Incassable est sans conteste le chef-d’oeuvre de M. Night Shyamalan, allégorie simplement parfaite du monde super-héroïque, tant dans sa mise en scène que dans son écriture ou dans le jeu des acteurs. Un monument qui préfigurait très intelligemment les vagues à venir du côté de la Fox, de Sony et de Marvel Studios, et qui permettait d’entrer dans un univers très codifié tout en respectant les néophytes. C’était en 2000, et après une carrière en sévères dents de scie (avec un génial The Visit en 2015!), Shyamalan a sorti Split en 2016, oeuvre éminemment bavarde qu’il a espièglement raccroché au wagon (ouh le mauvais je de mots ^^) d’Incassable lors de sa scène finale. Le film a eu son petit succès, mais s’avérait trop bavard pour convaincre, malgré la performance de James McAvoy. Mais là encore, alors qu’il jouait un individu censé avoir 24 personnalités, on en voyait finalement très peu…
Suite à ce succès et à cette scène finale, il n’aura pas fallu longtemps pour que Shyamalan annonce un autre volet de ce qui constitue sa trilogie Eastrail 177, du nom du train duquel David Dunn, le personnage incarné par Bruce Willis, réchappe miraculeusement. En convoquant les 2 figures antagonistes d’Incassable ainsi que le personnage de Split, on arrive à une sorte de trinité bien dérangée qui va se retrouver pour un affrontement à hauts risques! Le diabolique Elijah Price (Samuel L. Jackson) va recroiser la route de David Dunn, et le psychopathe connu sous le nom de la Horde (James McAvoy) va joyeusement les rejoindre.
On ne va pas faire durer le suspense plus longtemps, Glass n’arrive pas à la cheville de son illustre prédécesseur. La perfection de la mise en scène et la justesse des émotions d’Incassable sont bien loins, et Glass apparaît davantage comme une sorte de curiosité sympathique, nous permettant de retrouver de vieux personnages qu’on avait beaucoup apprécié à l’époque. Le film possède quelques touches nostalgiques intéressantes, notamment avec la présence de Spencer Treat Clark, qui reprend son rôle du fils de David Dunn! Revoir la silhouette dégingandée et hirsute de Samuel L. Jackson, la cape mystérieuse de Bruce Willis… Ca fait son petit effet et le film peut se reposer en partie sur cette affinité du public avec ces personnages cultes.
Là où il assure davantage, c’est avec la place laissée à James McAvoy dans son jeu. Dans Split, il semblait limité, tandis qu’ici il se lâche carrément plus, et ça fait bien plaisir! Le Professeur Xavier des X-Men est méconnaissable, et McAvoy nous livre une prestation impressionnante, tant sur le plan psychologique que physique! Cette fois, il laisse libre cours à 20 personnalités de la Horde, et il les incarne avec une vraie rage intérieure! Les phases de transition notamment sont assez impressionnantes, et il est clairement l’atout majeur de ce film. Du coup, Bruce Willis et Samuel L. Jackson apparaissent davantage en retrait, ce qui est assez curieux, mais M. Night Shyamalan aime brouiller les pistes!
Le film va osciller entre introspection et action, sans toutefois oser de grands coups d’éclats, mais dans une volonté purement réaliste et terre-à-terre, malgré les dissertations philosophiques plutôt amusantes d’Elijah, fidèle lecteur de comics! Il y a des pointes d’humour inattendues de temps à autre, et qui mettent en lumière une certaine forme d’auto-dérision de la part de Shyamalan. On flirte parfois avec le ridicule, sans toutefois y tomber, et Shyamalan parvient à créer une sorte de film hybride étrange, expérience voulant explorer l’univers d’Incassable, avec ses spécificités particulières, et à sa manière spéciale. Glass n’est clairement pas le chef-d’oeuvre qu’on aurait aimé avoir, et puis quelque part tant mieux, ça rehausse encore davantage le statut culte et inatteignable d’Incassable! Mais il se regarde avec davantage d’intérêt que Split, et offre une continuité à la fois curieuse et intéressante à tous ces personnages.