Personne ne doit savoir (Claire McGowan, 2019)

Je dois avoir une attirance inconsciente pour les auteurs irlandais en ce moment, puisqu’après avoir dévoré Traqués, La Chaîne ainsi que la trilogie Michael Forsythe d’Adrian McKinty, voilà que je tombe sur Personne ne doit savoir de la romancière Claire McGowan, qui comme McKinty, est originaire du nord de l’Irlande. Le romancier s’est expatrié très jeune vers les Etats-Unis, tandis qu’elle a préféré aller vivre à Londres. Née en 1981, Claire McGowan est attirée très tôt par l’écriture, puisque c’est à l’âge de 9 ans qu’elle rédige son premier ouvrage ! Un livre qui ne sera pas publié, puisque elle admet qu’il ne possède pas grand intérêt ^^ Mais cela prouve un amour réel des lettres, et c’est en 2012 qu’elle se lancera réellement avec la parution de The Fall, qui l’inscrira rapidement dans un courant policier teinté d’une certaine approche psychologique.

En 2019 paraît Personne ne doit savoir, que l’on peut qualifier de roman policier en mode Desperate Housewives. En effet, on va s’immiscer dans l’existence d’une bande d’anciens amis de fac, qui ont plus ou moins réussi à garder le contact depuis tout ce temps, mais qui n’avaient pas été réunis tous ensemble depuis bien longtemps. Alison et son mari Mike vont accueillir les convives dans leur belle maison du Kent, où ils vivent avec leurs enfants Cassie et Benji. Leurs amis sont composés de Callum et Jodi, de Karen et de Bill. Callum et Jodi attendent leur premier enfant, tandis que Karen est une mère ayant élevé seule son fils Jake, et que Bill est un baroudeur sans trop d’attaches. On plonge très rapidement dans cette histoire, car Claire McGowan commence directement par la découverte du drame ayant eu lieu, avant de remonter quelques heures auparavant pour mettre en place toute son intrigue. Sous ses airs de dîner presque parfait, Personne ne doit savoir possède un rythme et une solidité qui étonneront plus d’un lecteur !

En effet, il y a véritablement un côté Agatha Christie ou whodunit à la Hitchcock, avec comme précisé auparavant une touche moderne à la Desperate Housewives. On pourrait croire que ce mélange pourrait donner une certaine artificialité à ce roman, mais au contraire, la maîtrise d’écriture de McGowan parvient à donner une réelle intensité à ce qui de prime abord pourrait n’être qu’une sorte de variation ludique à la Cluedo. Son approche psychologique est capitale pour donner corps aux personnages et pour souligner les terribles enjeux de cette soirée où tout a basculé, et ce qui aurait pu n’être qu’un simple jeu de recherche du coupable se densifie grâce aux identités diverses des personnages et à leur réalisme. Claire McGowan parvient à faire de ce Personne ne doit savoir un véritable page turner, car les découvertes et les révélations vont s’enchaîner à un rythme soutenu, tout en conservant une bonne dose de réalisme.

Mais qu’est-ce qui a bien pu se passer lors de cette soirée, me direz-vous, alors que ces 9 personnages étaient réunis ? Les retrouvailles entre amis ont été marquées par un terrible drame, puisque en pleine nuit, Karen revient du jardin et entre dans la maison avec des marques de strangulation et du sang, en affirmant que Mike l’a violée. Mike est donc le mari d’Alison, le couple accueillant les convives, et cette révélation va ébranler tout le monde. La police arrive rapidement sur les lieux, et l’enquête démarre afin de déterminer les circonstances et les motivations de cet acte odieux. La soirée a été très arrosée et certains ne se rappellent pas tout ce qui s’est passé, ce qui est le cas de Mike notamment. C’est compliqué lorsqu’on est accusé de viol, même s’il affirme tout de même ne pas être capable de perpétrer un tel acte. La petite bulle des amis vole irrémédiablement en éclat, et Alison va tout faire pour prouver l’innocence de son mari.

