Les films du Sony’s Spider-Man Universe ont cette particularité d’être à chaque fois attendus avec davantage de craintes que de hype. Après un Venom s’étant fait bâcher par la critique, et un Venom : let there be Carnage qui enfonçait le clou, les reviews de Morbius étaient sans appel et promettaient une descente aux enfers encore plus profonde que les opus précédents. Pour ma part, j’avais trouvé le premier Venom bien fun, parvenant à jouer in extremis avec le PG-13, et j’ai même confirmé ça après un second visionnage ^^ Par contre, le Carnage de Cletus Kasady m’a anéanti, et j’avais de grosses craintes sur ce Morbius, à la vue d’une campagne d’affichage relativement laide et insipide…
J’y suis donc allé sans grand espoir, sachant à quel point Sony est capable d’anéantir les bons acteurs qu’il embauche, faisant passer Tom Hardy de monstre sacré à loser beauf sans carrure… Je me doutais bien que Jared Leto pourrait souffrir du même traitement lors de sa prestation de Michael Morbius, mais il parvient tout de même à surnager davantage que Tom. Là où les critiques assassines plaçaient Morbius encore plus bas que Venom : let there be Carnage, je n’irai pas jusque-là, mais je ne le hisserai pas spécialement haut non plus.
Le gros problème de ces films à répétition, c’est justement qu’ils recyclent ad vitam aeternam les mêmes procédés et les mêmes schémas narratifs. Combien de fois a-t-on déjà assisté à la lutte d’un héros ne maîtrisant pas son pouvoir, quand son homologue maléfique bénéficie de pouvoirs similaires et en use avec machiavélisme et perversité? Il suffit par exemple d’aller voir du côté de Venom tiens, ou tiens encore plus près, du côté de Venom : let there be Carnage par exemple? Mon Dieu, est-ce que Sony ne se rendrait compte de rien??? On en déduira donc judicieusement que la même recette insipide sera utilisée pour le prochain Kraven the Hunter, qui sera forcément placé face à un autre redoutable chasseur, histoire de passer pour le plus gentil des 2 personnages…
Et c’est là toute la faiblesse de ce Sony’s Spider-Man Universe, qui n’a légalement pas la possibilité d’utiliser la figure pourtant indispensable du Tisseur. Quand un Venom, un Carnage, un Morbius ou un Kraven prennent toute leur ampleur face au héros arachnéen, qu’en est-il lorsqu’ils sont privés de leur plus grand ennemi? Ils se retrouvent à errer pendant 1h30-1h40 (la durée est un très bon choix par contre) en tentant d’être le plus gentil possible dans ce monde de brutes. Un Symbiote extra-terrestre adepte de la décapitation, un tueur en série, un vampire… On s’attend à chaque fois à des films gores et très sombres, et le résultat est à systématiquement bien plus aseptisé que ce que l’on est en droit d’espérer. Dans le cas de Morbius, ça en devient sacrément ridicule avec les poches de sang artificiel créé par le Dr Michael Morbius, dont la couleur blanchâtre permet d’éviter les effusions de rouge… Et même quand des gens se font mordre, éventrer ou éborgner, ça ne tâche pas, pas la peine d’appeler Damage Control pour venir nettoyer le sol! Après tout, il faut bien que les enfants de 6 ans puissent venir voir les aventures de ce vampire trop gentil et trop mignon avec sa capuche…
Pour le charisme du personnage, on repassera donc au vu du passage à la moulinette de la personnalité ambivalente du Morbius des comics. Le personnage tourmenté et maudit ressort un petit peu avec Leto, mais à aucun moment il ne semble prêt à franchir la limite le séparant des bad guys. C’est cette dualité permanente qui rend le personnage intéressant dans ses aventures de papier, avec à chaque instant cette possibilité de basculer dans le Mal, et cet aspect addictif bien poussé. Le personnage de Morbius est à la fois une allégorie de la dépendance à la drogue, et du serial-killer, et il doit à chaque seconde réfréner ses plus bas instincts. Le film propose quant à lui une version bien plus expurgée de ces thématiques, avec la certitude que le personnage ne franchira jamais la ligne jaune. Parce que sinon, comment pourrait-on vendre des déguisements et des figurines à son effigie pour Nöel??
Il paraît sinon que Daniel Espinosa est derrière la caméra, et on peut émettre de sérieux doutes quand on se rappelle des très bons Sécurité rapprochée et Life, Origine inconnue. On sent une fois encore le carcan imposé par les studios faisant dans le super-héroïque, qui peinent à lâcher la bride à leurs metteurs en scène. Et à l’ensemble du staff en fait… Morbius est un énième étalage de CGI immondes balancés dans des séquences virevoltantes histoire de ne pas avoir à poser la caméra, et cette stratégie du mouvement bordélique est franchement fatigante… Que dire du choix de ces trainées violettes pour mettre un peu de couleur dans ce monde si sombre? Et pourtant, il y a quelques idées sympas, comme le système d’écho-location de Morbius, même si celui de la première saison de Daredevil s’avère plus réussi. Et j’ai failli oublié ses ralentis dégueulasses qui ne mettent rien du tout en valeur! Voilà voilà…
Le personnage incarné par Matt Smith (Doctor Who) est d’un ridicule total, sans que cela semble déranger l’acteur, et on a réellement l’impression de se retrouver dans une pauvre série fantastique des années 90, avec ce maquillage dégueulasse qui donne plus envie de rire, ou de pleurer, mais pas de flipper… Je pense qu’on tient là un des pires persos de l’univers Marvel, et je ne crois même pas qu’il existe dans les comics. Et franchement, je n’ai même pas la foi de chercher… Adria Arjona (True Detective, 6 Underground) fait ce qu’elle peut avec le personnage féminin qui est le love interest classique, et elle parvient à rendre crédible sa Martine Bancroft, même si le script n’a pas grand-chose à lui offrir. Le reste du casting joue poliment, et on se retrouve donc encore une fois face à une oeuvre qui se veut calibrée, mais qui dans son absence de prise de risques et d’innovation, ne parvient à avoir que très peu de prises vis-à-vis du spectateur. On retiendra quelques plans où Morbius a vraiment la tronche de son homologue de comics, mais qu’est-ce que c’est dommage de mettre ces plans de changement de visage qui sont franchement hideux…
Bref, le Sony’Spider-Man Universe est loin d’être sauvé, et Spidey manque cruellement, car si les personnages avaient été utilisés en tant qu’ennemis du Monte-l’Air, ils auraient certainement eu davantage de charisme et d’ampleur. Mais là, en voulant à tout prix les faire passer pour des héros, ça ne fonctionne juste pas… Edulcorer un vrai personnage de méchant pour le faire rentrer dans le moule du super-slip, c’est clairement la mauvaise idée de ces dernières années, comme peuvent en attester douloureusement Suicide Squad et The Suicide Squad tiens également… Tant que Peter Parker ne viendra pas distribuer une bonne fois pour toutes des mandales à tout ce beau petit monde, on devra se contenter de films de niche qui répéteront la même rengaine pendant de longues années… On regarde ce genre de film sans en comprendre l’intérêt réel, tant les personnages vivotent dans leur coin sans trouver d’ennemi à leur hauteur… Bon, sinon il y a 2 scènes post-générique, je vous laisserai juger de leur intérêt…