Werewolf by Night (Michael Giacchino, 2022)

Michael Giacchino est un compositeur reconnu ayant démarré dans le domaine du jeu vidéo avec Gargoyles en 1995, qui sera notamment suivi de Medal of Honor en 1999 ou Call of Duty en 2003. Il a parallèlement entamé une carrière au cinéma avec Legal Deceit en 1997, dans lequel apparaissait un tout jeune et encore inconnu Jeffrey Dean Morgan. La frontière est devenue de plus en plus floue entre les 2 domaines, puisqu’il a participé au film d’animation Les Indestructibles en 2004, tout en gérant la musique du jeu vidéo The Incredibles la même année. Il oeuvrera par la suite sur Mission: Impossible III, tâtera de la télévision avec les séries Alias et Lost – les Disparus, reviendra au cinéma pour Ratatouille, Cloverfield, Speed Racer, Star Trek… Le musicien s’est avéré très prolifique, et on peut citer dans ses dernières prestations : Thor : Love and Thunder, Buzz l’Eclair, Jurassic World : le Monde d’Après, The Batman, Spider-Man : No Way Home… Giacchino est un incontournable dans le domaine du blockbuster, et il a osé prendre un risque en changeant de casquette le temps d’un téléfilm!

Il assure en effet la mise en scène de ce programme spécial intitulé Werewolf by Night, même s’il avait déjà auparavant fourbi ses armes sur un court métrage en 2018, Monster Challenge, ou encore sur un épisode de la série Star Trek : Short Treks. Cette fois-ci, il sort de la confidentialité de ces « petits » projets, puisqu’il va être davantage exposé en s’attaquant à la veine macabre de l’univers Marvel. Le risque reste mesuré dans le sens où (pour l’instant) ce téléfilm est un one-shot, mais cela permet à Giacchino d’approfondir sa courte expérience et de peaufiner son travail sans avoir trop de pression sur les épaules. Et entre 2 épisodes de la catastrophique série She-Hulk : Avocate, ça fait du bien de se dépayser un peu dans le domaine des monstres!

Werewolf by Night est une des nombreuses figures nées dans des années 70 qui s’émancipaient du Comics Code Authority, et qui offraient aux lecteurs des histoires plus sombres et sanglantes. On a assisté aux naissances de Dracula, du Monstre de Frankenstein, et bien sûr du Loup-Garou, qui a donc droit à son adaptation aujourd’hui! L’évocation de la plupart de ses noms renvoie à un certain âge d’or des studios Universal, qui produisit les fameux Universal Monsters de 1931 à 1951. C’est là que l’on a pu découvrir le Dracula de Bela Lugosi, le monstre de Frankenstein de Boris Karloff, ou encore le Loup-Garou de Lon Chaney Jr. Ces Universal Monsters sont certes datés, mais ils possèdent encore une belle patine en offrant une vision nostalgique de ce que produisait le 7ème art à l’époque, avec des moyens certes limités mais faisant preuve de belles inventivités.

Michael Giacchino va s’approprier la thématique du lycanthrope en rendant hommage à ce pan si particulier du cinéma, et il va pour cela user d’une esthétique similaire avec un très beau noir et blanc, dans lequel il va explorer des jeux d’ombres avec beaucoup de tact. On a réellement l’impression de se retrouver projeté dans une vieille bobine des années 1930 ou 1940! Le concept est totalement géré par Giacchino qui crée une petite ambiance rétro réussie, et qui ressuscite tranquillement un genre tombé en désuétude depuis belle lurette! On pensera forcément aux 3 premiers épisodes de WandaVision, qui s’attaquaient eux aux années 50, mais je vous rassure, c’est nettement plus digeste dans Werewolf by Night! La réalisation se concentre sur ces aspects d’antan jusque dans les moindres détails, avec notamment les ovales blancs apparaissant furtivement sur le bord de l’image pour signifier qu’on arrivait au bout de la pellicule, ou encore avec l’utilisation d’un caractère granuleux au départ.

On a droit à l’excellent Gael García Bernal dans le rôle-titre, qui opte pour une approche relativement feutrée du personnage, mais qui lui confère toutefois une certaine stature. L’acteur mexicain doit composer avec les impératifs du mastodonte Disney, et il s’en sort agréablement, et on espère bien le revoir par la suite dans d’autres productions. A ses côtés, Laura Donnelly (Outlander) incarne… Elsa Bloodstone, la fameuse chasseuse de monstres de l’univers Marvel! Si physiquement, elle n’est pas très proche de son homologue papier, elle possède une certaine personnalité qui la rapproche par moment de la vraie Elsa (que vous pouvez découvrir par ici) ^^

Ce téléfilm va jouer la carte de l’hommage par de nombreux biais, et le premier est certainement le plus visible, celui du décalque des Chasses du Comte Zaroff (1932). Alors que le patriarche de la famille Bloodstone a rendu l’âme, une chasse est organisée afin que la relique qu’il avait en sa possession, la Pierre de Sang, soit remise au vainqueur. Il va pour cela falloir tuer un monstre sur lequel sera placée la pierre, ce qui l’affaiblira mais le rendra plus agressif. Je ne vous dévoilerai pas l’identité du monstre en question, les fans de Marvel auront plaisir à le revoir, lui qui avait déjà bénéficié d’une obscure adaptation en 2005 (je vous laisse vérifier par ici pour ceux qui ont envie de chercher ^^) ! Les chasseurs se rendent au manoir Bloodstone et vont entamer la chasse rituelle, qui se déroulera dans un labyrinthe qui sent bon le décor de studio, et dans lequel Michael Giacchino va se faire plaisir à composer de beaux plans pendant que ses protagonistes jouent à cache-cache. Cette partie est certainement la plus réussie du téléfilm, avec un sens du suspense à l’ancienne qui fonctionne, quelques trouvailles scénaristiques intéressantes et un caractère relativement ludique pour l’ensemble.

La transformation de Jack (Jack Russell de son vrai nom, oui c’est vrai ^^) va être repoussée pendant un moment, mais lorsqu’elle interviendra, on aura encore une fois droit à une visualisation très 30’s-40’s, et une fois encore, Giacchino fait preuve d’une belle aisance dans sa recréation de ces mythes d’antan. Il sait comment créer de la tension et montrer un événement de manière non frontale, et sa façon de jouer avec les ombres devant une Elsa apeurée est caractéristique des effets visuels de l’époque, tout en donnant une certaine consistance au récit. Et paradoxalement, c’est davantage une fois la transformation effectuée que l’atmosphère retombe légèrement, même si on a droit à quelques beaux plans de combats par moments, dont un que ne renierait pas Daredevil ^^ le personnage du Loup-Garou est moins intéressant que celui de Jack, et l’aspect Jekyll et Hyde est juste effleuré le temps de cet épisode. On pourra avoir un peu de réserve sur la séquence de fin, qui est typique du too much made in Marvel, qui ne peut s’empêcher de verser dans la comédie… Mais ça me fait bien plaisir d’avoir pu revoir ce monstre dont je tairais le nom, et qui entre désormais dans le MCU! Gael Garcia Bernal et Michael Giacchino nous ont livré un programme spécial qui remplit son office, en proposant un récit intéressant et des idées de mise en scène qui fonctionnent, et en ces temps où se succèdent Moon Knight, Miss Marvel, Thor : Love and Thunder et Miss Hulk: Avocate, ça fait quand même beaucoup de bien de se prendre un peu de qualité sous la rétine !

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