NXT : nouvelle ère?

Et si NXT retrouvait enfin des couleurs ? Après une longue période de creux qui aura duré plus de 2 an et demi, est-on en droit d’espérer un renouveau de la mythique Black & Gold Brand ? La période arc-en-ciel ne se sera finalement pas trop éternisée, mais après les Gargano, Ciampa, Undisputed Era, Ricochet, Priest, Ripley et autre Io Shirai, la 3ème division de la WWE peinait à créer du contenu captivant et à mettre en place des storylines qui donnaient envie de suivre l’émission chaque semaine. La qualité des matches était elle aussi bien retombée, et cet état de fait pouvait bien entendu être dû à la prise de fonction de Triple H en tant que CCO lors de l’éviction de Vince McMahon. Le jeu des chaises musicales qui s’en est suivi a forcément cassé l’équilibre qui maintenait l’excellent niveau du show, et il a fallu beaucoup de temps pour réharmoniser l’ensemble…

On ne va pas revenir sur ces 2 ans et demi difficiles, mais on va porter un regard confiant sur l’avenir de l’émission, qui est récemment revenue poser ses valises au Performance Center, le lieu mythique où tout a commencé. La symbolique est forte, et mine de rien cela peut contribuer à générer un regain d’énergie non négligeable pour le show ! J’avais progressivement lâché l’émission, me contentant d’y jeter un oeil distrait de temps à autre, ou simplement en suivant les résultats sur internet, mais depuis peu, j’ai senti que quelque chose se ressoudait, et j’avais l’impression que le sol mouvant se solidifiait enfin. L’un des éléments majeurs de ce changement a sans conteste été l’obtention du titre de North American Champion par Oba Femi. L’athlète nigérian avait de quoi dénoter avec sa stature imposante et son style fracassant, et sa rapide victoire alors qu’il venait d’arriver depuis peu dans le roster apportait un vrai vent de fraîcheur ! Isaac Odugbesan de son vrai nom, a la carrure d’un champion et devrait pouvoir conserver le titre un bon moment ! Du haut de son 1,93 m et fort de ses 124 kilos, le jeunot de 22 ans va tout exploser !!!

Un autre élément incontournable de ce show, c’est la très talentueuse Sol Ruca! L’Américaine avait débuté le 24 juin 2022 et avait surtout explosé le 10 décembre de la même année, avec un finisher qui avait fait sensation sur internet ! Son Sol Snatcher est sacrément acrobatique et elle méritait clairement l’attention portée sur elle à ce moment-là! Mais suite à une blessure en avril 2023, elle avait été écartée des rings pendant plusieurs mois. C’est en février 2024, lors de NXT Roadblock, qu’elle effectuait son retour, et c’est un vrai plaisir de voir évoluer une athlète de ce calibre, pouvant compter sur un backround de gymnaste très impressionnant ! Calyx Harmony Hampton de son vrai nom, est une lutteuse de 24 ans qui a un très bel avenir devant elle, et je la verrai parfaitement en tant que première championne nord-américaine, vu qu’Ava vient de dévoiler l’existence de ce nouveau titre! 😉

Une autre prétendante sérieuse à ce titre est l’américaine Kelani Jordan, qui impressionne aussi par son agilité et son style aérien, et on sent des qualités de gymnaste chez elle aussi ! Le roster féminin s’étoffe vraiment bien en ce moment je trouve, et Fallon Henley qui y est depuis un moment semble enfin y trouver sa place aussi, ce qui fait plaisir. Le glissement progressif de Tatum Paxley qui se met en mode Alexa Bliss est sympa je trouve, et le heel turn de Roxanne Perez lui fait beaucoup de bien ! Il y a pas mal d’avancées dans le vestiaire des femmes, qui donne à nouveau envie de le suivre.