Mais les révélations successives vont mette à mal chaque tentative de se raccrocher à quelque chose de solide, un peu comme si on avait l’impression de marcher sur un sol dur mais qui va s’avérer juste composé de sables mouvants. Entre les découvertes sur le passé de la fac et les révélations du présent, Alison va se retrouver dans une tempête psychologique des plus destructrices… Claire McGowan use d’une plume très agréable et envoûtante, qui masque sous sa simplicité apparente une efficacité redoutable ! Son livre s’inscrit de manière très intelligente dans la veine #metoo, avec une vision très réaliste des rapports hommes-femmes évitant la binarité du féminisme idéologique habituel. Chez McGowan, les hommes ne sont pas tous des salauds, et les femmes ne sont pas toutes des saintes, ce qui est à la fois très réaliste et permet de garder un véritable suspense dans la narration. La progression de son roman s’avère très solide, et on est vraiment happé par cette intrigue pourtant toute simple, mais dont on veut connaître la résolution. Le fait de faire le pont entre le présent et la période de la fac, en 1996, avec à l’époque un autre drame ayant frappé cette jeunesse dorée, cela procure une certaine complexité à l’ensemble, tout en permettant de mieux comprendre les événements du présent.

McGowan va traiter de thématiques très sensibles, comme la notion de consentement, et elle va le faire avec une vision à la fois neutre et très humaniste. Une fois encore, on est très loin du féminisme actuel, et ça fait du bien de voir une femme traiter un tel sujet avec une sincérité et une ambition détachées du moindre caractère politique ou idéologique! Les dialogues entre Alison et sa fille Cassie, qui est en âge d’avoir ses premières relations sexuelles, vont s’avérer à la fois touchantes et très réalistes, avec cette sorte de pudeur liée au sujet même. On se rend également compte que la jeunesse actuelle est très exposée face à ces sujets, et Claire Mgowan fait également un pont générationnel pour souligner les évolutions face à ces thématiques. Elle va également s’intéresser aux répercutions médiatiques, ainsi qu’à la façon dont les entreprises gèrent ce type de situation. Car l’image d’un homme accusé de viol n’a rien de bon pour une boîte, et c’est là que l’on voit les limites de la présomption d’innocence. Que ce soit au niveau intime, professionnel ou médiatique, Claire McGowan va traiter son sujet d’une main de maître en oubliant aucune strate de son intrigue, et Personne ne doit savoir est un vrai petit régal !

On n’est pas dans un roman d’infiltration, on n’est pas dans de la SF ambitieuse, et pourtant, sous ses airs de bouquin passe-partout, Personne ne doit savoir va développer un véritable suspense et va s’avérer haletant ! Une très belle découverte avec cette auteure irlandaise que je vous recommande fortement !

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Livre Noir : Infiltrée au coeur de l’extrême gauche

Je n’avais pas encore eu l’occasion de m’intéresser au magazine Livre Noir, mais le teasing fait par Erik Tegnér sur ce 3ème numéro avait vraiment de quoi intriguer. L’enquête en immersion s’annonçait passionnante et ouvrait à des répercussions très percutantes, je me suis donc empressé de le précommander afin de pouvoir le découvrir le plus rapidement possible. Avant d’être un magazine, Livre Noir est un site internet et une chaîne YouTube taxée d’extrême-droite, ce qui est évidemment une dénomination choisie par leurs opposants. Je me suis surtout aperçu qu’il s’agit d’un média d’investigation rigoureux et dont les membres possèdent, pardonnez-moi l’expression, de sacrées paires de cojones pour mener leurs enquêtes aussi loin qu’ils le font! La preuve en est avec ce magazine dont la majeure partie va s’intéresser au travail de terrain d’une de leur journaliste, qui a fait preuve d’une abnégation et d’un courage exemplaires, pour mener à bien sa mission et faire la lumière sur les actions et les motivations de nombreux collectifs, groupes et associations de gauche, qui pour le coup vont mériter l’ajout de l’adjectif « extrême »…

