 metteurs en scène, faisant de You’re next un film de potes largement enrichi par toutes ces connections!
Adam Wingard réalise un film véritablement marquant, qui va aller très loin dans sa visualisation de la violence (la scène au ralenti où la jeune femme court pour sortir de la maison est juste mythique!) et dans sa réappropriation des thématiques chères au genre. Le seul bémol reste la rationalisation des événements, qui perdent un peu en crédibilité, mais toute la virtuosité de Wingard efface allègrement cette faiblesse. You’re next est un survival résolument stressant et sans concessions, de ceux qui vous mettent un bon coup derrière la tête!