Les années 70 voient l’émergence de nombreuses oeuvres issus de ce que l’on nomme la contre-culture, comme la blaxploitation, le mouvement hippie, les films d’horreur aux sous-textes politisés, ou encore les films d’arts martiaux. Le personnage de Luke Cage, né dans les comics en juin 1972, fait partie de ces personnages afro-américains qui cassaient les codes du gentil black soumis, comme le faisait le réalisateur Melvin Van Peebles en 1971, avec son Sweet sweetback’s baadasssss Song, considéré comme le film fondateur de la blaxploitation. Luke Cage a été le 1er super-héros à avoir droit à sa propre série en comics, Hero for hire. La naissance éditoriale d’Iron Fist date quant à elle de mai 1974, et fait suite à la vague de films de kung-fu qui s’enchaînent en Amérique, avec bien évidemment Bruce Lee en tête de file. Le public est très friand de cette nouveauté, et Marvel, toujours très à l’écoute des attentes de ses lecteurs, va créer une galerie de personnages aux aptitudes martiales très développées! Shang-Chi en 1973, puis Iron Fist, White Tiger, les Filles du Dragon… Et Luke Cage, alors connu sous le nom de Power Man, allait s’associer à partir de 1978 avec Iron Fist, pour donner vie à leur duo, les Héros à louer! Il n’est pas étonnant que dans la chronologie Netflix, la série Luke Cage soit suivie par celle de son futur associé…
Je vais évidemment revenir sur les très mauvaises critiques que le show a reçu de toutes parts, avec certains points qui sont légitimes, tandis que d’autres me semblent exagérés. L’une des plus récurrentes concerne le côté soap, vous savez, ces séries qui se passent dans des entreprises et qui voient des familles et des ennemis se battre dans le monde des affaires. Dallas, Les Feux de l’Amour, Santa Barbara, Amour, Gloire et Beauté, Côte Ouest (pas les Vengeurs de la Côte Ouest hein), ça vous parle? D’ailleurs, ça s’appelle des soap opera, parce qu’à la base, les premiers feuilletons, qui étaient radiophoniques, étaient sponsorisés par des entreprises spécialisées dans les produits de nettoyage, comme le savon! Comme ils étaient destinés principalement aux femmes aux foyers, il y a une certaine logique… Bref, tout ça pour dire qu’Iron Fist se déroule dans le monde des affaires, avec l’entreprise Rand qui est aux mains de la famille Meachum. Le retour de Danny Rand, héritier légitime, va donc faire grincer des dents…
L’aspect bureaucratique de la série a pu en dérouter certains, mais je trouve cette approche intéressante, car elle s’éloigne un peu de l’aspect résolument urbain des séries Netflix. Mais pas d’inquiétude, on n’oublie pas pour autant ce côté street qui est depuis la saison 1 de Daredevil la marque de fabrique de l’entente Marvel/ Netflix, et Danny va régulièrement balancer quelques coups de tatanne dans les ruelles sombres. Mais cette dualité s’avère innovante, puisqu’il est le premier héros Netflix à ne pas avoir de soucis pour terminer le mois! Les intrigues pour empêcher Danny de reprendre la société sont intéressantes, surtout qu’il va se retrouver face à ses anciens amis d’enfance… Iron Fist a également été critiquée pour son manque de rythme, et il faut dire que Daredevil avait mis la barre très haut. Jessica Jones avait déjà soulevé quelques controverses, qui s’étaient accentuées avec Luke Cage, jusqu’à finalement exploser avec Iron Fist. Alors oui, le rythme est bien moins percutant que Daredevil, et même que les 2 autres séries finalement. Il y a beaucoup de temps morts, et de situations où l’on aurait aimé avoir des dialogues plus punchy. Il est clair que la série n’a pas bénéficié des mêmes soins dans son traitement que les précédentes, et il est très probable qu’elle ait été produite avec un certain laxisme, comme si les producteurs pensaient que le succès initial de Daredevil les empêcheraient de tomber dans certains travers. On sent un certain manque d’inspiration dans la création de ce show, qui semble avoir été mis sur pied comme un simple segment de toute cette mythologie. Alors oui, cette série est nettement plus simpliste que les autres. Mais non, elle n’est pas déshonorable pour autant.