En amont de la parution de ce 3ème numéro, Erik Tegnér, le directeur de la rédaction, évoquait les ramifications de l’enquête mais également l’aspect sécuritaire par rapport à la jeune journaliste ayant effectué ce travail d’infiltration. Son nom n’avait pas encore été dévoilé, mais elle témoignerait à visage découvert et bénéficierait d’un service de protection, cette enquête allant certainement ouvrir à des représailles plus ou moins violentes. Encore une fois, il faut saluer le courage de cette femme qui a osé aller aussi loin dans le but de nous faire comprendre les mécanismes froids et déshumanisants de ces différents groupes prônant officiellement une vision libertaire, altruiste et désintéressée de leurs combats. La réalité est tristement plus terre-à-terre, égoïste, voire condamnable dans de nombreux cas…

Elle s’appelle Pauline Condomines, et durant 6 mois, elle a travaillé dans l’ombre pour récolter des preuves (documents, photos, vidéos), se fondre dans les groupes, participer à des actions, afin de pouvoir nous expliquer les modalités de fonctionnement et les moteurs de ces différents collectifs. Si son infiltration a duré 6 mois, sa source remonte à avril 2023, avec une première approche d’un collectif afin de comprendre les rouages sous-tendant leurs actions. Cette première approche s’est faite au sein de l’association Utopia 56, qui officiellement vient en aide aux mineurs non accompagnés (MNA). Et dès le départ, Pauline a compris que les mensonges et la violence allaient être des outils quotidiens, alors qu’elle n’avait pas encore réfléchi à sa mission d’infiltration, dont l’idée allait rapidement germer dans son esprit…

Cette enquête s’avère tout simplement passionnante, et j’ai rarement lu des pages aussi immersives, précises et factuelles. Pauline ne s’est pas laissée allé à user d’une plume acerbe comme on aurait pu le craindre, venant d’une journaliste de droite s’immisçant dans le quotidien de personnes de gauche. Elle fait preuve d’une déontologie exemplaire et assure une certaine neutralité, dans le sens où tout ce qu’elle va relater va être constamment sourcé, ce qui est évidemment essentiel pour un travail journalistique de qualité. Erik Tegnér et son équipe ont bien précisé en amont qu’ils s’étaient préparés à toutes les attaques qui ne manqueront pas de pleuvoir suite à cette enquête explosive! Comme l’explique très bien Pauline, sa motivation a été d’abord toute personnelle, car elle a voulu savoir factuellement ce qu’il en était face à une question très simple : ces demandeurs d’asile étaient-ils effectivement des mineurs, en ce cas, les refus d’aide n’étaient bien sûr pas légitimes, ou étaient-ils des adultes tentant de se faire passer pour mineurs? La question est simple, et la réponse au cas par cas ne peut être que simple également, voire binaire : c’est oui ou c’est non. Est-ce que les gens de gauche mentent pour aider tout le monde, ou est-ce que les gens de droite veulent empêcher que l’on aide les plus démunis? Je vous laisse vous procurer le magazine 😉

Ce qui impressionne dans son enquête, c’est la rapidité avec laquelle Pauline passe d’une association à une autre, la porosité entre tous ces groupes étant impressionnante ! Un collectif anti-sioniste va fonctionner de manière concomitante avec une association féministe, un groupe d’éco-activistes, ainsi que des fichés S, dans une sorte de maelstrom qui tend à indifférencier chacun, dans une sorte de convergence des luttes confinant à l’absurde ! Des féministes peuvent-elles vraiment garder le silence face à des viols, afin que les associations fonctionnent ensemble? Oui, cela ne pose aucun  problème! On va assister à des aberrations de très haut niveau, comme avec des gens se réclamant antifas, mais dont les agissements ne dénoteraient pas chez les plus fervents néo-nazis d’extrême-droite! Ce magazine est de nécessité publique, et cette enquête est une plongée captivante au sein des dérives de l’extrême-gauche, qui se réclame donc d’une gauche sociale alors qu’elle ne fait que bafouer les droits des personnes qu’elles sont censées aider… Il ne faut bien évidemment pas mettre tout le monde dans le même sac, on connaît la rengaine, que ce soit à gauche ou à droite. Mais le travail de Pauline Condomines va être très précis et va dévoiler des éléments dans chaque association infiltrée, pour démontrer que ces groupes utilisent activement le mensonge et la violence afin de faire avancer leur agenda politique.