On revient du côté des hommes, avec Nathan Frazer qui monte en puissance et qui peut clairement être considéré comme un Ricochet britannique. Sa rapidité et ses qualités de voltigeur en font un athlète détonnant, et le voir enfin récompensé avec le titre de champion par équipe avec un autre voltigeur, Axiom, ça fait là encore plaisir ! On pense bien évidemment à Carmelo Hayes et Trick Williams, dont l’amitié puis la rivalité (un classique ^^) avait des airs de Gargano-Ciampa, même si la durée et l’intensité était moindre. Mais n’empêche qu’ils ont réussi effectuer la passation entre eux, avec un Williams qui est passé de sidekick à champion potentiel, et leur duo a très bien fonctionné jusqu’au bout. Leurs matches par contre n’étaient pas forcément les plus emballants, on leur préférera sans conteste les Gargano-Ciampa ^^ Mais ils possèdent un vrai charisme et durant un moment, ils étaient presque les seuls à donner un peu d’intérêt au show. Il ne faut pas oublier le tout nouveau Je’Von Evans, qui a seulement 20 ans s’avère très à l’aise dans le domaine aérien ! Avec son physique de gringalet par rapport aux autres, il faut pourtant bien se méfier car son potentiel est très important !

On ne peut pas parler d’NXT sans évoquer Bron Breakker, qui a porté l’émission à bout de bras pendant un peu plus de 3 ans, depuis ses débuts le 24 février 2021. Son personnage de face était puissant, mais son heel turn lui a aussi fait beaucoup de bien, et le voir partir à Smackdown fait un petit quelque chose quand même… Mais il reviendra bien un jour !

On sent donc de semaine en semaine que les lignes se mettent en place, on a quelques fulgurances qui viennent égayer les émissions (les sauts gigantesques de ce bon vieux Joaquin Wilde!), et je croise les doigts pour que ce mouvement se poursuive tranquillement mais sûrement. Peut-on espérer un retour aux belles heures qui ont fait la réputation du show de 2016 à 2020 ? Wait & see… Mais cette évolution semble se poursuivre également à Raw et Smackdown, avec des indicateurs puissants, comme l’obtention du titre Heavyweight Champion par le portoricain Damian Priest, un ancien d’NXT qui avait déjà beaucoup de potentiel à l’époque. Il a fait du chemin Punishment Martinez… 😉

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Leifur James – Wurlitzer

Leifur James est un artiste electro anglais très original, composant des morceaux envoûtants relevant d’une sorte de fusion entre sonorités jazzy, expérimentations electronica et nappes cinématiques, intégrant également pas mal de piano à ses compositions. Le résultat est d’une vraie beauté sonore et nous convie à des moments de flottements hors du temps, et on plonge avec grand plaisir dans son univers atypique. Il sortait en 2019 le single Wurlitzer chez Night Times Stories, qui était accompagné par un très beau clip réalisé par Balázs Simon, un photographe et créateur visuel très talentueux!

 

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La Fièvre saison 1 (2024)

En 2016, Eric Benzekri créait avec Jean-Baptiste Delafon la série Baron Noir, centrée sur la montée d’un homme politique incarné par Kad Merad. Cette année, il fait cavalier seul pour nous concocter La Fièvre, une série possédant également des ramifications politiques, mais prenant également le pouls d’une société sur le point d’imploser. Racisme anti-blanc, racisme systémique policier, fenêtre d’Overton, la série va évoquer des concepts très contemporains et qui sont rarement évoqués à l’écran, et ça fait du bien de suivre une fiction collant d’aussi près au réel!

Tout commence lors d’une soirée de remise de trophées dans le monde du football, quand un joueur noir met un coup de boule à son entraîneur en le traitant de « sale toubab », le terme « toubab » signifiant « blanc » en langue wolof. Le scandale éclate et le club du Racing est sous le feu des projecteurs, avec sa star Fodé Thiam en mauvaise posture après ce geste et ces propos inexcusables. C’est là que va intervenir l’agence Kairos, qui comprend en son sein des spécialistes de la gestion de crise. Eric Benzekri part d’un postulat qui va avoir des répercussions très importantes, et la façon dont il va articuler les différentes ramifications issues de ce scandale va s’avérer passionnante! Benzekri va s’entourer de Laure Chichmanov et Anthony Gizel afin de rédiger un scénario à la fois très dense et d’une très belle fluidité dans sa progression. Les 3 auteurs nous immergent très rapidement dans cette situation tendue et cette forme d’urgence permanente, inhérente à la gestion de crise. On va découvrir les rouages de ce métier s’appuyant en grande partie sur la psychologie collective, et c’est vraiment un régal de plonger dans ces concepts qui vont théoriser les strates sociales afin de tenter de comprendre comment résoudre ce point de friction qui risque d’embraser le pays.

