Le personnage de Ip Man est l’une des figures emblématiques des arts martiaux chinois, lui qui est un des plus grand maîtres du wing chun. Sa notoriété est en partie due au fait qu’il a été l’un des formateurs d’un certain Bruce Lee! Ip Man (qui peut également être orthographié Yip Man) a été une source d’inspiration pour Wilson Yip (ça ne s’invente pas ^^) et Herman Yau, qui ont tous 2 proposé leur saga parallèle consacrée au maître. En 2008, Wilson Yip nous livre l’excellent Ip Man, auquel il donnera 3 suites : Ip Man 2, le Retour du grand Maître en 2010, Ip Man 3 en 2015 et cet ultime Ip Man 4 : le dernier Combat. Herman Yau a consacré un diptyque à l’artiste martial, avec Ip Man : la Légende est née en 2010, et Ip Man : le Combat final en 2013 (un titre très proche de l’opus 4 de Yip donc ^^) Wong Kar-Wai s’est également intéressé au personnage, dans son impressionnant The Grandmaster en 2013.
La faible actualité cinématographique due à la pandémie permet à de nombreuses oeuvres qui seraient sorties directement en DTV d’avoir l’opportunité de briller un instant en salles, et cet Ip Man 4 : le dernier Combat est le premier film de la saga à se frayer un chemin sur grand écran. C’était donc une belle occasion d’admirer le travail de Wilson Yip et du toujours impeccable Donnie Yen, dans le rôle-titre qui lui va comme un gant! Mais si on se réfère aux films précédents, mis à part le premier qui sortait vraiment du lot en proposant un récit d’action bénéficiant d’une belle richesse historique et d’un travail de reconstitution exemplaire, les suites baissaient déjà nettement en régime, et ce n’est pas ce 4ème opus qui redorera le blason d’une franchise finalement terne…
Ip Man se rend aux Etats-Unis afin de trouver une école pour son fils, et en profite pour honorer l’invitation de son élève Bruce Lee, qui souhaitait lui faire assister à une démonstration d’arts martiaux. Le début du film permet de poser les enjeux, avec la maladie de Ip Man, les rapports conflictuels avec son fils, et un certain décalage culturel entre la Chine et les Etats-Unis. Quelques éléments possèdent des résonances intéressantes, tandis que d’autres apparaissent comme clairement soporifiques… En ces temps de Black Lives Matter, la vision d’une Amérique hostile aux Chinois est intéressante, même si par certains côtés le manichéisme est trop important. Voir cette jeune fille se faire harceler à l’école permet d’apporter un éclairage fort sur la condition des expatriés et de leur descendance, même si l’affreuse cheerleader blonde-américaine est une caricature totale… Elle personnifie l’Amérique républicaine dans ce qu’elle a de plus abject, et le fait sans aucune subtilité… Son père et sa mère n’ont rien à lui envier, et c’est bien dommage de grossir à ce point le trait, quand en face on a une jeune actrice qui apporte une certaine profondeur à son personnage. Vanda Margraf joue la fille d’un influent asiatique, et elle est tiraillée entre son envie d’émancipation et son obéissance à son père.
Mais là où ça devient encore plus caricatural et désastreux, c’est avec le rôle de Scott Adkins. Voir cet excellent combattant donner la réplique à Donnie Yen était la grosse attente de ce film, mais son personnage outrancier à mort est tout simplement affligeant… Il se la joue sergent Hartman dans Full Metal Jacket, mais n’a aucune crédibilité… Et l’opposition entre les 2 acteurs tarde tellement à venir, que l’on est en droit d’attendre un combat final épique, mais il ne tient pas les enjeux… L’opposition entre Ip Man et les expatriés est elle aussi caricaturale, et ce niveau politique n’est clairement pas des plus réussis, avec une prise de conscience qui tombe comme un cheveu sur la soupe pour le père de la jeune fille…
Ip Man 4 : le dernier Combat est un pur produit commercial, destiné à étirer au maximum la saga, et il ne doit son intérêt que lors d’une poignée de séquences. La meilleure est sans conteste le combat de rue opposant Bruce Lee à des karatékas racistes, dans laquelle Danny Kwok-Kwak Chan endosse le rôle du Petit Dragon avec un mimétisme confondant! On se retrouve propulsé dans les bandes d’exploitation US des années 70-80, et c’est un vrai régal le temps d’un combat bien violent et très bien filmé! Une autre belle séquence voit Donnie Yen latter du karatéka en plein air, pour un moment encore réjouissant! Mais c’est finalement très peu pour un film d’arts martiaux, et on suit le reste du récit avec pas mal d’ennui… Et il faut dire aussi que l’utilisation des cables ôte pas mal de réalisme dans certains combats…