Sans trop en dévoiler, car je vous invite fortement à vous procurer cet excellent magazine, je vais vous donner quelques indications sur le caractère de ces enquêtes, avec quelques exemples. Pauline a infiltré le groupe Urgence Palestine, dont le complotisme antisémite va jusqu’à faire croire à certains que les attentats islamistes perpétrés par Daech l’ont en fait été par les Juifs… On est à un niveau stratosphérique de complotisme pour certains, et ça fait franchement peur… On a une personne qui dénonce « l’instrumentalisation habituelle du viol, sachant qu’il n’y a aucune preuve de viol systémique le 7 octobre » (page 17). « L’union européenne doit bombarder Israël », dit une autre militante (page 19). Utiliser des pancartes disant « Le kérosène, c’est pas pour les avions, c’est pour brûler les flics et les patrons! » ? Bien sûr, ça passe crème pour les manifestants, qui sont totalement étonnés que Gérald Darmanin puisse les accuser d’incitation à la haine et à la violence. Le mensonge va loin, car une militante propose aussi : « Nous avons un médecin au sein de l’association Mplp qui peut faire des CM (certificats médicaux) pour coups et blessures si besoin. » Si les policiers ne sont pas assez violents, on peut donc toujours inventer une violence policière avec certificats à l’appui… Je vous donne des exemples décousus, mais je vous invite vraiment à lire l’enquête dans son intégralité, pour vous rendre compte de la décontraction et de l’impunité avec lesquelles ces associations utilisent le mensonge et la violence pour se faire passer pour le camp du bien… C’est tout simplement édifiant, et le travail de Pauline Condomines est des plus remarquables à cet égard.

Elle va encore participer à des action dans des ZAD, notamment sur le chantier de l’A69, elle va infiltrer des collectifs de sans-papiers, qui ne vont pas hésiter à bien préciser aux migrants que s’ils ne participent pas aux manifs, ils ont peu de chance de se voir octroyer des papiers. Dans le genre instrumentalisation des gens, ça en dit beaucoup sur le caractère humaniste de ces militants… Qui n’hésitent pas non plus à garder des familles de migrants éveillées toute la nuit pour manifester, en leur refusant un logement et en leur disant que c’est le seul moyen d’en obtenir un. L’amour de son prochain dans toute sa splendeur… Je ne vous ai évoqué ici qu’une infime partie de ce que vous découvrirez sur la réalité de ces associations, et il était temps que cela soit évoqué de l’intérieur, et il aura fallu l’immense courage et le très grand dévouement d’une journaliste digne de ce nom pour faire la lumière sur de tels agissement. Merci Pauline Condomines pour ce travail exemplaire !!!

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News : Woking with the Alien

On pensait qu’au vu de ses échecs successifs au box-office, Disney aurait enfin compris qu’il fallait arrêter de massacrer les adaptations dont il avait la charge, pour enfin les traiter avec un minimum de respect quant au matériau de base. La réécriture de la série Daredevil : Born Again, la très bonne approche consacrée à Echo, le choix de miser sur moins de productions… Mais les velléités de prendre en compte l’essence même des comics aura été de courte durée, ou plutôt, elle devrait peut-être s’appliquer du côté de la branche Marvel Spotlight, tandis que le MCU plus familial devrait continuer à nous offrir des arrangements/détournements/réécritures qui n’ont pas lieu d’être…

On apprend donc aujourd’hui que l’excellente actrice Julia Garner a été sélectionnée pour incarner Shalla-Bal dans le prochain film The Fantastic Four. Un choix judicieux vu le talent de la jeune femme et son ascension dans le monde du cinéma et des séries. Mais là où ça fait forcément grincer des dents, c’est que sa Shalla-Bal sera … La Silver Surfer ! Et pour justifier ça, on va vous sortir une couverture d’Earth X présentant une version alternative de Shalla-Bal transformée en Silver Surfer, pour expliquer que ce personnage existe dans les comics. Oui il existe, tout comme El Muerto qui est apparu en tout et pour tout dans 2 comics Spider-Man, ce qui justifiait la mise en production d’un film lui étant consacré selon Sony ??