La mise en scène est à l’avenant, et se combine parfaitement avec ce sentiment d’urgence et ce délitement social. Le metteur en scène libanais Ziad Doueiri s’occupe de l’ensemble des 6 épisodes de La Fièvre, et il n’est pas un inconnu pour Eric Benzekri, puisqu’il avait précédemment réalisé 12 épisodes de Baron Noir. Et c’est à souligner, il avait mis en boîte en 2005 un épisode de l’excellente série Sleeper Cell ! Ziad Doueiri parvient à générer une belle  atmosphère délétère, et il est capable de rendre passionnant des séquences dialoguées parfois conceptuelles qui auraient pu perdre les spectateurs. Ici, il n’en est rien, et la cohésion entre la qualité d’écriture et la maîtrise visuelle fait que l’on a du mal à décrocher de cette série, et que le rythme hebdomadaire s’avère rapidement frustrant ! ^^

Nina Meurisse, vue dans BRI ou Le Ravissement, incarne Sam Berger, l’une des communicantes de l’agence Kairos, et l’actrice s’avère excellente dans la composition de ce personnage passionné, possédant une acuité impressionnante dans sa compréhension des événements et des fluctuations sociétales, tout en devant composer avec un HPI la laissant souvent à l’écart par rapport aux autres. L’énergie du personnage est communicative, et on souffre avec elle lorsqu’elle se trouve dans des phases plus difficiles. Sa relation avec son fils est également traitée avec beaucoup de sensibilité, bénéficiant là encore d’un travail d’écriture exemplaire, complétée avec une mise en scène capable de faire ressortir la beauté de ces moments intimistes. Sam est représentative d’une certaine gauche, éclairée et humaniste, qui sent la nation se fracturer et qui a de plus en plus de mal à supporter le poids de cette chute imminente.

Aux antipodes de Sam, on retrouve Marie Kinsky, incarnée par l’excellente Ana Girardot. Quel plaisir de voir cette grande actrice sortir de ses rôles habituels de femme timide ou naïve! Je l’avais vue dans les excellents La Prochaine Fois je viserai le Coeur ou Deux Moi, et également dans l’excellente série La Flamme ^^ Loin des rôles de femme réservée, elle incarne avec brio une comédienne de stand-up usant d’un humour très à droite, qui de son côté possède tout comme Sam Berger une brillante capacité d’analyse de la société, et qui va appuyer là où ça fait mal pour mettre en lumière les problématiques fortes secouant la France. C’est un plaisir de la voir se lâcher dans une interprétation très cynique et machiavélique, et la joute qui se met en place à distance entre Sam et Marie est captivante!

J’ai été agréablement surpris par la prestation de Benjamin Biolay, qui est très bon dans le rôle du patron du Racing, même si j’étais souvent perturbé par sa ressemblance avec Benicio Del Toro ! ^^ Pascal Vannson est excellent dans le rôle de l’entraîneur passionné et qui ne fait pas dans la langue de bois, ça fait plaisir de voir un personnage avec ce caractère fort, et l’acteur le joue parfaitement! Lou-Adriana Bouziouane interprète quant à elle la militante Kenza Chelbi avec une belle ferveur, ce qui va permettre de comprendre les rouages sous-tendant l’activisme politique, et les compromissions qui sont souvent faites pour certains combats. On voit de l’intérieur le fonctionnement idéologique permettant la cohésion des membres, et c’est très intéressant de plonger dans ces coulisses. J’ai par contre trouvé le personnage de Fodé Thiam sans grand intérêt, si ce n’est pour sa fonction même, avec ce point de départ violent. Mais le personnage reste trop lisse et trop simple, et l’acteur Alassane Diong ne parvient pas à le rendre attachant. Johann Dionnet campe avec une belle aisance le politicien Bertrand Latour, qui va s’allier avec Marie Kinsky afin de rallier l’opinion à ses côtés. Et Xavier Robic incarne le patron de Kairos avec une belle humanité, lui qui doit composer avec l’humeur fluctuante de Sam, en étant tout à la fois protecteur et en imposant des limites.

