Invisible Man (Leigh Whannell, 2020)

Quand un échec retentissant oblige un studio à reconsidérer toute sa vision d’un univers (potentiel), ça a au moins le mérite de donner une chance à des projets plus risqués et inventifs. Vous vous rappelez de La Momie avec Tommy (Cruise) ? Bon, perso je l’avais trouvé bien fun avec son anti-héros et son humour parfois limite ^^ Mais les pontes d’Universal l’ont encore en travers de la gorge, avec une recette monde de 390 millions pour un budget officiel de 125. Un ratage financier ça? Oui, mais il faut rajouter les frais marketing, les reshoot, ce qui amène à un total officieux de 345 millions… Du coup, on comprend le couac au niveau de la rentabilité, sachant que les recettes à l’étranger ne sont pas intégralement gagnées par le studio… Je vous met en lien un article très intéressant sur ce cas, juste ici, c’est rédigé chez Ecran Large !

Du coup, ce film qui devait être la pierre d’achoppement du fameux Dark Universe recensant Dracula, le Monstre de Frankenstein, la Momie, l’Homme Invisible (avec Johnny Depp dans le rôle effacé), le Loup-Garou et quelques autres monstruosités, a stoppé net cette tentative de plagier le succès du Marvel Cinematic Universe. Machine arrière, la tentative de méga-réunion n’aura donné droit qu’à une seule photo, que je vous mets juste ici.

Du coup, c’est dans les mains de l’hyperactif Jason Blum, via sa société Blumhouse Productions, que retombent ces joujous, puisque Universal souhaite tout reprendre à zéro en faisant dans le low budget. Ca tombe bien, cet artisan met sur pied des oeuvres plus ou moins réussies toujours à moindre coût, et sait composer avec les vents contraires hollywoodiens (plus d’infos sur cet excellent article provenant aussi d’Ecran Large). Blumhouse, c’est Paranormal Activity, American Nightmare, Insidious, Us, mais aussi de vraies purges comme Amityville : the Awakening, Halloween, Black Christmas… Mais là où ça devient très intéressant, c’est quand Leigh Whannell est choisi pour narrer ces nouvelles aventures de l’Homme Invisible. Leigh Whannell, c’est le scénariste de Saw, et le metteur en scène de l’excellent Upgrade, donc on a déjà une attente plus précise et la confirmation d’un vrai artisan sur le projet. Et quand on apprend que le film va se centrer sur une femme subissant les assauts d’un ennemi invisible, ça prend sens avec la vague qui secoue actuellement Hollywood sur les comportements déviants masculins…

Et le film s’avère être une vraie réussite à de nombreux niveaux, à commencer par le casting d’Elisabeth Moss (The Handmaid’s Tale), qui donne véritablement de sa personne pour incarner ce personnage poussé dans ses derniers retranchements! Les angoisses, les peurs et la folie qui planent sur elle sont rendues avec un réalisme impressionnant, sa composition étant à la fois très physique et viscérale! Elle passe par des phases d’incompréhension face à des détails, puis à des moments de doute bien plus stressants, dans une sorte de gradation hyper maîtrisée et parfaitement retranscrite à l’écran! Son personnage est une femme qui a été rabaissée et humiliée, et qui en porte encore les stigmates. Et dans cette ère où la parole des femmes se délie du côté de l’industrie, ce récit gagne encore une certaine dimension symbolique, qui s’avère menée avec intelligence.

Leigh Whannell nous avait prouvé avec Upgrade qu’il avait un talent certain pour emballer un film, il augmente encore d’un level ici avec une mise en scène totalement immersive, qui va jouer avec certaines thématiques chères à Paranormal Activity (ne partez pas!!!) d’une main de maître. Il sait comment créer le stress à partir de pas grand-chose, et est capable de véritablement filmer l’angoisse du vide. Cette caméra qui pivote lentement pour filmer une pièce vide, mais qui pourrait bien ne pas être si vide en fait… Il sait comment jouer avec la topographie des lieux pour susciter l’angoisse, et s’amuse avec les hors-champs, tout en cadrant parfois son bad guy en plein champ, mais sans le voir ^^ Il apporte des touches très innovantes avec des séquences qui vont forcément surprendre, accompagnant un scénario malin qui passe par quelques poncifs pour mieux s’en détourner! Il y a une réelle intelligence à plusieurs niveaux donc, et on excusera une fin qui semble surtout être un petit caprice de producteur… Mais qui a quelques atouts intéressants bien que perdant de la superbe du reste du métrage.

La réussite d’un long métrage horrifique (ou ici d’un thriller bien tendu qui emprunte à des schémas horrifique) tient en très grande partie à la capacité à générer de l’empathie pour les personnages et un fort réalisme dans les situations. Whannell nous balance son histoire en mode frontal, et on va vivre de l’intérieur cette montée d’angoisse et ces montées d’adrénaline, avec cet ennemi qui semble omniscient et omnipotent. Et la figure désincarnée de ce Mal représente encore une fois le Mal Alpha anonyme et impersonnel, qui se cache derrière une position de dominant intouchable. Le message en filigrane est bien passé, merci, et il fait son petit effet coup de poing efficace! Et même sans ce sous-texte très actuel, Leigh Whannell nous joue des partitions bien stressantes qui semblent puiser leur énergie dans les slashers d’antan! On sent la présence du boogeyman et on se lance dans ce ride bien dark, bénéficiant d’une superbe esthétique proposant une texture qui place Whannell comme un digne successeur de Carpenter et consorts! Sa manière de faire vivre sa caméra impressionne, et nourrit véritablement le récit! Il y a une vraie maturité dans son cinéma, qui est capable de bien choquer tout en s’amusant avec son matériau! Son approche très sensitive est essentielle dans la réussite de ce film, et en l’occurrence le travail sur le son est excellent. Les plages de silence nécessaires afin de savoir si quelqu’un est dans la pièce, le jeu avec les éléments… C’est intelligent je vous dit!!!

La fin en laissera certains perplexes, mais je pense que c’est une tentative un peu osée mais qui n’enlève en rien toutes les qualités de ce long métrage. Invisible Man est un vrai pari dans son genre, et est une franche réussite parvenant à s’extraire des lieux communs auxquels on est habitué, et ça fait un bien fou de ressentir toutes ces émotions! L’expérience est éprouvante, mais après tout, c’est tout ce qu’on demande quand on va au cinéma, non? 😉

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