Le Silver Surfer est un personnage créé par Jack Kirby en 1966, et qui depuis bientôt 60 ans, est l’alter-ego tourmenté de Norrin Radd, un homme dont les pérégrinations cosmiques et le désespoir amoureux ont donné des pages très tragiques du côté de chez Marvel. Je vous invite à lire les épisodes de cette belle époque, qui sous l’impulsion du génial Kirby, apportent leur lot de questionnements existentiels et métaphysiques, et donnait une touche très novatrice à ce titre. Depuis 60 ans, le Silver Surfer EST Norrin Radd, tout simplement. Et Shalla-Bal est sa compagne qu’il a dû quitter afin de sauver son monde, Zenn-La. Et aujourd’hui, on apprend donc que Marvel a décidé de s’affranchir de cet historique faisant partie intégrante du personnage, en mettant tout simplement de côté le personnage emblématique de Norrin Radd, afin que Shalla-Bal devienne la Silver Surfer. Une fois encore, on réécrit l’histoire pour mieux coller avec l’idéologie du moment…

Est-ce qu’on imaginerait que dans le prochain film consacré aux X-Men, le personnage de Tornade soit incarné par un homme ? Ca enlèverait selon moi ce qui fait l’essence du personnage, et on se dirigerait vers une adaptation qui passerait forcément à côté de son but. Imaginez si le reboot de DC Comics faisait que le personnage de Wonder Woman soit transformé en homme ? Ca s’appellerait Wonder Man et ça deviendrait une série Marvel me direz-vous, mais non je ne parle pas de Simon Williams! ^^ A un moment, il faut accepter que ce qui fait l’essence même d’un personnage, ça puisse être son côté masculin ou féminin, et dans certain cas son ethnie. On imaginerait jamais Black Panther pakistanais, coréen, marocain ou tchétchène, ça serait juste déplacé au vu de l’importance de l’aspect tribal et de l’iconographie africaine spécifique véhiculée par le personnage, on est d’accord ? Et pour Black Panther, on a effectivement les versions masculine et féminine, puisque Shuri a également endossé le costume.

Voir le Silver Surfer se faire massacrer à ce point par Marvel, c’est assez déroutant, surtout que je pensais que le studio avait compris ses errances wokistes et qu’il commençait à faire machine arrière. Alors certains avancent la carte du déroulement de ce film dans un univers parallèle, ce qui en soit n’est pas improbable du tout. Et donc, cette Shalla-Bal serait devenue le Silver Surfer dans cet univers, et on rencontrerait à un moment Norrin Radd en tant que Surfer. Mais les choix de communication qui sont faits ne mentionnent pas cette possibilité, et le studio sait pertinemment qu’une partie du public est sévèrement blasée par leurs choix purement idéologiques. Ils auraient dû communiquer sur le fait que ce film ne se déroulerait pas dans l’Univers-616, mais là, le doute est permis. En soi, je ne serai pas contre l’introduction d’une Silver Surfer si le vrai Surfer pointe le bout de sa planche rapidement. Mais le choix de laisser planer le doute va plutôt dans le sens d’une mise à l’écart de Norrin, ce qui serait franchement ridicule. On se souvient de l’apparition des Illuminatis dans le très bon Doctor Strange in the Multiverse of Madness, et voir une surfeuse arriver de cette manière-là aurait été franchement cool et méta. Mais au vu de la communication (ou de l’absence de communication), on risque d’être loin du caméo, et d’avoir réellement une Silver Surfer principale dans le MCU, au détriment du personnage emblématique de la Maison des Idées.

A force de détruire leurs personnages, Marvel/Disney sont juste en train d’éloigner les spectateurs des salles de cinéma, et honnêtement, moi qui ai suivi l’ensemble des productions marvelliennes depuis le tout début, et qui ai même réussi à poursuivre à l’ère de She-Hulk : Avocate (période où j’avais clairement failli lâcher), je me pose la question de la pertinence de continuer à participer à cette destruction en allant voir ce film au cinéma. Il y a une réelle fatigue super-héroïque en ce moment, mais elle est due à cette idéologie qui sous couvert d’ouverture d’esprit, ne fait que saborder tout le travail de ceux qui souhaiteraient juste faire de bons films, et qui ne rend aucunement hommage aux comics originaux en n’offrant que des réécritures au forceps afin d’inclure un maximum d’inclusivité… L’esprit de tolérance n’a rien à voir avec ça, et l’ouverture d’esprit non plus. A un moment ça devient juste incroyablement ridicule, et il n’y a plus aucune logique derrière la mise en place de certains projets…