La Fièvre est une analyse passionnante de notre société actuelle, et va confronter les différents points de vue des protagonistes en les articulant avec une belle subtilité. On a en gros une sorte de combat entre la gauche et la droite, mais qui n’a rien de caricatural car le scénario va user d’une plume acerbe et vive afin de s’immiscer dans le cerveau et les pensées de chaque protagoniste, et cette série apparaît comme une sorte de débat entre 2 bords politiques face à la réalité de notre société actuelle. Eric Benzekri décrit des faits et des tendances, sans nous bassiner avec une quelconque bien-pensance qui forcerait le trait pour obliger le spectateur à prendre un parti. On se retrouve face à ces personnages qui sont le reflet de la population, et on se retrouve du coup face à un miroir nous renvoyant à nous-mêmes, et c’est avec une grande intelligence que le créateur de cette série pose des questions très importantes, en nous donnant des pistes de réflexion sans définir quel camp a finalement raison.

L’analyse est très fine, et même s’il va user de quelques tremplins narratifs pour accélérer le processus (après tout, 6 épisodes aussi denses, ça passe vite!), Eric Benzekri va traiter de racisme, de manipulation médiatique (les séquences entre Marie et l’informaticien pour créer des faux comptes sont excellentes), d’arrivisme politique et d’idéologie, pour nous concocter une série puissante et totalement en phase avec la société contemporaine. La Fièvre est un très beau tour de force, dont la fin ouvre des portes pour une suite qui risque de pulvériser cette première saison!

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Monkey Man (Dev Patel, 2024)

L’acteur anglais Dev Patel a été révélé dans le Slumdog Millionaire de Danny Boyle, et on se souvient encore de lui dans l’émouvant Lion. On a aussi pu le croiser dans le très bon The Road Within où il gérait ses TOC comme il pouvait ^^ On savait qu’il était un très bon acteur, on découvre aujourd’hui d’autres facettes de son talent, puisqu’il a co-écrit et mis en scène ce Monkey Man qui est son premier long métrage. Et pour un coup d’essai, on est sacrément surpris par la solidité et la qualité de l’ensemble, avec ce récit d’une vengeance longuement mûrie qui va enfin pouvoir s’exprimer !

Le Monkey Man du titre fait référence à Hanumān, un dieu issu de la religion hindouiste, dont la référence va être bien plus forte que la simple apparence physique. Au-delà du masque du dieu-singe, Dev Patel va baigner son film dans la culture indienne avec ses croyances et ses rites, pour donner une aura mystique originale et dense. Dev Patel inscrit également son film dans l’histoire sanglante de son pays d’origine, en évoquant les émeutes communautaires, qui ponctuent tragiquement la vie des musulmans indiens depuis les années 1950 et la partition du pays. L’approche de l’acteur-réalisateur est donc très sérieuse, et va conférer à ce récit vengeur une belle trame réaliste.

De nombreuses critiques comparent le film avec un certain John Wick, et ça tombe bien, Patel lui-même reconnaît directement la filiation lors d’une scène ! ^^ Le personnage incarné par Keanu Reeves avait aussi de quoi être bien énervé, et c’est intéressant de voir les parallèles entre les 2 héros et leurs films respectifs. Mais celui de Dev Patel s’inscrit dans un cadre plus intimiste et plus désespéré, en iconisant moins son personnage et en recherchant davantage de réalisme que de prouesses graphiques. Mais cela ne veut pas dire que ce Monkey Man délaisse sa partie picturale, car Dev Patel fait preuve d’une aisance cinématographique très étonnante, surtout pour un premier long métrage ! On sent évidemment l’influence de John Wick, mais  également celle du travail de Gareth Evans sur ses séminaux The Raid et The Raid 2, qui resteront des monuments difficilement atteignables !

Avant que l’action se mette à exploser, la mise en place s’avère nerveuse et racée, et on sent le film monter en puissance peu à peu. Lors des séquences plus calmes précédant la tempête, Dev Patel filme avec un sentiment d’urgence sous-jacent, imprimant un rythme soutenu et tendu à son film. Et quand c’est le moment de tout lâcher… Et bien il faut admettre que Dev s’inscrit dans une mouvance johnwickienne qui fait plaisir à voir et qui imprime durablement la rétine ! Il se permet d’ajouter des détails très originaux lors de certains combats, et on ressent d’une manière bien puissante les impacts des coups portés! On savait que Patel était un acteur talentueux, et on lui découvre encore une certaine intensité que l’on n’avait pas forcément vue chez lui, et il excelle dans ce rôle vengeur le portant aux portes de la folie et de la mort ! L’intensité dans son regard, dans la façon dont il façonne son corps, dans la puissance avec laquelle il déverse sa rage, font de ce personnage anonyme une sorte de Baba Yaga version indienne qui ne déplairait pas à notre cher John W. !

