Spenser Confidential (Peter Berg, 2020)

Après Du Sang et des Larmes, Deepwater, Traque à Boston et 22 Miles, Peter Berg retrouve son acteur fétiche Mark Wahlberg pour les besoins de cette production Netflix qui fleure bon l’action et l’humour. Avec la caution scénaristique de Brian Helgeland, (co-scénariste avec 3 autres compères), on a droit à un titre rappelant le L.A. Confidential qu’il avait autrefois rédigé. En bon faiseur hollywoodien (après le moyen 22 Miles toutefois), Berg parvient à gérer son récit bipolaire, parfois joyeux parfois tragique.

C’est dans cet équilibre précaire que le métrage parvient à trouver son originalité et sa personnalité, car le film démarre comme un thriller ultra-sérieux, avant d’offrir une scène de prison classique et fun, même si un peu pantouflarde. Mais ces dissociations constantes vont donner un rythme étrange à ce film, qui va parvenir à rester crédible tout en passant de la comédie au polar. On va avoir droit à quelques scènes bien difficiles et percutantes, et sans crier gare on va avoir un contrepoint humoristique qui débarque. C’est un exercice périlleux mais sur lequel Berg a assuré, et cela donne un Spenser Confidential plutôt attachant et fun.

On est loin du délire méta totalement barge de 6 Underground, autre prod Netflix qui fait dans le bourrin et le gunfight, mais Spenser Confidential peut s’appuyer sur une écriture bien trempée pour ses quelques personnages. Mark Wahlberg assure en tant qu’ancien flic lancé dans une enquête qui lui tient vraiment à coeur, et il n’hésite pas à aller à la confrontation directe, même s’il s’en sort généralement difficilement. La scène avec le chien est à ce titre hilarante! ^^ On a Winston Duke, le M’Baku de Black Panther et Avengers : Infinity War (et aussi le père de famille dans Us!) qui joue un gros balaise en mode bio et tout mignon avec les animaux, ça dénote plutôt pas mal et c’est fun! La comédienne Iliza Schlesinger s’en sort plutôt bien aussi avec ce rôle de femme complètement givrée et qui n’a pas froid aux yeux, quitte à se confronter à une bande de flics véreux! Et on a Alan Arkin, un vieux de la vieille qui va aider tout ce beau monde. Et j’oubliais ce bon Bokeem Woodbine (Overlord, Queen & Slim), toujours efficace!

Sous le couvert d’un film récréatif, Peter Berg nous livre tout de même quelques séquences marquantes émotionnellement, comme avec la découverte de cette voiture accidentée. La mise en scène est très efficace et confère une vraie originalité à cette séquence. On va avoir des tueurs à machette, des bastons de bar, une poursuite piéton-voiture, un bad guy en survêt, une méthode peu orthodoxe pour arrêter une camionnette lancée sur l’autoroute… Berg et Wahlberg partagent un goût similaire pour l’action qui se veut décérébrée mais qui est faite avec intelligence finalement! ^^

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Les news de la semaine : Batmobile 2021

Que serait Batman sans sa Batmobile? Un simple piéton de plus errant dans les rues de Gotham City! Mais il n’en sera rien pour le film de Matt Reeves, puisque la tradition de la belle voiture bourgeoise est maintenue avec The Batman! Je vous laisse découvrir 3 clichés présentant le nouveau véhicule du Chevalier Noir, une sportive plutôt racée qui pourrait concourir à la Course à la Mort de l’An 2000 ! 🙂

 

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Candyman (Bernard Rose, 1992)

4 ans auparavant, le metteur en scène anglais nous livrait son envoûtant et mythique Paperhouse, et il s’engouffre cette fois plus avant dans la veine cauchemardesque. Candyman est un film culte pour toute une génération, la création de ce boogeyman ayant un crochet à la place de l’avant-bras étant assez réaliste pour filer quelques cauchemars aux spectateurs! L’ensemble a certes pris un petit coup de vieux, mais l’atmosphère crépusculaire est toujours active, grâce à ce regard atypique de Bernard Rose amenant un traitement à la la limite de l’onirique à son sujet.

Le générique place d’emblée un regard vertical et vertigineux sur la ville, avec ce réseau d’autoroutes filmé en un lent travelling aérien. Bernard Rose est de ces metteurs en scène naturalistes qui aiment à questionner l’importance de l’environnement urbain sur les agissements humains, et sa démarche se rapproche beaucoup de la sensibilité d’un Godfrey Reggio. La filiation avec le sublime film expérimental Koyaanisqatsi est une évidence, et elle est encore plus claire avec l’appui de la superbe musique de Philip Glass, qui oeuvrait sur l’expérience de Godfrey Reggio. Candyman apparaît comme une sorte d’extension en mode fictionnel de Koyaanisqatsi, empruntant des thématiques similaires et offrant une vision plus horrifique de l’exploration de la nature humaine.

