Marvel’s Cloak & Dagger saison 1 (2018)

Si de très nombreux personnages Marvel ont été créés par les légendaires Stan Lee, Jack Kirby et Steve Ditko, d’autres scénaristes et dessinateurs ont pris le relais au fil des décennies pour développer le catalogue de l’éditeur. La Cape et l’Epée sont deux héros indissociables apparus pour la première fois dans Spectacular Spider-Man 64 datant de mars 1982, où ils affrontaient le héros arachnéen. Leur origine sombre et urbaine est due au scénariste Bill Mantlo (qui a adapté les jouets les Micronautes et Rom en comics chez Marvel) et au dessinateur Ed Hannigan. Dans les comics, Tyrone Johnson (la Cape) et Tandy Bowen (l’Epée) sont des adolescents kidnappés par la mafia et sujets à des expériences scientifiques, ce qui leur donnera leurs pouvoirs complémentaires.

Le succès des adaptations Marvel ne fléchissant pas, que ce soit au cinéma ou à la télévision, il est intéressant de commencer à voir apparaître des personnages moins connus de la Maison des Idées, et pour lesquelles la pression est moindre. Quand Stephanie Savage et Josh Schwartz se sont occupés de la production de Runaways, l’adaptation du comics Les Fugitifs, ils n’étaient pas attendu au tournant comme Steven S. DeKnight et sa première saison de Daredevil! Et quand on voit le résultat de leur série ado, on se rend compte que même si les personnages sont mineurs comparés à Captain America, Iron Man ou Hulk, ils ont de très belles histoires à raconter et avec des auteurs impliqués, il y a de quoi faire rêver même sur petit écran! Runaways était une très belle surprise de la part de la chaîne Hulu, et le constat est similaire avec ce Marvel’s Cloak & Dagger provenant de chez Freeform!

On sent une écriture libérée et une très grande latitude laissée à Joe Pokaski, scénariste et producteur sur Heroes et tiens, Daredevil notamment, ce qui a pour résultat de teinter ces 10 épisodes d’une très belle ambiance. Et quand en plus on délocalise l’action de New York à La Nouvelle-Orléans, la caution culturelle et dépaysante s’avère très rafraîchissante! Au fil des épisodes, l’histoire et l’atmosphère si particulière de cette ville vont prendre de l’importance, et là encore, il y a un constat similaire avec Runaways, qui nous livrait une très belle dimension de Los Angeles. Les auteurs des shows respectifs ont chacun pris leur temps pour se concentrer sur cette dimension, et pour raconter un récit s’immisçant pleinement dans les lieux où s’agitent les protagonistes, et cette attention aux détails est un atout précieux. Marvel’s Cloak & Dagger va elle aussi prendre le temps de nous présenter ses personnages, qui vont appréhender leurs pouvoirs au fur et à mesure des épisodes, à un rythme qui est très bien maintenu. Les allées et venues entre le présent et le passé sont très bien menées, et on découvre par petites touches le duo alors qu’ils étaient enfants, scellant leur destin une tragique nuit. L’exploration des psychés est l’une des très belles réussites du show, et le choix des acteurs enfants est là encore judicieux.

Aux prémices des séries Marvel/Netflix, il y avait cette propension à prendre le temps de développer les schémas, les personnages et les intrigues. Les dernières saisons se sont voulues plus classiques et construites de manière moins travaillées, et ça fait plaisir de revenir à une élaboration plus attentionnée envers les héros. Les branches adolescentes sont donc momentanément devenues les plus intéressantes du catalogue télévisuel marvellien, et au final, cela est dû à un choix qui avait été fait il y a bien longtemps par Stan Lee lui-même, celui d’offrir des personnages denses en proie à des tourments personnels ou sociétaux. La refonte des origines de Tyrone et Tandy s’avère très judicieuse, et va immédiatement nous impliquer aux côtés de ces personnages lumineux. Ils sont tous deux marqués par la vie, traînant un poids datant de nombreuses années, et qui les ont forgé de manière plus dure que ce qu’ils auraient pu être. Il y a une tristesse profonde en chacun d’eux, ce qui crée tout de suite une empathie, et surtout, ce background est créé de manière très sensible et réaliste. On ne sent pas l’artificialité des constructions scénaristiques à la Inhumans (voilà, c’est dit, je n’en rajouterai plus sur eux ^^).

Si vous vous attendez à une débauche d’action et de super-pouvoirs, il faudra passer votre chemin, mais si vous appréciez les origin stories ciselées et prenantes, cette série est faite pour vous. Le ton est parfois très sombre, puisqu’on y parle de mort, de suicide, de drogue et de viol, ce qui en fait un teen drama finalement dense et captivant. On y parle également de racisme et de bavures policières, offrant des résonances directes avec l’actualité américaine… La relation entre Tyrone et Tandy, faite de méfiance et d’incompréhension, va peu à peu évoluer vers une appréciation et une complicité leur permettant de dévoiler tout leur potentiel. La visualisation de leurs pouvoirs (téléportation pour Tyrone, dagues de lumières pour Tandy) est montrée avec un côté plus intimiste que décoiffant, et les auteurs vont explorer les possibilités qu’ils ont de sonder l’âme des gens qu’ils touchent, donnant des séquences entre rêves et cauchemars qui sont vraiment bien réalisées. Et la personnalisation de la cape de Tyrone est très touchante également, l’objet tenant à la fois du rite et de l’intime.

Olivia Holt a tourné dans plusieurs séries Disney et elle est également chanteuse. Elle est parfaite dans le rôle de Tandy, grâce à une interprétation à vif et son côté baroudeuse qui fait du personnage un être à la fois paumé et débrouillard . On a pu croiser Aubrey Joseph aux côtés de Liam Neeson dans Night Run, et Tyrone est à son jour son plus grand rôle. Tout comme Olivia Holt, il apporte une belle sensibilité à son personnage, et en fait un héros torturé mais toujours capable de poursuivre son chemin. Les deux acteurs nous donnent une très belle alchimie, ce qui est essentiel pour une série de ce type. A leurs côtés, on a toute une galerie de très bons acteurs et de très bons personnages, ce qui permet d’intensifier l’intérêt du show. On notera par exemple la présence d’Emma Lahana dans le rôle d’une flic débarquée de New York, et qui va s’intéresser de près à Tyrone. Pour la petite histoire, cette actrice incarnait le Ranger jaune dans les séries Power Rangers des années 2000 ^^ Elle s’avère être un personnage très intéressant, et l’actrice offre une prestation réussie. On pourra regretter toutefois que certains soient présentés et juste mis de côté par la suite, ou on pourra encore regretter le petit creux des épisodes 5 et 6 avec des facilités scénaristiques étonnantes (c’est le cas notamment pour un personnage qui change subitement d’attitude, ce qui est très artificiel). Mais ce ne sont que des détails mineurs dans une très belle construction, et on souhaite que les auteurs conservent cette tonalité pour la saison 2! Et vu que les séries sont très proches dans leurs visions, ce serait intéressant d’avoir un crossover avec Runaways!

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