Prison (Renny Harlin, 1987)

Le film carcéral est un sous-genre à part entière dans les années 80, auquel se sont frottés Stuart Rosenberg avec Robert Redford (Brubaker, 1981), John Huston avec Michael Caine et Sylvester Stallone (A nous la Victoire, 1981), ou encore John Flynn avec à nouveau Stallone et Donald Sutherland (Haute Sécurité, 1989). Dans un contexte social de forte répression (la flambée du crack cette décennie y est pour beaucoup), les scénaristes traitent de la condition humaine à travers ce microcosme aux règles tacites et au système économique particulier, pour donner une résonnance de cette époque à travers le regard de détenus aux histoires très variées.

En 1987, Renny Harlin est encore un parfait inconnu du côté d’Hollywood, mais il compte bien courtiser les producteurs afin de se faire un nom. Renny Lauri Mauritz Harjola de son vrai nom, est un metteur en scène finlandais aux allures de Viking et à la volonté d’acier. Son tout premier long métrage, Frontière interdite, est déjà une co-production américano-finlandaise, qui voit un trio de jeunes Américains traverser la frontière finno-russe en pleine Guerre Froide, avec les conséquences dramatiques que cela engendre. Avec ce film clairement pro-Ricain, il brosse l’Oncle Sam dans le sens du poil et obtient la possibilité de démarrer une carrière aux USA avec un film de genre typique de l’ère VHS, le classique Prison.

Ecrit par Irwin Yablans (producteur exécutif sur La Nuit des Masques et Halloween II)  et C. Courtney Joyner, Prison va se parer d’atours horrifiques et fantastiques qui vont peu à peu imprégner le schéma classique du film carcéral, lui apportant une lecture originale et graphiquement inspirée. Harlin s’empare de ce projet avec un plaisir sincère, et le Viking ayant un terreau nocturne très fertile au niveau des cauchemars (c’est d’ailleurs un des arguments qu’il aura avancé au producteur Robert Shaye pour obtenir la réalisation du Cauchemar de Freddy l’année suivante) crée des séquences salement morbides avec l’aide du spécialiste des SFX John Carl Buechler (Dolls – les Poupées de Stuart Gordon en 1987, Vendredi 13, Chapitre 7 : un nouveau Défi en 1988, Le Cauchemar de Freddy, tiens, en 1988 ^^, Halloween 4 en 1988 et plein d’autres). On sent une vraie connivence entre les 2 hommes pour créer une prison quasi-organique, qui vient bouffer peu à peu ses habitants. La mort de celui qui tente de s’évader en douce est d’une grande perversité, avec cet ensemble de tuyaux se resserrant peu à peu, jusqu’au dernier lui transperçant le front!

On revoit ce genre de péloches avec grand plaisir, et on sent clairement l’époque bénie pour le fantastique et le gore. Le fameux éclairage bleuté à la X-Files : Aux Frontières du Réel m’aura durablement marqué à l’époque, et fait partie de ces techniques classiques et efficaces pour assurer une ambiance angoissante. Harlin gère parfaitement ses projecteurs et crée une atmosphère glaçante, et va jouer sur la sensibilité du spectateur en nous balançant sans prévenir une séquence brulante avec les cellules chauffées à blanc! L’effet est impressionnant, avec les chaussures qui fondent et collent au sol, la sensation de chaleur infernale qui commence à faire suffoquer et à créer des cloques, et là encore, le travail de John Carl Buechler s’avère remarquable! Renny Harlin prend son film très au sérieux, et veut totalement impliquer le spectateur dans ce que vivent les prisonniers.

Il soigne donc ses séquences, et parvient à mettre sur pied une série B qui s’avère très solide, grâce notamment à une galerie de personnages diversifiés. On retrouve un tout jeune Viggo Mortensen, qui n’avait alors tourné que dans une poignée d’oeuvres (Witness : Témoin sous Surveillance en 1985, son 1er film aux côtés d’Harrison Ford, une apparition dans Deux Flics à Miami en 1987), et qui va incarner une sorte d’archétype du film carcéral : le beau gosse mystérieux et taiseux, un peu à la façon Clint Eastwood, dont on ne connaît pas grand-chose du passé et qui va savoir comment se faire respecter. Lane Smith est vraiment bon dans le rôle du directeur de prison intraitable, et on l’a notamment croisé dans L’Aube Rouge, V, Mon Cousin Vinny… Il joue un homme en proie à de terribles cauchemars, qui sont la résurgence d’un fort sentiment de culpabilité. Chelsea Field aura traversé les décennies en participant à quelques séries B classiques mais de manière discrète, avec notamment Commando, Les Maîtres de l’Univers, Le dernier Samaritain, La Part des Ténèbres, et on peut encore la voir aujourd’hui dans NCIS : Nouvelle-Orléans! Elle doit lutter contre le directeur de prison pour tenter d’apporter un peu d’humanité dans cet univers étouffant, et elle est totalement contre la réouverture de cette prison.

Après une fermeture de 20 ans, le pénitencier de Creedmore est en effet réhabilité, alors que les lieux sont encore totalement vétustes. Mais le pire n’est pas l’absence de sécurité des lieux, mais la présence maléfique planant à travers les cellules. Le directeur pressent cela à travers ses cauchemars, et il va se rendre compte qu’ils sont une manifestation d’une réalité bien plus terrible… Renny Harlin sait comment alimenter l’angoisse à petite dose, et s’approprie le script de Yablins et Joyner en y greffant des thématiques fortes. On pense notamment au personnage très croyant qui va prier et se scarifier, renvoyant directement à un film de la même année, Predator, avec cette fameuse scène de Billy s’offrant à la Bête… Prison est un des actioners 80’s très efficace qui n’ont pas eu le succès qu’ils méritaient, mais il faut dire qu’il était confronté à pas mal de concurrence à l’époque!

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