Suicide Squad (David Ayer, 2016)

Bon, par où commencer… DC aura payé un lourd tribut en 2016, avec la débâcle Batman v Superman: l’Aube de la Justice, que j’avais pour ma part trouvé sympa, tout en comprenant que les puristes en soient ressortis déçus. Mais ce n’est rien comparé au cas Suicide Squad, film que l’on nous promettait aussi fun que badass, et qui allait donner un grand coup de pied dans la fourmilière en proposant enfin un récit composé principalement de bad boys & girls, dont certains des plus mythiques de l’univers DC! Bon, un film de psychopathes classé PG-13, y a pas un truc qui choque dès le départ?? A la fin de la projection, une chose est certaine: c’est clairement un film de producteurs qui n’avaient strictement aucune envie d’utiliser une once du potentiel explosif qu’ils avaient entre les mains…

On va commencer par le réalisateur David Ayer, capable du bon (End of Watch, Fury), et du pire (Sabotage). Suicide Squad appartient indéniablement à la seconde catégorie, et c’est impressionnant de voir à quel point le metteur en scène peut passer de l’investissement profond au désintérêt le plus total selon les films… Si les bande-annonces trompaient leur monde de manière très efficace en injectant un rythme soutenu et une ambiance bien barrée, le long métrage se cachant derrière ces artifices ne tient pas la route et s’effondre dès le départ. Pour la défense d’Ayer, on pourrait certainement arguer qu’il avait les mains liées sur un projet d’une telle envergure… Mais comme il a également écrit lui-même le scénario, on peut finalement en conclure qu’il ne s’agit pas d’un manque de motivation de sa part… On sait que le film a eu droit à des reshoots après un premier montage qui n’était pas satisfaisant, mais j’ai du mal à croire que la version précédente ait pu apporter tout ce qui manque cruellement dans le film…

On nous promettait un Joker ravageur, une Harley Quinn déjantée, un Deadshot sans pitié… Mais le film ne rend pas un seul instant hommage à ces personnages issus de la culture populaire, dont les comics sont parvenus à en faire des figures du Mal absolu de la plus belle des manières, selon les scénaristes qui s’attelaient à la tâche. Le Joker est synonyme de bad guy ultime, et l’aura d’Alan Moore perdure encore 38 ans après Batman: the killing Joke! Mais n’espérez pas en voir la moindre parcelle dans cette adaptation, qui a tout simplement décidé d’édulcorer tous ses personnages, même le plus mythique! Jared Leto nous livre ce qui restera probablement comme la pire prestation de sa vie, totalement inutile et à la limite de la parodie. Il faut dire que la VF n’aide en rien, mais le peu de marges de manoeuvre qu’on lui a laissé ne permet certainement pas de sauver sa prestation. On est pas près d’oublier Heath Ledger…Quand le pire bad guy de DC est traité de cette façon, avec un manque de respect total au point de lui laisser un temps de présence plus que limité, le reste du film n’a plus grand-chose à sauver…

On parle d’Harley Quinn? La promo clairement centrée sur la psychopathe sexy donnait sacrément envie de découvrir la prestation de Margot Robbie, qui fait illusion dans la première partie du film. mais on s’aperçoit rapidement qu’elle aussi se retrouve ultra-limitée dans ses possibilités, et qu’elle est condamnée à jouer la nana déjantée de service en sortant des vannes à chaque scène… Le personnage qui promettait une belle bouffée d’oxygène dans le monde des super-vilaines badass ne touche que du bout du doigt ce qu’elle aurait pu être, et tout le problème vient de l’écriture du métrage, qui se complaît dans des personnages rigides et sans évolution possible. Suicide Squad, c’est le film de commande par excellence, dont on a voulu faire un blockbuster accessible à tous, et qui y perd intégralement son âme.

Deadshot? Will Smith fait du Will Smith, et il met de temps en temps la cagoule de Deadshot pour rappeler qu’il incarne quand même un personnage DC… Il nous ressert le même rôle bienveillant et paternaliste qu’il traîne dans sa filmographie depuis des décennies, et qui n’est pas mauvais en soi, mais qui est tout simplement inadapté à ce film. On s’attend à un film violent et subversif, et on se retrouve face à un produit ultra-calibré aussi fade qu’inoffensif… Dire que l’on est déçu est un doux euphémisme, tant la sensation de s’être fait littéralement arnaquer par les producteurs est grande! On a en plus droit à des méchants que même des réalisateurs des années 90 n’auraient pas osé mettre dans leur film… Quoique, pour faire équitable, Bryan Singer a bien osé nous en livrer un tout aussi moisi dans son X-Men: Apocalypse cette année… Et j’ai même pas envie de parler des autres personnages, Killer Croc, Diablo, Katana, Captain Boomerang… Il n’y a pas un seul personnage dont l’histoire est intéressante, et chacun a droit à son background sans profondeur psychologique, et il y a de quoi être consterné devant un tel étalage de poncifs…

Il n’y a strictement rien à sauver dans ce film, dont le traitement lisse tous les éléments de la manière la plus flagrante qui soit. Suicide Squad était censé mettre tout le monde d’accord et asseoir le DC Extended Universe, mais il risque clairement de mettre tout le monde d’accord sur un point: Marvel est en train de rafler haut la main le combat entre les Big Two!!! Aaaah si!!! J’oubliais… Les choix musicaux sont excellents, et intensifient d’autant plus la vacuité de l’ensemble! Quand les images ne rendent pas hommage aux sons sublimes qui les accompagnent, que reste-t-il dans un film? Bref, si vous hésitiez à aller le voir, n’hésitez plus, n’y allez pas!!! Je vous conseille plutôt d’aller voir Insaisissables 2, qui est dans la lignée du 1er et qui est bien plus sympathique! 😉