Vivement que Mahershala Ali abandonne le rôle de Blade à Jean Dujardin, que François Berléand annonce qu’il jouera Galactus, et que Paul Mirabel pique le rôle de la Femme Invisible !!! Honnêtement, ça me paraîtrait une suite assez logique…

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Vincent doit mourir (Stéphan Castang, 2023)

Après avoir réalisé 4 courts et un épisode de série (Demain si j’y suis), Stéphan Castang a franchi le pas vers le long métrage l’année dernière, et il est difficile de se dire qu’il s’agit de son premier essai tant il s’avère maîtrisé ! En se basant sur un excellent script signé Mathieu Naert, Castang va dérouler un récit très déroutant qui va osciller entre différents genres en gardant un réel suspense pour le spectateur quant à la finalité de ses intentions. Dès le début, avec ce dialogue en plan serré qui va s’élargir ensuite, on ne sait pas vraiment si on va vers quelque chose de léger ou de plus tendu, et Stéphan Castang va créer une atmosphère atypique dans laquelle il va doser très efficacement le stress et une certaine absurdité. Vincent doit mourir va apparaître comme une oeuvre très réaliste, alors que son postulat va mener son personnage principal dans des directions très étranges…

Vincent est un homme lambda, ayant un boulot et une vie sans trop de reliefs, et qui commence à se faire agresser régulièrement sans raison apparente. Il va devoir réagir à cette violence de plus en plus présente, et modifier radicalement son mode de vie. C’est très difficile de parler de ce film sans trop en dévoiler, mais je trouve qu’il est d’autant plus impactant si on en sait le moins possible, donc je vous conseillerai de lire la suite une fois le film vu 😉     SPOILERS !

SPOILERS !

 

J’ai découvert Karim Leklou avec Bac Nord, et je le trouve excellent dans ce rôle qui va jouer sur les paradoxes, puisque Vincent est un homme très effacé qui va devoir agir de manière radicale face aux événements qui sont en train de lui arriver. Il est parfait dans la peau de cet homme sans histoire qui va se retrouver à devoir s’adapter à une existence faite de violence et de paranoïa, et dans un sens ça me fait penser aux excellents romans d’Adrian McKinty que sont La Chaîne et Traqués, avec ces perturbations d’un quotidien banal basculant soudainement dans l’inconnu. Karim Leklou dépeint de manière très juste et réaliste le glissement de cet homme, qui va perdre l’ensemble de ses repères et de ses croyances lorsqu’il va voir le vernis social se craqueler chaque jour un peu plus. Stéphan Castang va s’appuyer sur cet acteur pour créer une atmosphère passant de l’absurde au glaçant, grâce à une mise en scène d’une maîtrise bien plus grande que ce qu’elle laisse croire au départ. On a une sensation de dérive un peu anarchique, mais la caméra de Castang est d’une précision implacable, comme le démontre la séquence avec le voisin de l’immeuble d’en face. Cette façon de bouger la caméra pour se retrouver pile dans l’interstice où on aperçoit au loin l’individu, ça n’a l’air de rien, mais c’est avec ce genre de détail que Vincent doit mourir devient un film très impactant.

Stéphan Castang va user de séquences généralement brève mais très intenses, comme celle du feu rouge qui va créer une très forte tension d’un seul coup, avec cette façon de filmer les regards et cette séquence d’action très ramassée qui possède pourtant un fort impact. C’est assez déstabilisant d’avoir une montée aussi rapide du stress et une fin aussi brutale des séquences, ce qui va paradoxalement garder le spectateur en tension pendant la majeure partie du film. Stéphan Castang va avancer par petites touches vives et impactantes pour conserver Vincent et le spectateur dans cette ambiance paranoïaque, et le résultat est franchement excellent. On se retrouve dans une sorte de relecture de films de zombies ou d’infectés, mais qui possède sa propre originalité et sa propre force, et honnêtement je n’ai jamais vu un film se rapprochant de cela. Castang va même apporter une certaine poésie très sombre avec le personnage de Margaux, qui est elle aussi jouée par une actrice très talentueuse, Vimala Pons (qui pour l’anecdote, a joué dans Vincent n’a pas d’Ecailles ^^). La relation entre Vincent et Margaux va s’avérer très compliquée à gérer, mais on a tellement envie qu’elle fonctionne ! Les 2 acteurs vont réellement donner de leur personne dans cet univers de violence progressive, et ils s’avèrent vraiment touchants dans leur tentative de s’apporter mutuellement un peu de lumière.

