Us (Jordan Peele, 2019)

Je ne pensais vraiment pas aller voir ce film au départ, ayant à l’époque trouvé Get out sympa mais totalement surestimé… La bande-annonce de ce Us semblait vouloir emprunter des chemins similaires, et j’avais décidé de passer mon tour. Mais c’est en lisant une critique plutôt engageante que je me suis finalement décidé à aller y jeter un oeil, le rédacteur exprimant clairement que la tonalité et les enjeux étaient très différents entre les deux métrages. Et il avait sacrément raison!

Il faut bien admettre que la mise en scène de Jordan Peele constituait un des atouts de Get out, et il a encore bien progressé depuis! L’entrée en matière est superbe et tient du conte macabre avec quelques inspirations à la Bradbury, en mode Foire des Ténèbres! L’approche des peurs enfantines dans une fête foraine est vraiment très bien rendue, et on se met à la hauteur de cette petite fille qui découvre ce monde festif et pouvant se révéler très étrange… La mise en scène est parfaite, le travail sur le son va rendre la séquence bien oppressante, et c’est réellement très agréable de se mettre à flipper dès le début!

Passée cette intro, Jordan Peele va nous présenter les protagonistes principaux avec là encore de très belles qualités de mise en scène et un sens aigu de l’écriture. Un détail tout simplement génial, le fait de nous présenter l’un de ces fameux autocollants que l’on peut mettre sur la vitre arrière de la voiture, avec 4 personnages pour suggérer une famille. Du coup, avant de découvrir les personnages, on sait déjà qu’ils sont 4. C’est super simple et discret, et c’est excellent! On va être présenté à une famille avec laquelle on ne peut qu’accrocher, là encore grâce au talent avec lequel Peele brosse leurs personnalités, qui sont à la fois réalistes et loin des caricatures habituelles dans ce genre de productions (comme pour Get out, Peele assure à la fois le scénario, la réalisation et la production).

Lupita Nyong’o joue Adelaide, une mère de famille moderne toujours prête à protéger ses enfants. L’actrice (qui interprétait Nakia dans Black Panther) va faire la démonstration d’une palette de talents assez dingue pour donner consistance à son rôle, et nous dépeint des émotions sacrément contradictoires avec une intensité maximale! Elle est réellement impressionnante dans ce film, et est capable de tenir la distance face à toute les situations! Quand on parle de féminisme pour Captain Marvel, Carol Danvers peut aller se rhabiller gentiment! ^^ A ses côtés, Winston Duke (M’Baku dans Black Panther, tiens!) joue Gabe, un père de famille drôle et décalé, parfois maladroit, et va apporter des contrepoints humoristiques qui fonctionnent vraiment bien! Jordan Peele nous fait un très beau numéro d’équilibriste entre la tension permanente et les saillies absurdes qui se marient au final très bien!

Shahadi Wright Joseph, dont il s’agit du tout premier film, est impressionnante et va développer un jeu sacrément réussi elle aussi!!! Et Evan Alex est lui aussi convaincant dans le rôle du petit frère. Cette famille unie va se retrouvée confrontée à un mal bien insidieux, avec ces personnes qui rôdent autour de leur maison… Et c’est là que toute l’intelligence de Jordan Peele va éclater, puisqu’il ne va pas seulement se contenter de nous raconter une histoire très étrange, mais il va l’habiller de manière très convaincante avec des situations classiques de films de genre, tels le home invasion, le survival, la descente dans les abysses… On sent que Peele est un fin connaisseur et qu’il a ingéré une quantité astronomique d’oeuvres à tendances fantastique et horrifique, et tous ces visionnages l’ont amené à se créer un sens esthétique très affirmé et très immersif! Sa façon de raconter l’invasion de la maison est à la fois limpide, très tendue et parfois drôle, ce qui est un exercice sacrément périlleux, mais qu’il réussit haut la main!

C’est dans la construction de cette tension que Jordan Peele va exceller, et il va être capable de la maintenir durant tout le film, se permettant des variations qui confèrent au métrage un rythme qui lui est propre. Il y a réellement une sorte de musicalité dans son approche, et j’en viens justement à l’utilisation de la musique, qui dénote là encore d’une très belle culture et d’une grande intelligence! Quand on a un morceau des Beach Boys bien fun qui sort d’une enceinte lors d’une scène de massacre, ça donne un rendu très particulier à l’ensemble, … Mais que dire de cette scène d’affrontement qui emprunte à la danse, et qui est je pense unique en son genre? Là encore, l’utilisation de la musique est énorme… Peele nous prouve toute la complexité de ses ambitions avec cette séquence, qui suscite des émotions fortes et là encore contradictoires! C’est très difficile de parler de ce film sans spoiler, donc je vais éviter au maximum!

Jordan Peele prouve avec Us qu’il est bien plus qu’un cinéaste opportuniste comme aurait pu le laisser croire Get out, et si ce dernier ne méritait pas toutes les critiques dithyrambiques qu’il a eu, Us est une excellente surprise qui mérite davantage que l’on y plonge! A la fois gore, stressant et drôle, c’est une proposition bien enthousiasmante dans le paysage cinématographique horrifique actuel, qui nous balance de belles bouses du genre Escape Game… Un petit mot sur la photographie signée Mike Gioulakis, qui possède une patte précise et envoûtante, que l’on avait déjà pu apprécier dans It follows, Split ou Glass. Son travail s’accorde à merveille avec celui de Peele, donnant une consistance plus percutante à ce cauchemar éveillé!

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