Comme dans The Raid (ou dans Dredd !), le personnage va devoir physiquement gravir les étages d’un bâtiment afin de se venger de celui qui tire les ficelles, et cette élévation prend un sens presque religieux avec les différents éléments disséminés le long du métrage. Dans ce genre de films d’action, on a également des phases classiques à respecter, avec une première tentative, une chute, et un retour du héros après une phase initiatique. Cette trame classique va être très intelligemment utilisée par Dev Patel, qui va prendre le temps de traiter chacune des étapes en la replaçant dans le contexte historique difficile de son pays, et les réminiscences du passé vont être primordiales dans la motivation du héros. Le lien très fort avec son passé va s’avérer très touchant, et va contribuer à la fois au réalisme du récit, mais aussi à la justification de tout ce déferlement de violence.

Dev Patel va user de plusieurs techniques visuelles pour mettre en lumière les chorégraphies de ses combats, et on va assister à des séquences très généreuses se permettant de belles originalités. La poursuite habituelle en voiture va être remplacée de manière drôle et efficace ! ^^ Et les combats au corps-à-corps réussissent à être très impactants, grâce notamment à un très beau travail photographique de l’Israélien Sharone Meir, qui a notamment travaillé sur La Dernière Maison sur la Gauche, Mean Creek ou encore Whiplash. Le film bénéficie également d’une très belle musicalité, Dev Patel accompagnant ses séquences au rythme d’une bande-son se mêlant parfaitement à l’action. La séquence de l’entraînement est à ce titre bien originale et captivante, et les sons créés par Jed Kurzel enveloppent efficacement ce récit vengeur !

Monkey Man est une très belle découverte, et mérite son statut de film d’action désespéré et percutant ! Avec un Dev Patel impérial dans un rôle très physique, qui a réussi à gérer le travail d’écriture et la mise en scène avec une très belle puissance !

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Personne ne doit savoir (Claire McGowan, 2019)

Je dois avoir une attirance inconsciente pour les auteurs irlandais en ce moment, puisqu’après avoir dévoré Traqués, La Chaîne ainsi que la trilogie Michael Forsythe d’Adrian McKinty, voilà que je tombe sur Personne ne doit savoir de la romancière Claire McGowan, qui comme McKinty, est originaire du nord de l’Irlande. Le romancier s’est expatrié très jeune vers les Etats-Unis, tandis qu’elle a préféré aller vivre à Londres. Née en 1981, Claire McGowan est attirée très tôt par l’écriture, puisque c’est à l’âge de 9 ans qu’elle rédige son premier ouvrage ! Un livre qui ne sera pas publié, puisque elle admet qu’il ne possède pas grand intérêt ^^ Mais cela prouve un amour réel des lettres, et c’est en 2012 qu’elle se lancera réellement avec la parution de The Fall, qui l’inscrira rapidement dans un courant policier teinté d’une certaine approche psychologique.

En 2019 paraît Personne ne doit savoir, que l’on peut qualifier de roman policier en mode Desperate Housewives. En effet, on va s’immiscer dans l’existence d’une bande d’anciens amis de fac, qui ont plus ou moins réussi à garder le contact depuis tout ce temps, mais qui n’avaient pas été réunis tous ensemble depuis bien longtemps. Alison et son mari Mike vont accueillir les convives dans leur belle maison du Kent, où ils vivent avec leurs enfants Cassie et Benji. Leurs amis sont composés de Callum et Jodi, de Karen et de Bill. Callum et Jodi attendent leur premier enfant, tandis que Karen est une mère ayant élevé seule son fils Jake, et que Bill est un baroudeur sans trop d’attaches. On plonge très rapidement dans cette histoire, car Claire McGowan commence directement par la découverte du drame ayant eu lieu, avant de remonter quelques heures auparavant pour mettre en place toute son intrigue. Sous ses airs de dîner presque parfait, Personne ne doit savoir possède un rythme et une solidité qui étonneront plus d’un lecteur !