Si Candyman a autant marqué les esprits, c’est parce qu’il parle à notre subconscient à travers des séquences étranges et atypiques, créant des connexions avec nos peurs profondes. Cette légende urbaine de l’homme au crochet renvoie bien évidemment au conte macabre initial (relaté par Stephen King dans son excellent Anatomie de l’Horreur) qui a fait frissonner tant d’ados autour de feux de camp! En utilisant une imagerie ancrée dans l’inconscient collectif américain, Bernard Rose accentue l’impact de son boogeyman, et l’ambiance éthérée et macabre qu’il crée achève de lui conférer une aura immortelle. Il faut dire que la prestation de Tony Todd dans le rôle-titre est assez glaçante, avec ses brusques apparitions statiques… 2 ans auparavant, il incarnait Ben dans La Nuit des Morts-Vivants de Tom Savini, et Candyman l’inscrira définitivement comme un acteur incontournable dans le domaine horrifique. Sa voix gutturale, son regard transperçant et sa présence inquiétante en font un personnage bien flippant, et la pauvre Virginia Madsen a du mal à résister à son attractivité malsaine.

On a pu croiser la soeur de Michael Madsen (Reservoir Dogs) dans Dune ou Highlander, le Retour, et elle campe ici une étudiante s’intéressant aux légendes urbaines, qui ne croit pas à ces mythes mais qui est fascinée par la capacité de l’humain à perpétrer des actes tout en se cachant derrière ces croyances. Quand la légende dit que le Candyman apparaît lorsqu’on prononce 5 fois son nom face à un miroir, elle va évidemment être tentée de tester l’incantation… C’est à partir de là que d’étranges et sanglants événements vont avoir lieu autour d’elle… Bernard Rose va créer des séquences graphiquement fortes, qui vont très souvent se situer aux limites du réel et de l’imaginaire, un savoir-faire qu’il gère depuis son sublime Paperhouse! Sa manière de personnifier le Candyman est impressionnante, avec ces grouillements d’abeilles notamment! Pour la petite histoire, vu que le tournage se passait avec de vraies abeilles, Tony Todd avait négocié une prime de 1000 dollars par piqûre! Et comme il s’est fait piquer 23 fois, ça a considérablement rallongé son salaire ! ^^

Le quartier de Cabrini-Green à Chicago est le lieu principal de tournage, proposant une délocalisation à la nouvelle de Clive Barker qui est à l’origine du film. The Forbidden se déroulait en effet à Liverpool, mais ce quartier pauvre de Chicago était incroyable pour Bernard Rose, car il y sentait que la peur était palpable. La dimension qu’il en donne est en effet impressionnante, avec ces grands ensembles sinistres ressemblant à une jungle de béton. Bernard Rose s’intéresse aussi au street art, avec ces fresques murales de toute beauté, notamment celle représentant Candyman! Il y a une force émanant de ce quartier et qui en parcourt les artères, mais c’est une puissance maléfique avec laquelle les habitants sont contraints de vivre. Le contexte social est traité là encore frontalement, avec des flics qui refusent de venir lorsque des Noirs se font tuer, mais qui interviennent rapidement quand une Blanche se fait agresser…

Candyman est un film très intéressant qui doit se replacer dans son contexte, puisqu’il a effectivement vieilli, mais il conserve malgré tout une très belle aura grâce à la mise en scène de Bernard Rose et à la musique de Philip Glass! Et dernière anecdote, le premier choix pour le rôle du sinistre personnage hantant ce quartier n’était pas Tony Todd, mais… Eddie Murphy!!! Heureusement, il coûtait trop cher, car son aura comique aurait très certainement atténué la portée de ce film!

 

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Le(s) clip(s) de la semaine : Arthur S et le Professeur Inlassable

Drummers & Gunners est un album in(c)lassable et situé hors du temps, qui selon une analyse au carbone 14 daterait quand même de 2014. Mais ça reste à vérifier… C’est l’union de 2 artistes aux influences très variées, allant piocher du côté du jazz, de l’electro, du hip-hop ou encore de la soul. Arthur S caresse les instruments (batterie, piano, violon°, tandis que le Professeur Inlassable joue des platines et autres appareils électroniques pour triturer tous ces sons et en faire ressortir une ambiance des plus étrange et envoûtante.

