L’Agent Secret (Kleber Mendonça Filho, 2025)

L'agent secret (2025) - IMDb

J’ai découvert le cinéma de Kleber Mendonça Filho avec sa dernière oeuvre en date, et j’ai été happé dès la séquence d’ouverture par le style très personnel du metteur en scène brésilien. Cette séquence où se mêle habilement l’absurde et le suspense va d’emblée marquer la tonalité atypique qui perdurera durant les 2h38 de ce long métrage, qui va faire la part belle à des gueules de cinéma, à une écriture au cordeau et à un sens esthétique indéniable. L’Agent Secret marque ma première rencontre avec ce cinéaste que l’on sent épris des incontournables Ricains des 70’s que sont Coppola, Scorsese, Cimino et le reste de la bande. Son style brillant s’est nourri du travail de ses prédécesseurs situés plus haut sur le continent, mais il l’a totalement assimilé pour nous offrir du très grand cinéma à la fois référentiel et très personnel.

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Cette scène d’ouverture avec ses airs de western qui ne dit pas son nom est un pur régal, et on sent que Mendonça prend un très grand plaisir à tourner et que ce plaisir se communique à ses équipes. Son travail en tant que directeur d’acteurs est excellent, et du personnage principal au moindre perso tertiaire, chaque acteur s’intègre parfaitement dans la mécanique complexe de cette intrigue foisonnante qui nous perd agréablement dans ses méandres et ses ruptures de rythme. On comprend dès l’introduction que Mendonça apprécie de laisser vivre ses séquences, et les 2h38 s’avèrent bien plus nécessaires que dans d’autres oeuvres qui ne savent plus quoi raconter sur un laps de temps aussi grand. Même si cela ne l’exempt pas de longueurs par moments, cet étirement participe au caractère hypnotique de l’ensemble, qui va maintenir une cohérence très étonnante alors que le film offre une réelle diversité dans ses choix narratifs.

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L’Agent Secret se présente comme un thriller sur fond d’espionnage, mais il est à la fois cela tout en ne l’étant pas. Telle une oeuvre que ne renierait pas un certain Schrödinger, ce film entre difficilement dans une case précise, et la fluctuation permanente de ses contours permet de lui attribuer une rareté certaine dans le 7ème art. Mendonça filme et raconte comme il en a envie, sans se soucier des codes narratifs conventionnels, et cette liberté de ton est un don précieux qui fait de L’Agent Secret une oeuvre réellement atypique et captivante. Au-delà des mouvements de caméra subtils, d’un montage d’une très grande précision et d’une utilisation parfaite de la musique, ce film repose également sur une troupe d’excellents acteurs.

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Wagner Moura est connu pour avoir incarné Pablo Escobar dans la série Narcos, et il s’avère très dense dans le rôle de cet homme en fuite hanté par son passé, et désireux de changer de vie. On a un étrange duo de tueurs à gages (dont l’un est incarné par Gabriel Leone, qui jouait le champion automobile dans la série Senna), une minuscule vieille dame au caractère bien trempé, un chef de la police pourri jusqu’à la moëlle, un ancien soldat de la Seconde Guerre Mondiale (Udo Kier), 2 frères tueurs chargés de récupérer une jambe qui a malencontreusement refait surface… De Maria Fernanda Cândido à Thomas Aquino, chaque personnage a trouvé son interprète afin de donner lieu à des séquences les plus justes possibles, et quand on a un metteur en scène capable de distiller une tension palpable dans des scènes de dialogues avec autant d’aisance, on se dit qu’on tient forcément là un très grand cinéaste.

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L’Agent Secret est inclassable mais fascinant, en étant une oeuvre pouvant paraître brute mais s’avérant infiniment plus ciselée que bon nombre de métrages, et c’est un vrai plaisir de se laisser embarquer dans cette fresque étrange qui raconte à sa manière les années 70 au Brésil. Le Prix de la mise en scène pour Mendonça et le Prix d’interprétation pour Wagner Moura au dernier Festival de Cannes sont amplement mérités, et tout cela donne très envie de découvrir Bacurau, Aquarius, Les Bruits de Recife et les autres oeuvres du réalisateur.

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