En effet, il y a véritablement un côté Agatha Christie ou whodunit à la Hitchcock, avec comme précisé auparavant une touche moderne à la Desperate Housewives. On pourrait croire que ce mélange pourrait donner une certaine artificialité à ce roman, mais au contraire, la maîtrise d’écriture de McGowan parvient à donner une réelle intensité à ce qui de prime abord pourrait n’être qu’une sorte de variation ludique à la Cluedo. Son approche psychologique est capitale pour donner corps aux personnages et pour souligner les terribles enjeux de cette soirée où tout a basculé, et ce qui aurait pu n’être qu’un simple jeu de recherche du coupable se densifie grâce aux identités diverses des personnages et à leur réalisme. Claire McGowan parvient à faire de ce Personne ne doit savoir un véritable page turner, car les découvertes et les révélations vont s’enchaîner à un rythme soutenu, tout en conservant une bonne dose de réalisme.

Mais qu’est-ce qui a bien pu se passer lors de cette soirée, me direz-vous, alors que ces 9 personnages étaient réunis ? Les retrouvailles entre amis ont été marquées par un terrible drame, puisque en pleine nuit, Karen revient du jardin et entre dans la maison avec des marques de strangulation et du sang, en affirmant que Mike l’a violée. Mike est donc le mari d’Alison, le couple accueillant les convives, et cette révélation va ébranler tout le monde. La police arrive rapidement sur les lieux, et l’enquête démarre afin de déterminer les circonstances et les motivations de cet acte odieux. La soirée a été très arrosée et certains ne se rappellent pas tout ce qui s’est passé, ce qui est le cas de Mike notamment. C’est compliqué lorsqu’on est accusé de viol, même s’il affirme tout de même ne pas être capable de perpétrer un tel acte. La petite bulle des amis vole irrémédiablement en éclat, et Alison va tout faire pour prouver l’innocence de son mari.

Mais les révélations successives vont mette à mal chaque tentative de se raccrocher à quelque chose de solide, un peu comme si on avait l’impression de marcher sur un sol dur mais qui va s’avérer juste composé de sables mouvants. Entre les découvertes sur le passé de la fac et les révélations du présent, Alison va se retrouver dans une tempête psychologique des plus destructrices… Claire McGowan use d’une plume très agréable et envoûtante, qui masque sous sa simplicité apparente une efficacité redoutable ! Son livre s’inscrit de manière très intelligente dans la veine #metoo, avec une vision très réaliste des rapports hommes-femmes évitant la binarité du féminisme idéologique habituel. Chez McGowan, les hommes ne sont pas tous des salauds, et les femmes ne sont pas toutes des saintes, ce qui est à la fois très réaliste et permet de garder un véritable suspense dans la narration. La progression de son roman s’avère très solide, et on est vraiment happé par cette intrigue pourtant toute simple, mais dont on veut connaître la résolution. Le fait de faire le pont entre le présent et la période de la fac, en 1996, avec à l’époque un autre drame ayant frappé cette jeunesse dorée, cela procure une certaine complexité à l’ensemble, tout en permettant de mieux comprendre les événements du présent.

McGowan va traiter de thématiques très sensibles, comme la notion de consentement, et elle va le faire avec une vision à la fois neutre et très humaniste. Une fois encore, on est très loin du féminisme actuel, et ça fait du bien de voir une femme traiter un tel sujet avec une sincérité et une ambition détachées du moindre caractère politique ou idéologique! Les dialogues entre Alison et sa fille Cassie, qui est en âge d’avoir ses premières relations sexuelles, vont s’avérer à la fois touchantes et très réalistes, avec cette sorte de pudeur liée au sujet même. On se rend également compte que la jeunesse actuelle est très exposée face à ces sujets, et Claire Mgowan fait également un pont générationnel pour souligner les évolutions face à ces thématiques. Elle va également s’intéresser aux répercutions médiatiques, ainsi qu’à la façon dont les entreprises gèrent ce type de situation. Car l’image d’un homme accusé de viol n’a rien de bon pour une boîte, et c’est là que l’on voit les limites de la présomption d’innocence. Que ce soit au niveau intime, professionnel ou médiatique, Claire McGowan va traiter son sujet d’une main de maître en oubliant aucune strate de son intrigue, et Personne ne doit savoir est un vrai petit régal !

On n’est pas dans un roman d’infiltration, on n’est pas dans de la SF ambitieuse, et pourtant, sous ses airs de bouquin passe-partout, Personne ne doit savoir va développer un véritable suspense et va s’avérer haletant ! Une très belle découverte avec cette auteure irlandaise que je vous recommande fortement !

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