1917 (Sam Mendes, 2019)

La guerre au cinéma, c’est très souvent le Vietnam, la Seconde Guerre Mondiale, l’Irak ou l’Afghanistan. La 1ère Guerre Mondiale est moins souvent traitée, mais on peut se rappeler des Sentiers de la Gloire de Kubrick ou de Joyeux Noël. Sam Mendes avait d’ailleurs déjà traité du conflit irakien en 2005 avec Jarhead – la Fin de l’Innocence. Pour son 8ème film, il va s’inspirer des mémoires de son grand-père, qui lui a raconté ce qu’il avait vécu lorsqu’il était au front de la Grande Guerre. En s’appuyant sur ces histoires et en proposant une mise en scène immersive, il compte bien nous offrir un film mettant le spectateur au premier plan!

On a longuement entendu parler de ces multiples plans-séquences, s’assemblant pour former un récit qui est compté sans interruption. Le film se veut en un seul et unique plan, qui est simplement coupé à quelques intervalles pour alléger le dispositif. En soi, le défi technique impressionne et le résultat est une réussite, nous offrant une réelle immersion et une qualité technique indéniable. On va suivre au plus près les caporaux Blake et Schofield, envoyés en mission afin de délivrer un message de la plus haute importance à un général dont les troupes se trouvent au-delà des lignes ennemies. La mission est capitale, car les vie de 1600 soldats sont en jeu, et le temps est compté…

Quand on évoque l’exigence des tournages en plan-séquence, on pense à des chef-d’oeuvre comme Gravity ou The Revenant, qui offrent des moments véritablement marquants dans le 7ème art, et le défi de s’en approcher est toujours palpitant. Au-delà du plan-séquence en lui-même, c’est dans la forme narrative aboutie que l’on va encore trouver des films incroyables comme Interstellar ou Dunkerque, et c’est ce type d’expérience sensorielle que l’on souhaite vivre au vu de ce qui avait été mentionné sur ce 1917. Dunkerque fait figure de mètre-étalon depuis sa sortie en 2017, et la comparaison est inévitable maintenant dès que sort un film de guerre. Et si 1917 est réussi, il est très loin de l’ambition et de l’aura du film de Nolan

Techniquement, il n’y a rien à redire, tant la mise en scène est maîtrisée par Sam Mendes. Il y a une précision impressionnante et forcément nécessaire avec ce défi du plan-séquence, et Mendes parvient à son but. La reconstitution est elle aussi impressionnante, avec la création de véritables tranchées dans les décors anglais. Après, l’aspect émotionnel en pâtit malheureusement sur une bonne durée du métrage, avec paradoxalement une trop grande distanciation avec les personnages. La prouesse technique de la mise en scène fait que l’on se plaît à suivre la caméra et à en observer les oscillations, et on a du mal à oublier le dispositif filmique. C’est le risque lorsqu’on annonce un tel défi, et on apprécie donc la maestria de Sam Mendes, qui compose des plans savamment étudiés dans des décors très travaillés où chaque figurant a sa place. Mais il manque un élan vital ou poétique à la Innaritu, qui nous gratifiait de séquences monstrueuses dans son The Revenant, dans lequel il parvenait à allier une technicité redoutable et des émotions viscérales! Dans 1917, on suit avec intérêt l’aventure de ces deux soldats, mais de manière moins captivante.

Nous sommes pourtant au plus près d’eux, puisque la caméra ne les lâche pas. Dean-Charles Chapman et George MacKay vont montrer frontalement comment ils vont traverser cette mission à haut risque, tant humainement que physiquement. Simplement, on sent l’écriture derrière, avec ses points de passages obligés, et là encore une certaine distanciation. L’ensemble est intéressant et se regarde sans ennui, mais on aurait aimé que l’émotion affleure plus souvent dans ce récit tragique. En l’état, on obtient une évocation réaliste et réussie, mais qui ne parvient pas à rejoindre les rangs de The Revenant, Gravity ou Dunkerque.

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