l’originalité du propos tient aussi dans la source de la violence, puisque c’est le regard de certains individus qui va déclencher soudainement ces éclats. La mise en scène de ces moments est bien stressante, et Vincent va commencer à fuir le regard des gens, car la plupart va se figer et se mettre à l’attaquer. On est dans une sorte de rage sociale inexpliquée, de film de SF étrange, ou de film d’infectés? En fait, c’est un mélange de tout cela, et qui ne va pas perdre de temps à chercher une explication, mais qui va plutôt donner la priorité à la survie des protagonistes. Ce jeu sur les regards est génial et va forcément donner lieu à des scènes où le stress va monter en flèche, et le principe est aussi simple que redoutable !

L’impact graphique des scènes de violence s’avère très fort, et on va garder en tête des séquences que l’on voit rarement dans le cinéma français, et ça fait vraiment du bien de ressentir ça ! La scène sur le champ d’épandage va être bien dégueulasse, et m’a fait penser à cette séquence bien puissante de combat dans la boue dans la saison 2 de Gangs of London! Stéphan Castang renvoie les personnages à leurs pulsions archaïques, chacun devenant une esquisse d’être humain lorsqu’ils plongent de plus en plus dans la boue et la merde, littéralement… Vincent doit mourir est un film unique en son genre, qui mérite vraiment d’être découvert et qui souligne une fois encore (après Vermines notamment!) que le cinéma français est capable de proposer des récits qui laissent une trace durable dans les cerveaux ! 😉

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A l’Automne, je serai peut-être Mort (Adrian McKinty, 2003)

Je viens à peine de découvrir l’existence de cet excellent auteur irlandais, et j’enchaîne ses oeuvres sans pouvoir m’arrêter. Après avoir dévoré Traqués puis La Chaîne, je me suis lancé dans un projet un peu plus ambitieux, en m’attaquant à sa trilogie Michael Forsythe qui court de 2003 à 2007. J’ai terminé il y a quelques jours le premier tome et je n’ai pas pu m’empêcher de déjà bien avancer dans le second ^^ Ce premier roman dédié au jeune Michael Forsythe possède un titre à la fois sombre et poétique renvoyant à une chanson de F.E. Weatherly, Danny Boy, datant de 1910, qui contient la phrase « Dead I will may be », qu’Adrian McKinty utilise pour donner son titre original à ce roman. La traduction française est donc légèrement plus poétique en se nommant A l’Automne, je serai peut-être Mort.

Je ne savais pas du tout dans quoi j’allais m’engager avec cette trilogie, mais je me doutais que l’on s’éloignerai de l’urgence et de la radicalité de Traqués et de La Chaîne. Le roman démarre sur la vie d’un jeune Irlandais d’une vingtaine d’années, qui va devoir quitter son pays natal et émigrer aux Etats-Unis, ce qui est un parallèle amusant avec la trajectoire de l’auteur lui-même, né à Belfast à la fin des années 60, et débarqué à New York où il aura vécu près d’une dizaine d’années à Harlem. J’indiquais que McKinty se laissait davantage aller au niveau du rythme, mais il possédait pourtant déjà un sens certain de l’épure, puisque la partie irlandaise pour brosser les origines du personnage se fait en 8 petites pages, et qu’ensuite Michael Forsythe débarque directement à New York, dans un chapitre intitulé Un jeune Blanc à Harlem, titre qui résume avec amusement ce qu’il avait dû vivre à son arrivée dans les années 90 ^^

