Black Christmas (Sophia Takal, 2019)

En 1974 sortait Black Christmas, dont l’aura culte relève surtout d’un bon timing, puisqu’il est considéré comme le tout premier slasher. Le film de Bob Clark allait ouvrir la voie à tous les Halloween, Vendredi 13, Freddy et autres boogeymen qui égaieraient les cauchemars adolescents des années 70 et 80! Le verbe anglais « to slash » signifie couper ou taillader, et renvoie donc à l’arme principale du tueur dans cette catégorie de films, qui envoie ses victimes ad patres avec des objets tranchants, très souvent un couteau. On avait bien évidemment déjà les gialli italiens dans lesquels un mystérieux tueur s’en prenait à diverses victimes féminines, comme dans le classique Six Femmes pour l’Assassin de Mario Bava, avec son meurtrier masqué et son arme contondante, symbole phallique s’il en est.

Mais le Black Christmas de Clark ne possède pas l’aspect très théâtralisé des gialli, qui sont un sous-genre à part entière, et verse donc dans ce qui deviendra par la suite connu comme le slasher. Sa réputation est très largement surfaite, car il possède un rythme extrêmement lent, et mis à part quelques effets stylistiques novateurs comme les plans subjectifs (on sent que l’intro a été très inspirante pour John Carpenter dans son ouverture de La Nuit des Masques), on s’ennuie vraiment beaucoup dans cette histoire tellement terne… En 2006, un autre Black Christmas débarque, cette fois-ci dû aux bons soins de Glen Morgan, scénariste sur X Files : aux Frontières du Réel, qui va tenter d’apporter une dimension plus psychologique aux agissements du tueur. C’est sûr que dans celui de 1974, on s’en foutait complètement de savoir d’où venaient ces meurtres… Mais cette réappropriation n’est pas des plus heureuses, et le film s’avère tout aussi « ennuyeux » que son prédécesseur… La « marque » Black Christmas claque juste par son titre du coup…

Et voici que débarque cette nouvelle itération, qui va donc tenter de capitaliser sur l’aura du film initial (celui de 2006 est clairement passé à la trappe depuis). On prend un point de départ similaire, à savoir une sororité étudiante dont les membres vont être attaquées par un mystérieux tueur, et on va greffer une belle touche de modernité en emballant le tout dans un esprit #metoo des plus opportunistes… La vague qui a emmené Harvey Weinstein et les salopards dans son genre est une ouverture salvatrice et essentielle dans le monde culturel, mais le revers artistique qu’on se prend depuis démontre bien à quel point l’industrie hollywoodienne adore s’empêtrer dans des clichés indigestes… A ce titre, je vous invite à lire cet article intéressant d’Ecran Large, qui questionne justement cette légitimité du girl power dans les films récents.

Le vrai problème n’est pas dans le féminisme, mais dans le matraquage que l’on en fait, comme si foutre du féminisme dans un film allait l’excuser d’être une oeuvre merdique. Non, c’est pas comme ça que ça marche. Quand on nous balance un slasher aussi pourri et désintéressé de ses personnages et de son sujet, ce n’est pas l’argument du féminisme qui va en faire un chef-d’oeuvre. Et le gros problème actuel à Los Angeles, c’est que les producteurs ont très envie de faire comprendre à quel point ils sont tolérants et ouverts aux rôles forts pour les femmes, ce qui paradoxalement va amener des personnages tellement fades… Il n’y a qu’à voir comment cet effet négatif du #metoo a totalement flingué Sarah Connor, qui était jusque-là une icône du girl power tellement badass…

Bref, on est là pour parler de Black Christmas 2019, je m’égare… Alors on a des girls interchangeables face à une fraternité de mâles dominants tellement caricaturaux que ça n’en est même plus drôle, et on a un discours on ne peut plus manichéen qui ne fera certainement pas avancer la cause féministe. C’est lourd, mal écrit, et sacrément indigeste, et ça part dans un délire sacrément naze quand même! Le problème quand on veut créer des personnages de femmes fortes, c’est qu’il ne faut justement pas se focaliser sur le fait que ce soit des femmes, mais simplement des personnages forts par eux-mêmes. Ripley et Sarah Connor, deux icônes majeures du cinéma d’action et de SF, ne revendiquaient pas le fait d’être des femmes dans leurs films (enfin, ça c’était avant cette daube de Terminator : Dark Fate), leurs personnages étaient suffisamment riches et forts pour exister par elles-mêmes sans avoir besoin de justifications féministes. Et c’est justement dans cet écueil que tombent la plupart des films actuels, en insistant trop sur cette vision finalement très politique et pas assez sur l’écriture de vrais personnages.

Bon, on pouvait au moins espérer un slasher efficace avec quelques meurtres bien graphiques, il n’y a même pas ça pour nous sortir de la torpeur. C’est laid, et le pire c’est que ça semble traité sans le moindre intérêt. On a placé une femme à la réalisation, Sophia Takal, là encore pour justifier le girl power, mais ce Black Christmas est juste un film de producteur opportuniste… Ca peut faire mal venant de Jason Blum qui nous a notamment livré l’excellent Us, mais à qui l’on doit aussi l’immonde Halloween de l’an passé… Black Christmas n’est donc clairement pas un film honnête, mais une nouvelle tentative de ratisser large en se plaçant comme un producteur visionnaire et ouvert d’esprit en laissant la réalisation d’un film horrifique à une femme. Le problème ne vient là encore pas du fait que ce soit un homme ou une femme qui réalise, mais il faut juste quelqu’un d’impliqué et de talentueux. Là, ce n’est clairement pas le cas, et le sexe de son auteur n’est pas en cause, mais simplement ses capacités et sa motivation.

Black Christmas est une belle arnaque qui tente de capitaliser sur un effet de mode, et qui se vautre totalement sans rien avoir à sauver. La saga semble vraiment maudite, car de mon point de vue, elle n’a engrangé que 3 désastres filmiques! Et si vous voulez du vrai film qui s’avère intelligemment féministe, je vous invite à découvrir l’hallucinant Assassination Nation de Sam Levinson, qui mon Dieu, est un homme! Comme quoi, il me semble bien que les hommes et les femmes ont toujours besoin l’un de l’autre 😉

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