Christopher Nolan fait partie de ces metteurs en scène que je trouvais très surestimé, mais qui en l’espace de 2 films a réussi à me faire adhérer à son travail. J’avais trouvé son exercice de style avec Following – le Suiveur intéressant, mais je n’avais pas accroché à Memento, Insomnia et Batman begins. Je n’ai pas vu Le Prestige, et j’ai trouvé The Dark Knight: le Chevalier noir intéressant, surtout pour le Joker et Double Face, mais pas pour Batman lui-même… Je me suis vraiment ennuyé devant Inception… Et je n’ai pas réussi à regarder plus d’une heure de The Dark Knight rises… Et d’un coup, il nous livre un Interstellar qui s’avère totalement captivant et osé, et assoit définitivement son statut avec ce qui est son chef-d’oeuvre absolu, Dunkerque!
C’est simple, l’an dernier, Alejandro Gonzalez Inarritu nous a livré son The Revenant, et cette année, c’est Nolan qui nous balance le film le plus exigeant et le plus immersif! Dunkerque est une expérience sensorielle des plus captivantes, qui va vous mettre en apnée pendant la quasi-totalité du film! L’évocation de cette phase de la Seconde Guerre Mondiale est d’une telle intensité, que je retenais réellement mon souffle tellement j’étais plongé dans l’action! Nolan est parvenu à retranscrire la tension permanente dans laquelle vivaient ces soldats, et il le fait avec une maîtrise absolument démentielle!!! D’habitude, je suis moins sensible aux sons qu’à l’image, mais la façon dont il gère la partie sonore est dingue! Ce tic-tac permanent qui est comme un compte à rebours, et qui marque l’attente face à un événement tragique qui va se produire, c’est une trouvaille d’une efficacité redoutable! Et jamais la bande-son d’Hans Zimmer n’aura été aussi immersive!!! Le compositeur nous livre une prestation hypnotique qui intensifie très efficacement la vision de Nolan!
Dès le début du film, on est plongé dans les rues de Dunkerque, où les soldats allemands ont acculé les Britanniques et les Français. On entre directement dans le vif du sujet avec une scène d’une très grande tension, et on se rend compte rapidement qu’elle ne va pas nous lâcher! Le film est construit de telle manière, que l’on va passer d’une épreuve à l’autre, en suivant divers points de vue de manière régulière. On va s’attacher à deux soldats qui vont tout faire pour s’éloigner de Dunkerque; à un civil anglais qui va prendre son bateau pour venir aider les Alliés; à des aviateurs anglais qui vont tenter de renverser la situation devenue très critique; et à un commandant décidé à rapatrier ses troupes au pays. Nolan va user d’une trame narrative très intelligente pour nous raconter les destins croisés de ces protagonistes, ainsi que des milliers d’anonymes se retrouvant pris au piège sur cette plage…
La mise en scène est d’une force sacrément impressionnante, avec une aisance dans l’évocation de ces divers moments très variés; Nolan filme aussi bien sur terre, que sur mer ou encore dans les airs, et il va nous plonger dans des séquences juste incroyables! Sa capacité à prendre en compte la temporalité de chaque séquence rajoute indéniablement à la tension, et quand on entend le sifflement strident des avions allemands qui arrivent au loin, et que l’on voit les hommes se coucher à terre dans l’attente de l’impact, c’est d’une telle intensité… Et quand on voit avec quelle frontalité il nous fait vivre ces impacts, on ne peut qu’être totalement immergé dans ces scènes! En jouant sur les effets d’attente et cette temporalité inéluctable, il nous emprisonne dans sa vision hypnotique, et on ne peut rien faire d’autre que subir ce que vivent ces soldats… Et quand le rendu est aussi réaliste et intense, on ne peut que se prendre tout cela de plein fouet…Christopher Nolan nous livre une expérience sensorielle des plus captivantes, et on ne ressort pas indemne de ce film…
Une autre des forces de Dunkerque est de ne pas faire un film de guerre qui va opposer les Alliés aux Allemands, mais d’adopter un point de vue allant bien au-delà: Christopher Nolan filme des hommes qui tentent de survivre à la Mort. L’ennemi ne prend pas le visage de soldats nazis, et cette vision du conflit n’est pas celle de plusieurs nations contre l’Allemagne. C’est un film qui va mettre des hommes face à leur plus grande peur, qui va les obliger à réagir face à un ennemi tellement impitoyable et universel, qui est la Mort elle-même. Christopher Nolan, en 1h37, est parvenu à captiver l’essence même de cette lutte primale pour l’existence, tandis que l’inéluctabilité de cette mort devient aussi évidente que cet entêtant tic-tac permanent! On va assister à des séquences d’une telle intensité, menée avec un sens du réalisme bluffant, que l’on ne va même pas ressentir tout de suite les émotions qu’elles suscitent. La force de Nolan est de nous plonger dans un tel état d’urgence et de tension, que tout ce qu’on va vivre va être pris de plein fouet, et que la somme de toutes ces émotions ne sera délivrée qu’à la fin! J’ai rarement ressenti une telle symbiose entre l’intelligence d’une mise en scène et la puissance des émotions, et surtout une telle maîtrise dans l’évocation des deux!
Christopher Nolan nous fait littéralement vivre ce conflit de l’intérieur, que ce soit sur la plage, dans les airs ou en mer, et Dunkerque est un hommage des plus sincères à tous les hommes et les femmes ayant participé à cette Opération Dynamo, destinée à sauver le plus de monde possible sur les 400 000 soldats coincés sur cette plage… Parmi les choix narratifs de Nolan (qui a donc également rédigé le scénario), celui de ne pas choisir de personnage principal. On va ainsi passer d’une personne à l’autre dans une sorte de boucle narrative, afin de suivre différents destins pris dans cette tourmente qui les dépasse. Au niveau du casting, c’est un sans-faute, avec les inconnus mais très bons Fionn Whitehead et Damien Bonnard qui jouent les deux soldats qui tentent de quitter la plage; Tom Hardy dans le rôle de l’aviateur; Mark Rylance qui joue le civil venu aider l’armée avec son bateau; Kenneth Branagh dans le rôle du commandant, Cillian Murphy en soldat traumatisé, ou encore James D’Arcy jouant un colonel. La direction d’acteurs est parfaite, et chacun va approfondir son personnage pour que cette conjonction de talents se mette au diapason de l’excellence du metteur en scène! Et cette composition d’Hans Zimmer… Dunkerque est une expérience unique, de celle qui vous marque et qui vous rappelle que le cinéma est capable de vous toucher au plus profond de votre être!!!
Good job 😉
Merciiiii!!! 🙂