L’arme ultime de Nick Fury, dont il a été fait mention dans la scène post-générique d’Avengers : Infinity War, se dévoile enfin dans cette origin story prenant place en 1995. 1ère oeuvre estampillé girl power du côté de Marvel Sudios (avec un train de retard sur DC qui a lâché sa Wonder Woman il y a 2 ans), elle était très attendue en cette période de #me too qui secoue Hollywood depuis plusieurs mois. Brie Larson, échappée du film d’auteur (elle a eu l’Oscar de la meilleure actrice pour sa prestation dans Room), fait équipe avec une paire de réalisateurs eux aussi issus du circuit indépendant, Anna Boden et Ryan Fleck (Sugar, Une drôle d’Histoire, Under Pressure). Une sorte de caution intellectuelle dans un univers de blockbusters, est-ce que cela fera la différence?
Il faut bien se rendre à l’évidence que cette conjonction auteurisante ne résiste pas au poids de Marvel Studios. Ainsi, si la volonté première semblait être d’apporter une certaine sensibilité ou une complexité plus profonde des enjeux, il n’en est rien, et Captain Marvel avale littéralement ces propensions tel un gigantesque trou noir, pour ne laisser subsister que la trame classique et blockbusterienne du genre. On pourra tenter de chercher le moindre petit effort au niveau de l’émotion ou de l’empathie, mais ça restera vain… Le côté auteur n’a jamais été la volonté du studio, et cette caution n’était là que pour tenter de vendre le film à une autre frange du public, celle qui ne foncerait pas d’elle-même pour aller le voir.
On est donc face à un produit calibré, qui s’inscrit sans peine dans la mythologie Marvel, et qui est juste destiné à nous faire connaître celle qui serait capable de renverser Thanos avant de la découvrir dans Avengers : Endgame. Et accessoirement, ça fait un film de plus et donc quelques millions en plus aussi dans l’escarcelle. Captain Marvel ressemble terriblement à un banal film de commande, et on sent dès le départ le manque d’âme qu’il véhicule… On commence par une scène dans l’espace, qui fait forcément penser à du Star Wars, mais sans la même attractivité (je parle des premiers films, pas des derniers, mis à part Rogue One : a Star Wars Story hein). Et au jeu des comparaisons, il est évident qu’on ne s’approche carrément pas de la qualité d’un Gardiens de la Galaxie, ou même d’un Thor Ragnarok, bien que ce dernier utilise déjà la formule Gardiens…
Il y a un aspect très brouillon qui prend rapidement le pas, et qui ne va pas s’estomper au fur et à mesure de l’avancée du film. Brouillon dans son propos, avec des allers-retours temporels qui peinent à intéresser dramatiquement, brouillon dans sa mise en scène, avec des séquences de combats réalisées sans aucune envie, et brouillon dans la structure et la cohésion de son récit, avec des utilisations de personnages tellement malhabiles et hors de propos, et des scènes sans aucune tension ni relief… C’est assez impressionnant de voir un film de cette envergure réduit à n’être au final qu’une pâle pellicule, alors qu’il semblait avoir tant à offrir. On ne peut pas se dire qu’il s’agit d’un manque d’ambition du studio, parce que la volonté de faire de Carol Danvers le porte-étendard du prochain Avengers a été mûrement réfléchie, mais il y a une sorte de pilote automatique qui a été branché, comme si on s’était dit qu’il n’y avait pas besoin d’efforts pour que le film soit bon. Ou qu’il n’y ait pas besoin de faire d’efforts pour que les gens se déplacent pour le voir… On arrive là à un constat assez alarmant sur le mode de fabrication de ces blockbusters, et j’espère sincèrement que Captain Marvel restera un cas isolé.
Si on était curieux de voir la réponse de Marvel au Wonder Woman de DC, et d’enfin découvrir Captain Marvel, Brie Larson ne rend vraiment pas justice à l’héroïne. Elle fait le job sans conférer la moindre complexité à Carol, et sans lui donner la texture qu’on est en droit d’attendre d’une femme capable de pulvériser Thanos! Ce dernier, qui était en images de synthèse, était paradoxalement plus humain et touchant qu’elle… On va donc la suivre dans son périple en se mettant nous aussi en mode automatique, en suivant de manière très distanciée les dialogues plats, les vannes foireuses et les luttes inintéressantes. Pourquoi faire revenir Coulson si c’est pour lui faire faire de la figuration? Samuel L. Jackson est là, mais il surjoue (j’aurais pu le baffer quand il découvre le chat Goose!) et se caricature lui-même. On ne parle même pas de Ronan et Korath, qui auraient tout aussi bien pu être remplacés par n’importe quels autres personnages. Il y a un manque cruel d’envergure et de motivation dans l’élaboration de ce récit, et c’est terrible d’en arriver à ce point-là après 10 ans de MCU!!!
Il y a quelques idées intéressantes, notamment concernant les Skrulls, même s’ils apparaissent terriblement caricaturaux au début. Des idées également sur la redistribution des personnages, même si Jude Law en fait des caisses lui aussi. Mais Captain Marvel est également très pauvre en terme de références, ne donnant même pas le moindre grain à moudre au fan de base. On a vite fait la fille de Maria Rambeau, qui se prénomme Monica, et qui dans les comics est appelée à devenir elle aussi une Captain Marvel… Mais il n’y a vraiment rien à se mettre sous la dent en matière d’easter eggs, et là encore, on se dit que le spectateur est bien lésé finalement…
Captain Marvel est un ratage intégral, qui ne doit son existence qu’à la place accordée à Carol Danvers dans le prochain Avengers. On se serait bien passé de cet épisode pour le coup… Ah oui, un dernier coup de gueule au niveau musical! A quoi ça sert de faire porter à Carol un T-shirt Nine Inch Nails si ce n’est pour même pas avoir droit à un morceau du groupe indus dans la BO??? Ca aussi, ça vendait du rêve et on n’y a pas eu droit! ^^