Michael Forsythe débarque donc en territoire inconnu, avec en guise de lointain lien une cousine dont le beau-frère lui trouverait un travail aux USA. Michael va rapidement se retrouver embrigadé dans la mafia irlandaise sévissant à New York, et ce bouquin commence très rapidement à prendre des airs de Scorsese qui aurait troqué les Ritals pour des pâturages plus verts ! Et le résultat est très rapidement captivant, avec la mise en place d’une hiérarchie de ce petit microcosme ainsi qu’une radiographie très intéressante de la New York des années 90. On va passer pas mal de temps à se balader dans la Grosse Pomme comme si on y était, et McKinty n’a pas son pareil pour nous abreuver de détails pertinents qui vont nous faire réellement nous sentir dans cet autre lieu et cette autre époque, à renforts d’éléments sonores, visuels ou olfactifs, et on va plonger avec délice dans la vie de petite frappe de Michael.

Le boss se fait appeler Darkey, et les hommes de main que sont Fergal, Scotchy et Andy vont chacun posséder leur propre personnalité, ciselée avec efficacité et précision par l’auteur, et c’est en cela également que l’on se rapproche d’un film de Scorsese. On plonge dans les méandres du trafic à New York et on va y croiser un panel bien hétéroclite, qui entre bassesse et héroïsme, va nous dévoiler un pan social très intéressant. Le hic pour Michael, c’est qu’il a un faible pour Bridget, la nana du boss, et qu’elle l’apprécie bien aussi d’ailleurs. Cette situation dangereuse risque de causer sa perte, et cet aspect va être constamment ancré en filigrane dans le déroulement du récit, alors qu’il y a déjà d’autres sources de risques liées à son métier.

Adrian McKinty possède un talent réel pour nous faire aimer des personnages forts et pas forcément binaires, la preuve avec ce Michael Forsythe possédant un bon fond mais étant également adepte d’une certaine violence. Le passage du pack de six, une sorte de vengeance à l’arme à feu particulièrement tordue, démontre la propension de Michael à user des armes, et ce mélange de tissu social communautaire et d’accès de violences donne une aura forte à ce livre, qui s’inscrit dans une veine du polar 90’s de manière très efficace. Et quand on croit qu’on est solidement installé et prêt à tout englober, on est soudainement délocalisé au Mexique pour une longue séquence à laquelle le lecteur doit se réadapter, tout comme devra le faire ce pauvre Michael par ailleurs … Je ne vous dévoilerai pas les tenants et aboutissants de cet excellent roman, mais je peux encore vous donner envie avec quelques phrases piochées au hasard, témoignant de la qualité du style de l’auteur (ainsi que de celle de la traductrice, Isabelle Arteaga).

« Je vis à Harlem dans la 123ème rue, au coin de l’avenue d’Amsterdam, tout près de la zone de sécurité de l’université Columbia. Là, le quartier prend le nom de Morningside Heights, pour que les parents des étudiants ne s’affolent pas, ce qui arriverait à coup sûr s’ils devaient adresser leurs lettres à Harlem. Mais c’est bien dans ce foutu ghetto que je me trouve. »

« Le vrai problème, ce sont les cafards. Je suis là depuis le mois de décembre de l’année dernière, et la guerre entre nous n’a pas cessé. Je ne suis pas encore habitué à leur présence. Je n’ai pas atteint la tranquillité zen qui me permettrait de partager avec eux le même territoire matériel et métaphysique. »

« Le problème, c’est qu’avec nos revolvers, nous n’avions guère de chance de tirer avec efficacité sur l’adversaire sans nous exposer. Avec une mitraillette, on peut arroser au hasard, mais une arme de poing a besoin d’une cible précise. Je m’étais dit, et Scotchy était tombé d’accord avec moi par télépathie, que ces types à l’équipement lourd allaient ouvrir le feu dès qu’ils nous verraient, que la lueur des détonations nous montrerait où ils étaient, et qu’on pourrait ainsi les éliminer à coups de pistolets. »

McKinty est un auteur terriblement efficace, et si vous aimez les récits de mafieux, je ne peux que vous conseiller ce livre, en attendant de vous parler du second tome 😉

 

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