Difficile pour Nick Pizzolatto de donner une suite à sa magnifique première saison de True Detective. La nature anthologique du show fait que les personnages, les acteurs et les situations sont totalement différents et indépendants d’une saison à l’autre, et le producteur-scénariste avait la lourde tâche de devoir surprendre le spectateur par l’ampleur de son nouveau récit. En même temps, l’identité visuelle de la saison 1 était tellement intense, qu’il fallait là encore rivaliser avec elle dans cette seconde saison. Mais si l’excellent metteur en scène Cary Fukunaga assurait une continuité graphique juste sublime en réalisant l’ensemble des épisodes de la saison 1, cette suite indirecte voit pas moins de 6 metteurs en scène se succéder le long des 8 épisodes.
On commence avec le Taïwanais Justin Lin (spécialiste du bitume avec Fast & furious: Tokyo Drift, Fast and furious 4, Fast & furious 5 et le magnifique Fast & Furious 6!), et on poursuit avec le Danois Janus Metz Pedersen, le Canadien Jeremy Podeswa (spécialiste des séries TV) l’Irlandais John Crowley (à qui l’on doit le sublime Boy A), l’Anglais Miguel Sapochnik (un autre spécialiste des séries), et l’Américain Daniel Attias (un vétéran de la télé également). Un melting-pot impressionnant, aux antipodes du travail presque solitaire de Fukunaga sur la saison 1! Mais cet état de fait permet de cerner de manière beaucoup plus précise la patte de Nick Pizzolatto, puisque on sent une approche assez similaire dans le traitement scénaristique et visuel. On n’atteint certes pas les sommets de Fukunaga, mais l’ambiance pesante et cryptique est là…
Les premiers épisodes donnent le ton, avec une utilisation des codes vus dans la saison 1, et adaptés au besoin de ce nouveau récit. Au lieu de 2 personnages principaux, on va cette fois en suivre 4, d’un côté comme de l’autre de la frontière de plus en plus floue séparant le Bien du Mal. La caractérisation des personnages, avec leurs peurs profondes, leurs secrets enfouis et leur vision très caractéristique du monde dans lequel ils évoluent, renvoit sans conteste à la saison 1, entre réappropriation et hommage. On va suivre 3 flics sur une enquête complexe, tandis qu’un parrain local va tenter de comprendre ce qui se passe dans cette affaire. Colin Farrell est vraiment bon dans le rôle de l’agent paumé Ray Velcoro, et on sent parfois une filiation avec la prestation juste démentielle de Matthew McConaughey dans la saison 1, mais sans jamais l’égaler évidemment! Rachel McAdams (La Rage au Ventre) campe Ani Bezzerides, une flic dure et secrète, et sa prestation est intéressante. Taylor Kitsch est en parfait contre-emploi dans le rôle de l’agent Paul Woodrugh, et il impressionne par la dimension tragique de son personnage. Et voir Vince Vaughn dans un rôle dramatique, c’est tout aussi étonnant!
Si les premiers épisodes laissent penser que l’on pourrait bien retrouver une tension et une ambiance aussi fortes que la saison 1, la suite va rapidement démontrer les limites du show. Des limites qui ne viennent pas de l’atmosphère posée par les metteurs en scène, mais par le scénario qui se perd dans sa complexité, et qui offre trop de moments poseurs où les protagonistes se mettent en mode réflexion à la façon de McConaughey… Ce dernier à frappé les esprits l’an passé avec sa prestation dingue, et on ne retrouve pas cette année la puissance de jeu qui était présente alors. On sent une sincérité certaine dans l’élaboration du récit, mais également par moments des aspects plus artificiels, qui empêchent cette saison de rivaliser avec la précédente. Pourtant, le choix de faire se dérouler l’action dans une ville anonyme au-delà de Los Angeles, est très intéressant. On est à quelques kilomètres du strass de la Cité des Anges, dans un endroit qui se désagrège lentement, et dont on ressent l’abandon fantomatique. Il y a au début comme une vision d’une Twin Peaks qui aurait été vidée de ses démons, c’est assez particulier… Quelque chose de très différent de Lynch et Frost, et pourtant presque familier…
C’est dans cet univers d’autoroutes entrecroisées, d’industries abandonnées et de casinos enfumés, que va se dérouler l’enquête de Velcoro, Bezzerides et Woodrugh, que le mafieux Frank Semyon va suivre de son côté également. Le problème, c’est que les personnages n’évoluent pas assez, et surtout pas assez vite. Le cas est flagrant pour Semyon, que l’on serait tenté de comparer à Wilson Fisk dans Daredevil, mais on va rapidement comprendre que le personnage ne possède pas la même carrure, et surtout pas les mêmes possibilités d’évolution. Et c’est bien dommage, car Vince Vaughn donne de l’épaisseur à Semyon, mais il est pris dans un scénario qui ne le laissera pas faire exploser son personnage comme il devrait. Il y a une sorte de retenue trop ferme, qui empêche cette 2ème saison de livrer tout son potentiel. Ce qui fonctionnait avec la saison 1, marche beaucoup moins bien ici…
Pourtant, le show reste intéressant, et va permettre aux acteurs de se livrer à quelques belles prestations, Taylor Kitsch en tête. Son personnage difficile est le plus intéressant du lot, et on a du mal à reconnaître le Remy LeBeau d’X-Men Origins: Wolverine ou John Carter! On a une succession d’épisodes prenants, et d’autres plus conventionnels, voire même parfois ennuyeux… C’est le cas de 2 épisodes, et notamment du dernier malheureusement… Si Pizzolatto avait également eu des difficultés pour achever sa première saison, c’est encore plus difficile cette année… Cette saison 2 ne parvient donc pas à rivaliser avec la précédente, et constitue un récit intéressant mais pas captivant. Une suite moins réussie donc, avant une éventuelle 3ème saison qui rehausserait le niveau?