Guerilla 1 Le Jour où tout s’embrasa

Un roman dystopique racontant une guerre civile en France, ainsi que la chute du régime en place? Le projet est très ambitieux, surtout qu’il s’étalera sur pas moins de 3 romans! Laurent Obertone a été journaliste pendant plusieurs années, avant de rédiger des essais qui viendront compléter son expérience de terrain, et il sort de l’anonymat dès son premier ouvrage intitulé La France Orange Mécanique, dans laquelle il décrit l’ensauvagement du pays, qui connaît une délinquance et une criminalité grandissantes. En abordant des sujets sensibles tels que l’immigration, il sera immédiatement catalogué d’extrême-droite alors qu’il tente de parler d’une réalité qui n’a rien de politique. Avec Guerilla (paru aux éditions Magnus), il va poursuivre son exploration d’une France de plus en plus violente, en imaginant un futur proche où un événement va tout faire basculer dans le chaos.

Lors d’une descente dans le quartier de la Courneuve, des policiers vont être agressés par une bande de camés, et un des flics va faire usage mortel de son arme. Ce « fait divers » va être l’élément déclencheur d’un changement radical pour le pays, qui va connaître des émeutes telles qu’il n’en a jamais connu. D’entrée de jeu, on sent une tonalité très immersive et Obertone nous place au plus près de l’action, en parvenant à maintenir un suspense qui n’a rien d’artificiel. En quelques mots, il place les enjeux capitaux de la situation explosive, et son style permet de s’immerger immédiatement dans cette fiction : « Qui taperait le premier? Le type au jogging blanc, à la gauche du brigadier. Le flic voyait son silence, ses yeux mauvais, sa volonté de se faire oublier dans un angle mort. Le brigadier parlait, fixant le plus costaud, parlait comme si tout allait bien, pour sauver le fil de la parole, comme le premier feu des hommes. Il semblait croire qu’ici-bas le langage pouvait encore faire échec au crime. »

Je craignais que ce livre ne soit qu’un condensé de faits divers mis bout à bout de manière mécanique, il n’en est rien et on ressent un style puissant prenant racine dans l’aspect fortement intimiste de chaque événement décrit. Le journaliste ayant passé des années à coucher sur le papier journal des faits froids et objectifs, puis ayant ensuite analysé ces mêmes faits de manière plus poussée dans ses essais, peut enfin englober l’ensemble des composantes des sujets qu’il traite en y mêlant inextricablement les sentiments, les émotions et les peurs y étant liés. Ce roman-chorale va suivre quasiment en temps réel les événements survenant après l’instant zéro à la Courneuve, et on va y découvrir une multitude de personnages plus ou moins importants, mais chacun d’entre eux faisant partie intégrante de cette bascule vers le chaos.

Plusieurs références viennent à l’esprit lorsqu’on lit ce roman : il y a la trilogie des Rats de James Herbert, qui voit elle aussi la chute d’un empire mais due à des milliards de rongeurs; on pense à la trilogie du Fléau de Stephen King, qui raconte la propagation d’un virus à travers le monde, et qui le changera à jamais. Tenter de raconter la fin d’un monde prend du temps et engage de l’effort, c’est pour cela qu’il faut souvent 3 volumes ^^ Laurent Obertone s’inscrit dans le genre du roman apocalyptique avec talent, son style et son acuité permettant de faire ressortir le meilleur et le pire de ses personnages. Il brosse un portrait réaliste et peu flatteur d’une société qui s’est laissée consumer par la violence et la criminalité, et nous montre un futur possible si les politiques ne réagissent pas. Ce roman paru en 2016 fait immédiatement écho aux exactions et aux crimes sordides perpétrés encore récemment, et on assiste dans ce premier livre à des scènes choc traitées de manière brute et frontale.

Laurent Obertone va analyser finement cette suite d’événements à la fois de manière intimiste, idéologique et politique, permettant d’avoir un aperçu général de ce qui se passe. Les idéologues vont en prendre pour leur grade, avec leur volonté permanente de tendre l’autre joue, avec pour résultat de se retrouver flottant dans la Seine… Des scènes glaçantes vont être présentées, comme cette réminiscence d’Oradour-sur-Glane… L’auteur nous plonge dans un chaos indescriptible, dont il va pourtant nous faire le récit très précis… Si certaines séquences sont très dures, il va de temps à autre glisser un élément d’humour noir de manière subtile, histoire de saupoudrer un minimum de légèreté… Et aussi d’en rajouter dans la critique politique, avec la ministre du très-bien-vivre-ensemble ^^

L’événement de la Courneuve va être le point de départ d’une mise en opposition de l’islamisme radical face au peuple non islamiste, thématique qui a de quoi être corrosive au sortir de ces élections et au vu des problèmes en banlieue. Laurent Obertone traite d’un sujet chaud en y balançant juste une allumette supplémentaire, afin de voir ce qui pourrait en ressortir. Cette scission entre islamistes radicaux et citoyens lambdas va amener son lot de réactions et de détonations, et on plonge dans cette histoire en ayant du mal à en émerger. Ce bouquin se dévore comme un excellent Chattam par exemple, et est ce qu’on appelle vulgairement un page turner ^^ On ne peut pas s’arrêter et on a envie de savoir ce qui va se passer ensuite! L’exploit est d’autant plus remarquable que ce n’est pas évident de rendre attrayant un livre traitant en partie de politique, mais la manière dont écrit Obertone est tellement globale qu’il nous embarque aisément à ses côtés!

Cette vision très pessimiste du pays donne un thriller ultra-tendu, en utilisant des thèmes contemporains qui résonnent fortement! Je suis très curieux de voir ce que l’auteur nous réserve dans les 2 suites!

 

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