Edité en 1996, Turbulences est probablement l’un des romans les plus captivants de Michael Crichton, qui cette fois-ci plonge le lecteur dans les méandres nébuleux du monde de l’aéronautique. La culture de l’auteur est véritablement impressionnante, lui qui approfondit à chaque nouveau roman un autre domaine de manière ultra-documentée! Après la médecine, la nano-technologie, la piraterie, le harcèlement sexuel, le Moyen-âge, la bio-génétique et j’en passe, le célèbre écrivain parvient une fois encore à nous immerger avec un réalisme d’une extrême précision dans les arcanes du pouvoir au sein d’une multinationale, ce qui semble être au final une constante dans ses écrits.
Il prend comme à chaque fois un malin plaisir à élaborer une structure hiérarchique viable tout en l’intégrant dans un ensemble architectural tout aussi élaboré. On est loin des laboratoires aseptisés qu’il affectionne dans ses techno-thrillers, mais les visites dans les entrepôts de Norton Aircraft procèdent d’une minutie similaire. L’une des qualités les plus impressionnantes de Crichton est de parvenir à susciter l’intérêt du lecteur pour un domaine qui de prime abord pourrait s’avérer rébarbatif pour les non-initiés, et surtout de maintenir éveillé cet attrait grâce à un sens exacerbé du suspense. Crichton adore jouer avec la paperasse et les échelles de valeur chères au capitalisme, pour les utiliser avec énormément de subtilité au sein d’une enquête forcément palpitante.
Lorsque le vol TPA 545 subit un décrochage inexpliqué qui causera la mort de 3 personnes et qui en blessera une cinquantaine d’autres, toute la société Norton Aircraft va être bouleversée, des hautes sphères jusqu’aux ouvriers des lignes d’assemblage. Casey Singleton, responsable qualité de l’entité, va devoir mener une enquête incroyablement minutieuse afin d’apporter des réponses à ce qui apparaît comme une catastrophe majeure dans l’histoire du constructeur. Chaque élément de l’avion va être décortiqué, analysé, afin de savoir qui est responsable de cet accident. Dès le début de l’enquête, des pressions vont être exercées afin d’orienter les soupçons, de masquer la réalité, et de sauver les apparences. Entre le constructeur, les sous-traitants, l’exploitant, les fabricants de pièces, le personnel naviguant, chacun va être mis sur la sellette en se renvoyant la balle, et on va assister à un jeu très dangereux d’une immense complexité, où les aspects bureaucratiques et juridiques vont opacifier la recherche de la vérité.
Michael Crichton en profite aussi pour régler ses comptes avec un journalisme télévisuel devenu une machine à spectacle, désireux de choquer au détriment de l’information véritable. Il parvient à assembler tout ces intervenants dans ce qui est une magnifique partition où certains veulent tirer profit de l’événement tandis que d’autres souhaiteraient simplement comprendre ce qui s’est passé. L’enquête est résolument passionnante, se basant sur de très nombreux éléments comme l’aspect humain lors du vol, les modalités de modification des appareils par les compagnies, les méthodes de fabrication des appareils, les aspects commerciaux, de communication, financiers, etc…
Encore une fois, Michael Crichton force le respect avec cet excellent bouquin qui nous plonge dans un environnement différent mais avec une méthode d’élaboration qui a fait ses preuves, et on enchaîne les pages avec un plaisir évident jusqu’au dénouement final!!!