(reprise de ma critique datant du 12 février 2008 sur Salem Center ;-))
Un an après avoir apporté une conclusion puissamment émotive à sa saga Rocky, Sly achève le cycle de son autre personnage fétiche, Rambo. Après le dernier round du boxeur fatigué, que reste-il afin de caractériser un personnage emmuré dans la guerre?
C’est en Thaïlande que l’on retrouve l’ex-militaire, vivant retiré dans un petit village et subsistant grâce à la chasse. Mais à quelques kilomètres de là, la guerre fait rage en Birmanie, et sa proximité géographique ne va pas tarder à attirer le guerrier qui sommeille. En effet, après avoir accompagné un groupe d’évangélistes au but noble et presque irréalisable (aller aider la population birmane victime des exactions de la junte militaire), il apprend qu’ils ont été faits prisonniers par l’ennemi. Une milice est envoyée sur place afin de les récupérer, et Rambo veut les accompagner. Mais le chef des mercenaires refuse, John Rambo semblant trop vieux pour être d’une quelconque aide.
L’héritage des glorieuses années 80 se ressent beaucoup dans ce John Rambo, et apparaît déjà avec la calligraphie du générique qui nous ramène 20 ans en arrière. L’élaboration du script est aussi emblématique de cette vision frontale qui caractérisait les œuvres à l’époque, et qui ne s’embarrassait pas de considérations superflues. John Rambo va a l’essentiel, et s’appuie sur un scénario épuré au maximum qui entre dès le début dans le vif du sujet avec des images insoutenables du journal télévisé. Le contexte est posé, et lorsque les évangélistes débarquent, la suite prend forme tout aussi rapidement. La seule femme du groupe aura un impact considérable sur Rambo, puisqu’elle mêlera 3 visions de la femme qui font défaut au guerrier: la mère protectrice (le rôle qu’elle souhaite avoir avec la population birmane), la femme passionnée (réminiscence de Rambo II: la Mission), et la fille qu’il n’a pas eue et qu’il doit protéger ( il n’arrête pas de lui dire « Rentrez chez vous! »). C’est ce personnage ambivalent qui sera l’élément déclencheur de toute l’opération, et sous l’apparente transparence des protagonistes se cachent des motivations et des désirs perdus bien plus profonds qu’il n’y paraît. C’est cette femme qui va faire ressurgir le guerrier…
Et dès lors qu’il réapparaît, une question simple et évidente me vient à l’esprit: pourquoi une interdiction aux moins de 12 ans? Parce que pour le coup, je l’aurai allégrement montée jusqu’à 18 ans. Le carnage est total et la boucherie sanguinolente à souhait, et il y a de quoi choquer même des adultes dans ce film sans équivoque. Les démembrements, immolations et autres éviscérations vont se succéder avec un sens du détail rare, et Sylvester Stallone s’applique à rendre le tout aussi cru et réaliste que possible. Il s’est largement immergé dans le conflit birman afin de rester aussi proche que possible de cette réalité insoutenable, et les images qu’il crée sont malheureusement un miroir des exactions perpétrées dans ce pays.
Visuellement, jamais on avait été aussi loin dans la représentation de la guerre, et Sly en impose avec cette vision résolument pessimiste de la nature humaine. La montée en puissance de la violence se fait avec intelligence et un grand sens du rythme, aidé par un montage d’une clarté rare. Tout y est lisible, et la caméra évite le syndrome de la tremblote qui empêche de voir ce qui se passe. John Rambo se veut frontal et direct, et le style visuel adopté est immersif au possible. Face à cet ennemi épouvantable, le spectateur ne peut qu’être aux côtés de Rambo et des mercenaires, et un glissement progressif vers une sensation de jouissance létale se fait, un peu à la manière d’un Death Sentence ou d’un A vif. Lorsque la certitude que rien ne pourra faire changer d’avis les agresseurs se fera jour (ce qui est relativement rapide en fait), et que seule la violence pourra les arrêter, cette dernière s’en trouve justifiée et convoque ce qu’il y a de plus sombre dans l’esprit humain. Rambo puise en lui afin de trouver la force de faire « son travail », et c’est après avoir totalement accepté le fait d’être un guerrier et d’aimer donner la mort qu’il est au maximum de ses capacités. Il se sent libéré, et peut exprimer totalement sa puissance.
Etonnant, violent, éprouvant, John Rambo revient à la base du personnage (la forêt environnante n’est-elle pas son berceau?) et lui offre un dernier tour d’honneur qui sent le soufre et les tripes. Tout comme il n’était pas trop vieux pour ces conneries dans Rocky Balboa, Stallone est encore alerte et efficace dans le maniement de l’arc et de la mitraillette. Mon Dieu, ces têtes qui explosent comme des pastèque, ces geysers de sang, ces genoux qui explosent… Franchement, ce film m’a réellement choqué, mais c’était là justement le but de Sylvester Stallone, et il a réussi à traiter ce sujet résolument grave avec une vision à la fois désabusée et pleine d’espoir. Encore une réussite magistrale pour la star des années 80…