Avec une notoriété s’accroissant de festival en festival, It follows est devenu le film de genre qui suscitait le plus d’attente en ce début d’année, se permettant même de rafler le Grand Prix et le Prix de la Critique à Gérardmer le week-end dernier! Après The Myth of the american Sleepover en 2010, David Robert Mitchell signe ici son second long métrage, dont il a également assuré le scénario. Une oeuvre qui se veut très maîtrisée par son auteur donc, et qui offre le premier rôle à l’étoile montante Maika Monroe.
On sent d’entrée de jeu l’influence de John Carpenter, avec ce plan d’ouverture très caractéristique qui voit cette rue avec une profondeur de champ renvoyant direct à La Nuit des Masques! On se retrouverait presque à Haddonfield, Illinois tant le travail sur la mise en scène et la couleur sont maîtrisés! Les premières notes de musique qui s’élèvent ne laissent plus de doute possible, David Robert Mitchell a dû écouter et réécouter les compositions électro de Big John! Mais il ne se contente pas de singer le maître, il a au contraire totalement intégré sa vision et son esthétique pour les mêler à ses propres thématiques et à ses propres constructions graphiques. It follows apparaît visuellement comme une résurgence de la belle époque carpentérienne, et remet au goût du jour cette esthétique si particulière et un brin surannée.
La liberté de mouvement adoptée par Mitchell permet une plus grande amplitude dans la création des scènes de tension, comme par exemple ce moment où la caméra tourne en cercle sur un axe central en balayant les différents protagonistes disséminés à travers le champ visuel. Le fait de capter un personnage et de ne plus le voir lorsque la caméra pivote intensifie irrémédiablement le suspense, le hors champ devenant soudain source de stress. Mitchell construit avec beaucoup d’intelligence ses scènes de flippe, qui permettent d’offrir quelques éléments novateurs par rapport aux standards du genre.
Le sujet même est très original, avec cette malédiction sexuellement transmissible, qui voit un individu être suivi par une entité qui cherche à le tuer, tout cela après avoir couché avec une personne qui elle-même était en proie à cette malédiction. Après une séance de sexe, la malédiction se refile au nouveau partenaire, qui devra gérer cette nouveauté… Il faut accepter l’idée un poil saugrenue, mais une fois ce postulat posé, on va suivre un personnage principal qui va devoir prendre des décisions radicales si elle veut survivre… On pense à l’excellent Black Hole de Charles Burns dont It follows pourrait être une adaptation inavouée, avec son atmosphère de pessimisme ado teintée de maladie sexuelle.
Et pourtant, toutes ces bonnes intentions ne vont pas tenir sur la durée, et l’originalité du propos ne permet pas de faire d’It follows la bête de festival qu’il était censé être. Tout d’abord, le scénario s’avère redondant, et entre deux scènes de tension réussies, il y a de trop nombreux moments d’attente où il ne se passe vraiment pas grand-chose… Le principe même de la lenteur de la malédiction fait que les protagonistes doivent attendre longtemps avant la prochaine manifestation, ce qui nuit considérablement au stress, malheureusement… Ensuite, la malédiction perd de sa consistance et de sa crédibilité vers la fin, avec un dénouement franchement décevant.
It follows est comme un très bel écrin, dans lequel on aurait tenté de mélanger originalité, peur et atmosphère, et qui se perd un peu en route, conservant assez de consistance pour rester intéressant, mais ne parvenant pas à se hisser au final au-dessus des productions habituelles. Pourtant, il faut souligner le vrai sens de la mise en scène dont fait preuve David Robert Mitchell, qui se heurte en fait aux pièges de son propre scénario. Mais It follows mérite quand même que l’on y jette un oeil, et même un deuxième pour Maika Monroe, qui après Last Days of Summer et surtout le génial The Guest, se pose comme une actrice très prometteuse! Les terribles événements vont faire voler en éclat tous ses rêves d’adolescente, et la jeune femme qui cherchait son prince charmant va se coltiner une réalité bien plus cruelle, ou elle va devoir coucher afin de refiler la malédiction, en étant donc un poil moins difficile sur ses amants… Il y a là une sorte d’allégorie à peine voilée sur la perte des idéaux lors du passage au monde adulte, avec sa réalité brute qui détruit peu à peu les visions de l’enfance… Et le côté Mandy Lane de l’actrice n’est pas pour déplaire!
It follows n’est malheureusement pas aussi abouti que sa réputation le laissait croire, mais il reste un film d’horreur sympathique bénéficiant d’une vraie mise en scène.