M.J. Arlidge (M. pour Matthew) est un romancier, scénariste et producteur anglais, qui a oeuvré sur plusieurs séries télé britanniques, dont la plus connue est Affaires non classées. Il entame en 2014 le cycle littéraire consacré à l’inspectrice Helen Grace et son équipe de Southampton, et l’auteur s’avère très prolifique, puisqu’il rédige en moyenne 2 livres par an! Am Stram Gram est le 1er bouquin centré sur Helen, et il sera suivi par 7 autres romans et 2 novellas (livres dont la longueur se situe entre la nouvelle et le roman).
Les héroïnes féminines ont la côte en ce moment, et ce n’est pas l’enquêtrice norvégienne Sarah Geringën qui dira le contraire! Helen Grace est nettement plus bourrine que son homologue venue du froid, et si elle se pare elle aussi d’une mystérieuse culpabilité, elle la traite de manière plus violente avec des méthodes SM lui laissant des marques bien durables. Helen est une femme qui doit se maintenir à flot sans jamais laisser transparaître le moindre signe de faiblesse, et elle excelle dans cet art de mener ses troupes à la manière d’un roc inébranlable.
Quand on lit les 4ème de couverture de tous ces bouquins policiers, on se rend compte que le point de départ est toujours similaire : un cadavre retrouvé témoignant d’une mort atroce et mystérieuse, un ou une flic tourmenté résolu à mener l’enquête quoi qu’il en coûte, des zones d’ombre et une culpabilité latente dans la vie de ce flic. A chaque fois, on entame un récit qui semble déjà vu (ou plutôt lu ^^), et pourtant on y replonge avec plaisir. Car à chaque fois, chaque auteur va travailler ses personnages à sa façon, nous amenant à nous attacher à chaque personnalité, et surtout à chaque faille qui nous renvoie finalement aux nôtres. C’est toujours ainsi que l’on procède schématiquement, que ce soit dans les livres, les films ou les séries : on va s’intéresser aux brisures des personnages, et on ne va pas pouvoir s’empêcher de s’approprier les persos, car ils nous parlent de manière intime.
Ce premier roman de cette série est également le tout premier roman de M.J. Arlidge, et il parvient à nous intéresser à une enquête bien spéciale. Car si on a évidemment les cadavres qui s’enchaînent, on a la particularité d’avoir des survivants qui viennent témoigner de leur calvaire! En effet, le meurtrier procède d’une manière bien vicieuse, en capturant 2 personnes en même temps, en les isolant dans un lieu dont ils ne peuvent pas s’échapper, et en leur proposant un jeu bien morbide : tuer ou être tué. Et bien évidemment, le survivant sort totalement détruit de cette épreuve, même s’il reste physiquement en vie…
Am Stram Gram va dérouler un récit bien glauque en dévoilant des scènes de survie sacrément trash, ce qui va permettre de souligner toute l’urgence de cette enquête. Les flics jouent constamment contre la montre tandis que le meurtrier perpétue ses crimes en manipulant ses victimes de la plus horrible des manières. Ce n’est jamais le meurtrier lui-même qui appuie sur la gâchette, mais il force les victimes à effectuer des choix impossibles. L’impact psychologique est énorme, et Arlidge nous confronte frontalement aux ravages de cette méthode fondamentalement destructrice. L’inspectrice Helen Grace va devoir puiser dans toutes ses réserves afin de parvenir à comprendre la logique du tueur, et elle aura besoin de l’aide de l’ensemble de son équipe, dont les personnages sont là aussi traités avec soin.
Ce roman est bien retors et Arlidge a le don de nous mener dans la bataille sans nous laisser le temps de souffler, avec des chapitres très courts et une analyse intelligente de son enquête, doublée d’une progression bien riche. Le seul reproche qu’on pourra lui faire, c’est sur la divulgation tardive de l’identité du tueur. Ce n’est pas le timing en lui-même qui pose problème, car au final dans un roman policier c’est très souvent dans les dernières pages que l’on dévoile qui est le bad guy. Mais selon l’identité de ce tueur-là, des pistes ont été volontairement mises de côté pour le besoin littéraire, ce qui donne un léger aspect factice. Cela n’ôte en rien la qualité bien prenante de ce roman, que j’ai dévoré en quelques jours. Mais en même temps, si cette piste avait été évoquée plus tôt, l’identité aurait été dévoilée bien trop tôt également. Bref, cela n’empêche pas Am Stram Gram d’être une belle réussite, qui n’atteint certes pas la perfection du Cri ou de Complot, mais qui dans un genre plus linéaire fonctionne très bien!