C’est indéniable, Iron Fist n’est pas la série qu’elle aurait pu être, mais on suit quand même les aventures de Danny et sa troupe avec intérêt. Le combat contre la Main, l’ennemi mortel auquel avait déjà eu affaire Matt Murdock dans sa saison 2, est traité efficacement, en ramenant un personnage connu, et en en développant d’autres. Heureusement, Danny va rencontrer une certaine Colleen Wing, adepte des arts martiaux elle aussi, qui va lui prêter main-forte dans sa lutte contre ce gang qui souhaite inonder les rues avec sa nouvelle drogue de synthèse. Et comme d’habitude, Claire Temple, qui fait le lien entre toutes les séries Netflix, est également de la partie, avec une Rosario Dawson toujours très à l’aise dans son rôle. On va assister à des combats de kung-fu ou des duels au sabre dans la tradition des bons vieux films d’époque, et même si les chorégraphies et la mise en scène de ces combats auraient pu être travaillées davantage, on se prend au jeu de cette lutte entre gentils et méchants. Il y a d’ailleurs un très bel hommage au Maître chinois, dans lequel Jackie Chan présente sa fameuse technique du guerrier ivre (le drunken master)!
Finn Jones, qui a été très critiqué pour son manque de charisme, n’était peut-être pas l’acteur le plus adapté pour interpréter Danny Rand, mais il fait tout de même le taf. On est face à un Iron Fist qui se cherche encore et qui n’est pas aussi incisif qu’un Matt Murdock. Après le rôle de Loras Tyrell dans Game of Thrones, il a enfin un personnage qui se bat, et après les super-héros torturés des shows précédents, sa gentillesse et sa naïveté sont là aussi des nouveautés intéressantes. Colleen Wing est elle aussi issue de Game of Thrones, puisque l’actrice Jessica Henwick y joue le rôle de Nymeria Sand. Son personnage est intéressant, même si là encore, il aurait pu être développée davantage. Mais elle a droit à quelques moments bien forts, comme certains combats très violents! Il y a une certaine déception avec le rôle de Tom Pelphrey, lui qui était tout simplement génial en ancien néo-nazi devenu flic dans Banshee! Dans Iron Fist, il a le rôle basique d’un requin des affaires… Dans le registre des déceptions, il y en a une de taille, et qui devrait faire parler d’elle: c’est la non-évocation de Kun’Lun. Ou plutôt, il faudrait dire que l’évocation verbale se fait sans arrêt, et que c’est vraiment très frustrant de ne jamais découvrir la mystérieuse cité dans laquelle Danny a été élevé par des moines guerriers! Ce point est selon moins le plus litigieux de la série, car elle est un affront direct fait aux fans, qui sont forcément très déçus…
Sinon, on se rend compte au bout d’un moment que le show n’a pas du tout la même relation avec la musique que les précédents, et c’est bien dommage, car il y avait moyen d’utiliser ce média pour approfondir l’atmosphère. Dans Daredevil, Jessica Jones et Luke Cage, la musique est un élément primordial, et elle est tout simplement laissée de côté dans Iron Fist. Ce choix est très étrange, et participe à cette sensation de vide que l’on ressent lors de certaines scènes. C’est vraiment dommage, car l’aspect kung-fu traité avec la musique adéquate (qui a dit le Wu-Tang Clan??), ça l’aurait fait grave! D’ailleurs, RZA, qui avait mis en scène et joué le personnage principal de L’Homme aux Poings de Fer (The Man with the Iron Fists en VO!) est de la partie, puisqu’il réalise un épisode du show!
Bon, cette série de Scott Buck (Dexter) n’est pas aussi palpitante qu’elle aurait dû l’être, mais après toutes les critiques que j’en avais entendues, j’ai été soulagé de voir qu’elle n’était finalement pas si mal! Et pour ceux qui la mettent en dernière position dans les séries Marvel, j’ai envie de leur dire que Marvel: les Agents du S.H.I.E.L.D. est certainement moins passionnante…