L’alliance entre ces 2 artistes donne naissance à une créature hybride aux sonorités multiples, et je vous invite à découvrir l’excellente intro de cet album ainsi que le morceau-titre joué en live!

 

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Cutterhead (Rasmus Kloster Bro, 2018)

Après avoir mis en scène 3 courts métrages (Kys min bror en 2010, Liv en 2011 et Barvalo en 2012), le Danois Rasmus Kloster Bro nous livre un premier long très impressionnant avec Cutterhead! En racontant la descente de la photographe Rie au sein d’un tunnel en construction pour le futur métro de Copenhague, il va nous mener tout droit dans un récit terriblement étouffant, et pour cause, la raréfaction de l’air va se faire rapidement ressentir!

Cutterhead est un film à éviter pour toutes les personnes claustrophobes, tandis que les autres plongeront totalement dans ce survival devenant de plus en plus extrême, alors que tout commençait comme une simple mission de routine. Rie est chargée par la direction de la société d’excavation de prendre des photos de leurs ouvriers, afin de raconter leurs histoires et de donner une voix à ces travailleurs anonymes. Elle va donc rencontrer des gens de toutes nationalités, et notamment l’un des chefs de chantier, le Croate Ivo, et son apprenti, l’Erythréen Bharan. Alors qu’une émanation de monoxyde de carbone est détectée et qu’un départ de feu a lieu dans le tunnel, un des responsables place Rie dans le caisson du tunnelier (l’appareil permettant le forage, avec une tête de coupe à l’avant, donnant son nom au film) afin de la protéger de l’environnement devenu dangereux. Elle va se retrouver dans cet espace confiné, tandis qu’Ivo et Bahran se trouvent aussi dans la machine mais de l’autre côté.

Commence alors une course contre la montre et une rapide descente aux enfers, car le feu à l’extérieur se nourrit de l’oxygène, lequel va donc se raréfier très vite. Coincés dans leur coque d’acier, les 3 personnes sont dans l’impossibilité de sortir. De plus, comme Ivo et Bharan étaient en train de travailler sur l’excavation, ils n’ont pas la même pression dans leur partie du caisson que Rie. En effet, lors de travaux de ce type en milieu souterrain, afin d’éviter que les terrains s’effondrent, une pression est maintenue sur la tête de coupe. L’air se retrouve donc comprimé à l’avant de la machine, et les travailleurs évoluent en milieu hyperbare. C’est notamment le cas d’Ivo et Bharan alors que l’incendie se déclenche. Il va donc falloir que Rie égalise la pression si elle veut les rejoindre, ce qui va déjà bien la marquer physiquement.

Et ce n’est que le départ de cette aventure en mode survie, dans laquelle les personnages vont puiser dans leurs réserves les plus profondes et les plus instinctives. Alors qu’il ne faut pas céder à la panique pour ne pas consommer trop d’oxygène, l’atmosphère va se déliter et va mettre à mal l’esprit d’équipe du trio. Les failles de chacun vont se révéler tandis que le danger se fait de plus en plus imminent, et la nature humaine va se dévoiler dans ce qu’elle a de plus viscéral et instinctif. Christine Sønderris impressionne par son jeu bien extrême, et au travers du personnage de Rie, nous fait vivre une expérience extrêmement difficile. On sent littéralement ses difficultés à respirer et à se prémunir de la chaleur dans ce milieu hostile. L’actrice croisée brièvement dans la série The Rain livre une composition viscérale qui ne laisse pas indifférent! A ses côtés, l’acteur croate Kresimir Mikic est lui aussi très bon dans le rôle de ce chef de chantier qui tente de garder le contrôle de la situation, tandis que le Danois Samson Semere, pour sa toute première participation à un film, s’avère également très juste dans son jeu.

Rasmus Kloster Bro nous place dans une ambiance résolument claustrophobique et anxiogène au possible, et va jouer avec nos nerfs et nos sensations physiques de manière impressionnante. On a vraiment l’impression de se retrouver piégé avec les 3 protagonistes, et d’être en mode survie à leurs côtés! La promiscuité dans le caisson, la vision très limitée de l’extérieur du tunnel, la solitude, l’absence de lumière dans les profondeurs… Bro va user d’une mise en scène totalement immersive et sensitive pour nous faire vivre une expérience très traumatisante, et Cutterhead est une réussite totale dans le genre, avec une approche minimaliste allant droit à l’essentiel. Et l’essentiel ici, c’est de respirer… Alors quand on a du mal à reprendre son souffle, c’est terrible et ça se ressent même à travers l’écran. Une expérience difficile mais finalement passionnante!

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